Les premiers algériens à Roubaix (suite)

La vente était devenue difficile au marché de Roubaix. Les clients se faisaient rares, et souvent venaient et revenaient avant d’acheter. Parmi eux, de nombreux algériens, on disait que les industriels du Nord les avaient appelés en contrats de travail temporaires (pas tous, le patron de votre mère s’y était toujours refusé).
C’était le début de la guerre d’Algérie. Les mouvements algériens, le FLN et le MNA se faisaient la guerre, exigeant le paiement de l’impôt révolutionnaire. Le MNA de Messali Hadj, plus développé à Roubaix, était plus pacifiste, mais nous apprenions fréquemment par le journal l’élimination un à un de ses partisans.
Je me souviens d’une manifestation du MNA qui avait disait-on rassemblé 400 personnes et qui fût relayée par la presse.
Les pauvres hères qui passaIent et repassaient devant mon père étaient donc désoeuvrés le dimanche. Souvent l’un d’entre eux fixait son choix sur un tissu, en demandait le prix au mètre, et se mettait à marchander. Sauf cas exceptionnel, mon père et ma mère refusaient tous les marchandages, du reste très rares. Le marchandage commençait souvent de façon absurde, en proposant de payer 20 francs pour un mètre contre 100 le prix requis. Devant le net refus, le malheureux  passait et repassait, offrant un prix majoré chaque fois de 10 francs, et enfin renonçait.

S’agissait-il pour ces désœuvrés d’un passe-temps, et avaient-ils vraiment l’intention d’acheter ?

On devinait l’existence d’une femme et d’enfants bien loin, dans une Kabylie bien isolée. On les sentait un peu perdus mentalement dans leur exil volontaire et devant nos coutumes, si différentes des leurs.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*