Il était une fois en France – Livre 1 : L’aventure d’une vie (Pâques – Juillet 2005)

Chapitre 7
Zones d'ombre


Xavier, Quentin, Olivier et Marianne, respectivement 17, 17, 17, et 71 ans, avaient choisi une ancienne ferme comme chambre d’hôte pour la première étape. C’était une grande bâtisse à l’ancienne, entourée d’un immense terrain. La nuit tombante mettait beaucoup en valeur cet endroit, au milieu de ce charmant petit village. La fenêtre de la chambre de la propriétaire (la femme du mari blagueur qui avait une si mauvaise influence sur Quentin) donnait sur la rue principale du village. En allant se coucher, elle regarda par la fenêtre et vit un homme entièrement habillé en noir, qui regardait attentivement la maison. L’homme était grand, assez beau, et avait un air d’athlète de haut niveau. Il avait une chemise noire et un jean noir, donc les couleurs ne juraient pas trop.

« Encore un qui veut la racheter pour construire un immeuble à la place, » se dit-elle.

Et elle ferma ses volets. Si l’homme était intéressé, il n’aurait qu’à s’adresser à elle le lendemain. Mais là elle était fatiguée. Elle se coucha et s’endormit presque immédiatement.

 

            L’homme en noir ne voulait pas racheter la maison. Pas celle-là en tout cas. C’était la maison d’une autre habitante de la ferme qui l’intéressait. Et il était prêt à tout pour l’avoir. Il savait qu’il l’aurait.

            Mais pour l’instant, il attendait un autre homme. Son fidèle acolyte sans qui il ne serait pas arrivé là où il en était. Le fidèle et efficace Jack. C’était Jack qui avait eu l’idée du trafic, et lui qui avait suggéré plusieurs plans diaboliques pour arriver à leurs fins. Un homme de main comme on n’en faisait plus. Son seul défaut aux yeux de son patron était qu’il était non-violent. Mais bon, personne n’est parfait.

            Un autre homme en noir arriva. Le premier ne le regarda pas.

« Ca a marché, je crois.

-En effet, répondit Jack, j’espère que nous obtiendrons l’effet escompté, sinon, nous devrons passer à des moyens plus radicaux !

-Cela ne m’effraie pas le moins du monde, répondit avec assurance son employeur.

-Oh ça risque d’être quand même un peu trop radical pour moi, chef.

-Ecoutez, soit vous adhérez à mes méthodes, soit vous vous dégotez un autre job. Mais vous savez comment on démissionne dans notre métier, dit le chef avec une voix menaçante.

-Je ne le sais que trop bien chef, les pieds en avant position horizontale dans une jolie boite. »

C’était un jeu entre eux. L’homme mystérieux savait bien qu’il avait besoin de Jack et Jack savait bien qu’il n’avait d’autre choix que d’adhérer aux méthodes de son patron. Mais ils aimaient s’adonner à cette tirade. On s’amuse comme on peut…

« Vu tout ce que nous avons investi dans cette entreprise, cela doit réussir, reprit le premier homme très sérieusement cette fois. J’ai tout fait pour la convaincre de vendre sa maison, elle a tout le temps refusé, cette situation ne peut plus durer… »

Et il s’en alla. Jack resta un instant à contempler la maison, puis suivit son patron de loin. Il espérait que son plan allait marcher. Parce qu’il était parfait…

***

Quentin dormit très mal cette nuit-là. Quelque chose clochait. Il n’arrivait pas à cerner quoi, mais il y avait un problème. Il s’assit sur son lit et regarda Xavier complètement endormi à l’autre bout de la pièce. Il avait l’air très paisible. Il ronflait fort et avec entrain.

            « Je me fais vraiment du souci pour rien, » se dit Quentin. Il se rallongea, rassuré. Et il se rendormit. Son sommeil fut agité et plein de cauchemars. Il rêvait qu’il était sur un vélo et qu’il n’arrivait pas à rattraper Xavier et Olivier. Et qu’il perdait du terrain. L’horreur quoi.

***

            Le réveil fut difficile le lendemain matin. Les garçons avaient les jambes douloureuses. Mais après un petit déjeuner copieux, composé de pâtes et de tartine bien fournies, ils reprirent la route, laissant Marianne payer la chambre.

            La journée fut éprouvante. L’enthousiasme de la veille était un peu retombé. Mais une furieuse envie de venir à bout de ce défi sportif entraînait les garçons à aller vite. Le vent soufflait, il y eut de la pluie, et les garçons sentaient les kilomètres de la veille dans leurs jambes. Ils eurent toutefois le courage de faire une centaine de kilomètres. Mais quand ils arrivèrent à la chambre d’hôte le soir, ils se jetèrent sur un lit et n’en bougèrent plus. Ils étaient trempés et exténués. Olivier et Quentin étaient dans la même chambre, et Xavier et Marianne dans l’autre chambre. Xavier repartit faire des courses, comme la veille.

            Un peu plus tard dans l’après-midi, Olivier et Quentin se reposaient sur leurs lits, dont ils ne s’étaient levés que pour prendre une douche.

« Pfff ! Moi, j’en peux plus, s’exclama Quentin. Je suis mort, achevé et enterré !

-Ouais, moi pareil mais moins pire, fit remarquer intelligemment Olivier.

-On a fait combien de kilomètres en tout ?

-Je sais pas. Je m’en fous. On les compte plus !

-A propos, il est où cet abruti de Xavier ?

-Si je te réponds, mon ami, tu vas me trouver grossier.

-Ca m’aide beaucoup ce que tu me dis là, soupira Quentin.

-Je sais, je sais ! Non, je plaisante, il est parti faire des courses, encore une fois !

-Le pauvre, demain, je lui proposerai d’y aller à sa place !

-Comme tu veux, je vais pas t’en empêcher !

-Tu pourrais te bouger de temps en temps, toi aussi !

-Bah pourquoi faire ? »

            Et sur ces bonnes paroles, Quentin et Olivier continuèrent à médire sur leur ami et partirent d’un grand éclat de rire. Puis ils rejoignirent Marianne dans la cuisine pour attendre Xavier qui devait revenir des courses d’un moment à l’autre.

***

Pendant ce temps, Xavier était en rendez-vous avec le commissaire Georges. En effet, il l’avait appelé en lui disant qu’il avait quelque chose de la plus haute importance à lui dire. Le commissaire n’avait pas eu besoin d’en entendre plus pour accepter de le voir.

Ils se retrouvèrent devant le supermarché du village où le groupe s’était arrêté.

« Qu’y a-t-il Xavier ? demanda le commissaire Georges.

-Un doute, commissaire.

-Un doute ? Sur la mission ?

-En gros, oui… »

Le jeune homme semblait embêté et visiblement ne savait pas par où commencer. Le commissaire décida de l’aider un peu. Il avait beaucoup de pédagogie. Et il commençait à bien connaître Xavier.

« Vous avez des soupçons dont vous voudriez me faire part ? demanda Georges.

-Voilà, c’est quelque chose comme ça.

-Je vous écoute. De toute façon, ce que vous me direz n’aura rien d’officiel, donc si cela ne se confirme pas, il n’y aura aucune suite.

-Eh bien… C’est difficile à dire… Mais je soupçonne ma grand-mère d’être impliquée dans le trafic…

-Comment ??

-Oui commissaire. Vous voyez, tout se tient, elle est la seule à ne pas avoir vendu sa maison, et elle ne se sent pas menacée. Et je soupçonne Quentin d’être de mèche avec elle.

-Ces accusations sont très graves.

-Je ne vous en ferais pas part si je n’avais pas de sérieux soupçons. Mais on en apprend beaucoup sur les gens pendant ce genre de voyage.

-Bon, écoutez, je vais faire comme si vous ne m’aviez rien dit, mais si vos soupçons se confirment, appelez moi.

-Je le ferai.

-Bonne soirée Xavier.

-Bonne soirée commissaire. »

Et il s’éloigna. Il sourit. Il était très satisfait de cette entrevue…

***

Xavier rentra à la chambre d’hôtes et trouva Quentin, Olivier et Marianne.

« Ah voila le chef, s’exclama Quentin. Désolé, je savais pas que tu étais parti, j’aurais pu y aller avec toi ou y aller à ta place, tu sais !

-Mais non, il n’y a pas de problème, répondit gentiment Xavier. Ca me fait les pieds ! Ne t’inquiète pas !

-Ouais mais si tu veux, insista Quentin. je peux y aller avec toi !

-Mais puisque je te dis que non ! Je veux y aller seul, répondit sèchement Xavier avant de se radoucir. Tu comprends, je vais en ville en partie pour draguer et ta présence à mes côtés me ferait de l’ombre !

-Je comprends, répondit pensivement Quentin.

-Il faut que je te parle, mamie, dit Xavier en se tournant vers Marianne. Vous nous excusez les gars ?

-Sans problème.

-A vos ordres, » dit Olivier.

            Les deux garçons sortent de la cuisine, un peu interloqués par l’attitude de Xavier. Mais bon, en même temps, se dirent-ils, il a peut-être des affaires de famille desquelles il voudrait discuter avec sa grand-mère. C’était toujours possible. Olivier lança une boutade qui fit éclater de rire Quentin, et les deux garçons continuèrent joyeusement le chemin vers leur chambre.

            De son côté, Xavier semblait ne pas trop savoir par où commencer. Il attendit que les bruits de pas de Quentin et Olivier se soient estompés, puis il se tourna vers sa grand-mère.

« Bon, mamie, tu m’avais dit que certaines personnes cherchaient à racheter ta maison, et je t’avais dit que c’était une mauvaise idée de la vendre, tu te rappelles ?

-Oui, d’ailleurs cette personne, car il n’y en avait qu’une, est revenue plusieurs fois à la charge ! Elle a beaucoup insisté et semblait vraiment tenir à la maison. Mais pas autant que moi !

-Eh bien, vois-tu, j’ai bien réfléchi moi aussi et je me suis dit que tu devrais peut-être vendre cette maison et t’acheter un petit appartement en banlieue parisienne, car déneiger l’allée tous les ans, devoir descendre tout le village pour aller chercher du pain, etc… ça devient un peu dur pour toi, tu trouves pas ?

-Mais c’est toute ton enfance et celle de tes sœurs et de tes cousins qui sont dans cette maison ! Elle signifie beaucoup pour moi ! Elle a une très belle histoire ! Et puis je ne veux pas la vendre, un point, c’est tout, dit-elle fermement.

-Réfléchis bien, dit Xavier très froidement.

-Mais c’est tout réfléchi ! » s’exclama Marianne

            Sur ces bonnes paroles, Quentin et Olivier arrivèrent car ils commençaient à avoir faim, et Quentin ne résista pas à l’envie de lancer un bon mot.

« Moi, je réfléchis pas, je diffuse, dit-il.

-Quentin, répondit Xavier, mi-amusé, mi-irrité, tu voudrais pas mourir une heure qu’on ait un peu la paix, s’il te plaît ? »

            Marianne fit le repas et le dîner se passa dans la bonne humeur générale. Les garçons allèrent se coucher tôt et dormirent à points fermés.

            A l’extérieur de la chambre d’hôte, les deux hommes en noir de l’étape précédente observaient la maison en silence, pensifs. Ils ne savaient pas encore comment tout se passait. Ils le sauraient le lendemain. Le plus grand des deux tourna les talons et s’éloigna. Le deuxième le suivit peu après.

***

De son côté, le commissaire Georges prit une chambre d’hôtel dans le village, et appela le ministre de l’intérieur le soir. La communication fut courte, et il s’abstint de signaler ce que Xavier lui avait dit. Il dit à peu près ceci :

« Mes respects monsieur le ministre, dit –il... Non, rien à signaler…. De toute façon, s’il y a un problème, Xavier Guislain a un moyen de me contacter !... Non monsieur, il n’échouera pas, il sait qu’il n’en a pas le droit. Il ne se le pardonnerait jamais… Je ferai mon possible de mon côté… D’accord… Mes respects monsieur le ministre ! »

Il raccrocha, prit sa douche et se coucha. Une dure journée l’attendait le lendemain. Il devrait avoir Quentin et la grand-mère à l’œil. Il espérait que Guislain savait ce qu’il faisait. Mais il avait confiance en ce jeune garçon. Il avait du talent et de la dévotion. C’est ce qui comptait à ses yeux.




Il était une fois en France – Annexes


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