Paura alla Scala

Cette nouvelle est sans doute la plus longue que Buzzati ait écrite, en 1946 ou en 1948. On sortait de la guerre, que Buzzati vécut comme correspondant de guerre pour le Corriere della Sera, mais le thème est celui de la haute société milanaise, bloquée à la Scala au cours d’une réception après un concert, par la crainte d’une insurrection qui s’en prendrait à leurs personnes.
L’état d’esprit des participants est minutieusement décrit : commencé dans l’euphorie malgré la présence en ville d’une faction révolutionnaire appelée les “Morzi”, il décline progressivement sur des rumeurs de plus en plus inquiétantes, qui prennent naissance en eux-mêmes jusqu’à revêtir un aspect véridique, chaque fausse nouvelle alimentant la suivante.
On suit de près plusieurs personnages, et surtout le chef d’orchestre vieillissant, inquiet pour son fils soupçonné d’être un anarchiste, et une habituée de ces soirées en bonne compagnie, animatrice autoproclamée.
La nuit s’écoule dans un délire d’angoisses de plus plus fortes, les invités, affalés sur les divans, sans chaussures ou smokings, perdent toute dignité, tandis que des clans se forment, prêts à changer de bord lors du changement de régime qui se prépare ; quand on risque d’observer la place de Scala depuis un balcon, on la voit vide mais rendue inquiétante par plusieurs rangées de voitures noires bien alignées. Seul un petit chien trottine  au milieu de la place.
Le vieux chef d’orchestre a pris le risque de partir pour rentrer chez lui, non sans avoir averti son fils – tiré du lit par son appel – de ne lui ouvrir qu’avec de grandes précautions et un mot de passe.
Enfin arrive le petit matin, la dame des fleurs ouvre son stand, les balayeurs de rue commencent leur travail, on entend au loin les premiers tramways qui circulent comme la veille.

Il ne s’était rien passé.

Dino Buzzati

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