Il était une fois en France – Livre 1 : L’aventure d’une vie (Pâques – Juillet 2005)

Chapitre 4
Jeanne et Sylvie Guislain


Le lendemain matin, Xavier se réveilla vers 10h. Il s’accordait toujours un peu plus de temps pour dormir le samedi matin. Mais ce matin-là, il avait un mal de tête terrible, sûrement dû à la trop importante consommation de la veille. Un bref sentiment de culpabilité l’envahit. Mais cela ne dura pas. Ses sœurs étaient déjà levées. Sûr qu’elles allaient le disputer d’être rentré si tard la veille. Et il allait devoir leur expliquer sa mission. Il n’en avait vraiment pas envie, mais bon…

Il prit sa douche, puis s’installa à son bureau pour réviser son français, sans avoir déjeuné. Il ne voulait pas croiser ses sœurs trop tôt. Il s’agissait de retarder la confrontation. Courageux mais pas téméraire…

 Il entendit ses sœurs monter les escaliers qui montaient jusqu’à sa chambre. L’heure de la confrontation était donc arrivée. Jeanne, la plus âgée, une belle jeune femme grande et brune de 21 ans arriva la première, suivie de Sylvie, une petite brunette de 19 ans, à l’allure fraîche et vive.

Mais en l’occurrence, les deux affichaient un air très sérieux, ce qui était plutôt rare chez des jeunes filles de nature si joyeuse. Jeanne parla la première :

« Xavier, on a quelque chose à te dire. »

Xavier décida de répondre sur le ton de la plaisanterie pour désamorcer la colère de ses sœurs :

« Oula, mes deux sœurs aînées débarquent dans ma chambre et me disent avec une voix très sérieuse qu’elles ont quelque chose à me dire. Je ne vous cacherai rien : je suis inquiet. »

Il vit à l’air renfrogné de ses sœurs que sa tactique de désamorçage n’avait pas très bien marché. Voire pas du tout. Il craignait le pire.

« Bon, en fait, le problème, intervint Sylvie, c’est qu’on voudrait savoir ce que tu manigances. Tu as demandé à mamie de t’accompagner pour un voyage à vélo alors que tu détestes le sport, tu as vu le ministre et tu as eu du nouveau matériel. On veut savoir ce qu’il se passe.

-C’est bon ! J’ai plus 3 ans ! Je n’ai plus de comptes à vous rendre ! Je sais prendre mes responsabilités !

-Oui, toi, on s’en fout, dit Jeanne sur un ton peu aimable, mais tu n’as pas le droit d’impliquer notre grand-mère. Qu’est-ce qu’il se passe alors ?

-Okay, vous voulez le savoir, pas de problème, répondit Xavier qui savait bien qu’il ne pouvait pas cacher son jeu bien longtemps à ses sœurs, mais n’essayez pas de m’en dissuader ! Bon, vous savez que je suis un indic des services secrets à Lakanal et que je fais de temps en temps des missions pas trop dangereuses pour les renseignements généraux ou la gendarmerie.

-Oui, ça, on le sait, dit Sylvie, et ça nous inquiétait déjà avant !

-Maintenant, dis-nous quelque chose qu’on ne sait pas.

-Okay, reprit calmement Xavier. Il y a des problèmes de trafic de drogue et d’armes au niveau de Jougne. On veut coincer les types qui sont derrière ça. Mamie est la seule à ne pas avoir vendu sa maison à Jougne. Si le type qui rachète les maisons fait partie du réseau de trafic, ils tenteront de nous tuer ou de nous capturer pendant le voyage où nous serons des cibles idéales.

-Pourquoi, demanda Jeanne, rachèteraient-ils les maisons de Jougne pour ce trafic ?

-C’est évident. Pour faire des entrepôts. Le trafic se développe très vite.

-Mais tu impliques mamie dans quelque chose qui ne la concerne pas !

-Au contraire Sylvie, je la protègerai pendant le voyage, elle y sera plus en sécurité qu’à Jougne.

-Mais tu peux pas la protéger, s’exclama Jeanne, tu n’as que 17 ans !

-Rappelez-vous comment je me suis fait engager. Je peux gérer des situations difficiles de ce genre. Mais cela ne sera pas facile. »

Oui, il savait gérer des situations difficiles. Mais allait-il savoir gérer celle là ? Il ne le savait pas lui-même. Mais peu importe, il devait le faire. Et il savait qu’il avait un argument très fort pour les convaincre. Le meilleur argument du monde. Mais il ne fallait pas le sortir maintenant. D’abord répondre à leurs angoisses.

« Pourquoi y mêles-tu tes amis alors ?

-Parce que je sais que je pourrai compter sur eux si j’ai un problème, Sylvie.

-Tu trahis leur confiance en faisant ça, » s’indigna Sylvie.

Maintenant il devait sortir son argument choc. Il n’aimait pas qu’on l’accuse d’être déloyal. C’était la pire chose au monde pour lui.

« C’est vrai. Mais j’ai oublié de vous dire un détail.

-Vas-y, répondit Jeanne, de toute façon, on n’est plus à ça près !

-Je crois que cette affaire est en relation avec une autre affaire non classée depuis trop longtemps à mon goût, » dit Xavier en pesant chacun de ses mots.

Il savait qu’elles seraient sensibles à cet argument. Et c’était d’ailleurs ce qui l’avait poussé à demander la mission. Sinon il aurait demandé à Marianne de vendre la maison, et les services secrets se seraient débrouillés. Il n’aurait pas eu à prendre de risques.

« Ce serait… ?

-Oui Jeanne, c’est cela, l’interrompit Xavier, mais ne vous inquiétez pas, je serai couvert par le commissaire Georges.

-Ah oui, en effet, ça me rassure, répondit Sylvie ironiquement. Bon, je sens qu’on va t’enfermer dans la maison pendant les vacances.

-Impossible, dit sèchement Xavier.

-Pourquoi ?

-Vous ne pouvez pas donner de raison valable pour annuler le voyage à moins de dire la vérité à mamie, ce qui est impossible car vous êtes tenues au secret. De plus, tôt ou tard, son obstination à ne pas vendre la maison la mettra en danger si j’ai raison. Et finalement, je ne peux rompre mon engagement vis-à-vis du ministère.

-C’est bon, t’as gagné, admit Sylvie, mais t’as intérêt à appeler tous les soirs pour dire où tu en es.

-Impossible. La procédure l’interdit. Je ne dois appeler que pour faire un rapport ou pour demander de l’aide pendant la mission. Je vous appellerai une fois celle-ci terminée, c’est promis.

-Et si tu n’appelles pas ?

-Alors vous devrez clore les deux dossiers en suspend à ma place. Vous serez les seules à pouvoir le faire… Sérieusement, je dois réussir cette mission. Si les trafiquants ne sont pas arrêtés, la France sera en danger car ils équipent en armes les indépendantistes corses et bretons, et le Président envisage de mettre en application l’article 16 pour les contrer.

-Quoi ? L’article qui donne les pleins pouvoirs au président ?

-Oui. Si vous tenez à la démocratie, ne me dissuadez pas d’y aller, je suis le seul type aux RG qui puisse faire un appât correct ! Je suis le plus jeune agent secret et j’aurai donc l’air sans défense, mais le commissaire Georges sera là pour couvrir mes arrières !

-Il a raison, Sylvie. Mais toi Xavier, sache une chose : si tu ne reviens pas vivant, je te tue ! »

Et sur ces bonnes paroles, elles sortirent de la chambre sans plus un mot. Certes il leur avait forcé la main, mais elles comprendraient. Elles tenaient à lui, et lui à elles. Mais elles savaient que ce qu’il avait à faire était indispensable. Et cela les concernait tous les trois.

Depuis qu’ils vivaient à trois seulement, un équilibre harmonieux s’était installé dans la maison. Chacun avait son rôle. Jeanne savait très bien cuisiner, donc elle s’occupait des repas. Elle leur faisait des menus à la fois équilibrés et énergétiques, conseillée et épaulée par Marianne, à qui elle téléphonait régulièrement. Elle faisait des études de pharmacie, et était classée parmi les meilleurs de sa promo.

Sylvie faisait les courses, car elle savait se débrouiller pour dénicher les meilleures affaires, et les produits les plus frais. De plus, c’était la seule à avoir son permis. Jeanne ne l’avait pas encore, malgré le fait qu’elle soit plus âgée. Sylvie était donc la plus indiquée pour cette besogne. Elle se chargeait en plus du ménage dans la maison. Elle suivait des études de droit, et comptait partir l’année suivante en Angleterre pour compléter sa formation. Cela était bien sûr sujet à controverse dans cette maison.

De son côté, Xavier se chargeait de laver les vêtements, de mettre et débarrasser la table, et surtout, chose non négligeable, de gagner de l’argent par le biais de son travail pour le ministère. Sylvie et Jeanne exerçaient bien des petits boulots, mais elles devaient surtout suivre leurs études.

Les trois jeunes gens avaient réussi à garder l’appartement de leurs parents, qui avait fini d’être payé, et dont les taxes d’habitation étaient réglées par Marianne. Tout marchait donc à merveille. Mais ce n’était pas facile tous les jours. Ils avaient chacun dû prendre des responsabilités très lourdes pour leurs âges respectifs. Ils avaient tenu jusqu’ici, mais ne savaient pas jusqu’où ils pourraient tenir…




Il était une fois en France – Annexes


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