Les deux demoiselles Tabouelle étaient des amies de ma mère, connues sans doute tandis qu’elle-même était institutrice.
Elles étaient les filles d’un petit industriel, qui (selon l’histoire) s’était ruiné par des moyens rapides (femmes, alcool, déjà la drogue ? à vous de choisir).
L’aînée, Bérénice, avait une abondante poitrine et un ton mesuré qui faisaient autorité. Sa soeur Suzanne était une cuisinière habile. On était alors en temps de guerre et de privations, mais dans cette campagne on paraissait assez peu dépourvu.
Elles étaient ensemble les seules et uniques institutrices de l’école libre du village de Baisieux, à la frontière belge sur la route de Tournai.
Mes parents, invités à déjeuner, s’y rendaient au moins une fois par an. Dans mon enfance je les accompagnais. Le déjeuner était copieux, savoureux, trop long pour un garçonnet.
J’allais alors musarder dans la cour de l’école, calme et vide, pénétrais dans les deux petites salles de classe, et m’abandonnais à la rêverie devant leurs modestes objets destinés à enseigner.
Nous avons conservé un cadeau de leur part, le grand dictionnaire Larousse en plusieurs tomes datant de 1913, soit avant la première guerre mondiale.
Poster un Commentaire