Chapitre 9
L'arrivée

La dernière étape fut très facile. Le groupe avait logé à Arbois la veille, et il ne leur restait qu’une cinquantaine de kilomètres à faire. Ils comptaient arriver à Jougne pour le repas du midi. Ils partirent donc vers 8h du matin, très enthousiastes à l’idée de terminer leur exploit sportif. Ils roulèrent vite, et au bout de vingt kilomètres, ils retrouvèrent Marianne.
« Vu le peu de kilomètres qui vous reste, leur dit-elle, je vais vous attendre à la maison. Comme ça, je pourrai vous faire le repas pour ce midi.
-Bonne idée, répondit Xavier.
-A tout à l’heure madame, » dit Olivier.
Elle remonta dans sa voiture, démarra, et les garçons la regardèrent s’éloigner. Puis ils se remirent en route pour les 30 derniers kilomètres de leur périple.
Vers 11h30, ils arrivèrent au panneau d’entrée de Jougne. Xavier les guida jusqu’à la maison, qui n’était pas très loin de l’entrée du village. Devant la maison de Marianne se trouvait un homme habillé tout en noir quand ils arrivèrent. Les garçons furent surpris de voir un homme qu’ils ne connaissaient pas se tenir devant la maison comme si elle lui appartenait. « Un peu jeune pour être un copain de Marianne, » pensèrent-ils. Il était en bas de la descente de garage, donc ils s’arrêtèrent à son niveau. C’était Francis.
« Bienvenue mes amis, » dit-il avec une voix menaçante.
Olivier fut le premier à reprendre ses esprits.
« Qui êtes-vous ? Xavier, tu le connais ? demanda-t-il.
-C’est encore un de tes admirateurs, Xavier ? demande Quentin.
-Je ne suis pas Xavier… »
Ce fut comme si la foudre s’était abattue sur Olivier et Quentin. La voix de Xavier avait complètement changé, elle était menaçante. Son regard était dur, le même que celui que Quentin avait vu quand il téléphonait. Les deux garçons ne comprenaient plus rien, ils commencèrent à avoir peur. L’idée de fuir leur vint à l’esprit. Mais celui qui se faisait passer pour Xavier, et l’autre homme lirent dans leurs pensées. Ils sortirent chacun un revolver. Ce fut un coup de plus pour Quentin et Olivier : ils avaient fait tout le voyage avec un homme armé !!
« Je m’appelle Jean Rousseau, reprit celui qui se faisait passer pour leur ami. Xavier est entre nos mains et si vous voulez le rejoindre, et même si vous ne voulez pas, d’ailleurs, veuillez me suivre.
- C’est quoi encore cette embrouille ? demanda Olivier
-Vous ne savez pas dans quoi votre ami s’est fourré… Mais vous en subirez les conséquences quand même, » continua Francis de la même voix menaçante et monocorde.
Les deux hommes les firent rentrer dans la maison, puis les guidèrent vers une chambre au sous-sol. Francis et Jean Rousseau leur ouvrirent la porte et leur firent signe d’entrer. Ils entrèrent et virent Xavier, le vrai, ligoté sur une chaise.
« Olivier, Quentin ! » s’exclama-t-il avec soulagement.
Il était heureux de voir qu’ils n’avaient rien, car Francis et Jack avaient laissé entendre devant lui qu’ils n’hésiteraient pas à tuer ses deux amis. Il était donc très soulagé. Il demanda quand même s’ils allaient bien
« Bah c’est pas la meilleure journée que j’ai passée, répondit Quentin en essayant de rester léger, mais bon, on est encore vivants. »
Francis les fit s’asseoir sur un canapé, en face de Xavier.
« Plus pour longtemps si ta grand-mère s’obstine, Xavier !
-Qu’en avez-vous fait ? demanda Xavier.
-Etant donné qu’elle est arrivée avant tes amis pour ouvrir la maison, nous n’avons eu qu’à la cueillir car nous étions déjà là, mais toi, tu dormais comme un bébé à ce moment suite au petit coup sur la tête que Jack t’avait donné ! Elle est avec lui en ce moment d’ailleurs et il essaye de la persuader de signer le contrat. Si elle ne le signe pas, tu mourras, Xavier et nous te remplacerons dans la société par Jean Rousseau ici présent.
-C’est impossible, il ne peut pas se faire passer pour moi ! »
Quentin et Olivier n’en étaient pas si sûrs. Leur regard allait de Xavier à Jean Rousseau, puis de Jean Rousseau à Xavier. La ressemblance était vraiment frappante. Il pourrait sans problème se faire passer pour Xavier. Mais ils ne voulaient pas déstabiliser leur ami plus qu’il ne l’était.
« Ce sera pour un court laps de temps, continua Francis, car il « mourra » dans un accident et ira refaire sa vie ailleurs ! »
Il jubilait. Et il y avait de quoi, le plan était parfait. Ils trouveraient sûrement moyen de le faire disparaître dans un accident de voiture, et de mettre sur son dos le meurtre de Marianne, Quentin et Olivier dont ces trafiquants devraient se débarrasser.
« Bande de terroristes, hurla-t-il. Vous êtes des monstres ! »
Il était hors de lui, fatigué, et désemparé par le plan parfaitement rodé de Francis. Celui-ci en remit une couche au désespoir de Xavier.
« Dis-toi que c’est toi qui est à l’origine de ton malheur, Xavier, car tu n’as pas voulu que ta grand-mère vende cette maison.
-Pourquoi en avez-vous besoin au fait ? demanda Xavier plus calmement.
-Pour faire des entrepôts, voyons mon cher Xavier. Ne me dis pas que tu ne l’avais pas deviné, toi qui es si malin. D’ailleurs, vois-tu, c’est drôle parce que c’est moi qui aie capturé tes parents il y a 2 ans et tu es mon prisonnier maintenant. Comme l’histoire se répète… »
Depuis le début, Xavier savait que les deux affaires étaient liées. Il savait que c’était ce Francis qui avait capturé ses parents. C’est pour ça qu’il avait pris tous ces risques. Il en avait marre d’avoir toujours raison.
De leur côté, Quentin et Olivier ne comprenaient plus rien. Ils regardaient tour à tour Xavier, Jean Rousseau et Francis, interloqués. Mais ils n’osaient pas intervenir.
« Mes parents sont toujours vivants ? demanda Xavier
-Oui, mais loin d’ici, au Tadjikistan, répondit Francis avec un petit rire sardonique.
-Je le savais ! Je savais que les deux affaires avaient un rapport ! »
Il voulait montrer à Francis que malgré le fait qu’il soit prisonnier, il en savait assez pour le déstabiliser. Mais Francis ne se laissa pas ébranler. Il continua sur le même terrain.
« Oui et moi, dit Francis, je sais aussi que tu étais engagé aux services secrets et, au cas où tu croyais pouvoir compter sur l’aide du commissaire Georges, sache que j’ai envoyé Jean discuter avec lui pour lui dire qu’il avait eu une mauvaise intuition et que les trafiquants ne se montreraient jamais ! Tu es tout seul, Xavier... »
Xavier fut assommé par cette dernière nouvelle. Ainsi même sa couverture était tombée. Il avait en effet compté sur le commissaire Georges pour intervenir en l’absence de nouvelles de lui, mais ce dernier espoir venait de s’évanouir. Comment diable avaient-ils su ? Marianne n’en savait rien. Quentin et Olivier non plus. Jeanne et Sylvie n’auraient jamais parlé, même pour sauver leurs vies. Il ne restait plus qu’une solution.
« Vous n’avez pas pu faire ça sans une aide extérieure, dit Xavier. Il y a donc une taupe aux services secrets. Qui m’a trahi ?
-Oh, je peux te le dire étant donné que tu ne sortiras pas vivant d’ici, dit Francis avec un petit sourire. C’était notre agent Inambour. La Taupe Inambour. C’est Françoise Bernard.
-Non, ce n’est pas possible !! C’est pour ça qu’elle s’intéressait tant à la mission et qu’elle m’a demandé de tout lui raconter ! Et moi qui lui faisait confiance ! »
Xavier n’en revenait pas. Pour une fois qu’il avait pu parler librement de sa mission à des gens du service, il fallait qu’il y ait une taupe parmi eux ! Il s’en voulut atrocement. Mais ce qui était fait était fait. Il fallait maintenant sortir de ce très mauvais pas. Francis continua ses explications, comme doit faire tout bon méchant avant d’exécuter ses victimes.
« Eh si, c’est notre informatrice depuis de nombreuses années et quand nous avons eu vent de ta mission, nous avons immédiatement soumis Jean Rousseau à une opération de chirurgie esthétique et nous avons modifié sa voix pour qu’il te remplace pendant le voyage et pour qu’il puisse convaincre ta grand-mère de nous vendre la maison. Mais elle y tient à sa maison ! En somme, si ta grand-mère avait craqué, c’est toi qui nous aurais fourni la solution à notre problème.
-C’est ce que mes parents avaient découvert il y a 2 ans, la traîtrise de Françoise Bernard ! Comment l’ont-ils découvert ? »
Il s’était toujours demandé pourquoi ses parents s’étaient fait enlever, il avait là la réponse. Il s’attendait à quelque chose de plus glorieux. Il était un peu déçu mais peu importe, il devait en savoir plus. Francis répondit à sa question.
« François avait commis une erreur. Elle m’a appelé de son bureau pour une urgence. Elle est allée supprimer l’appel de la liste de la sécurité, mais ton père l’avait vu avant. Il a prévenu ta mère et lui a donné rendez-vous chez toi pour discuter de cet appel. François l’a su, et nous les avons interceptés, juste à temps. Puis nous les avons mis sur le premier cargo pour le Tadjikistan, où mon employeur les tient prisonnier. Françoise Bernard a bien sûr été punie pour cette faute… »
Xavier voulut dire quelque chose, mais Olivier l’interrompit.
« Attends 2 minutes, Xavier, tu m’as dit que tes parents étaient morts dans un accident de voiture !
-Oui, je… commença Xavier.
-Oh, s’étonna Francis, il ne t’a pas dit que ses parents étaient des agents secrets enlevés par mon organisation il y a 2 ans, et qu’il avait été engagé aux services secrets à la suite de cet enlèvement ?
-C’est quoi cette histoire, Xavier ? demanda Olivier.
-Je te raconterai Olivier, lui dit Xavier avant de se retourner vers Francis. C’est donc Françoise Bernard qui a permis à votre trafic de prospérer sans être inquiété par les services secrets !
-Oui, répondit Francis, Françoise Bernard nous a été très utile pour orienter les services secrets sur de fausses pistes et également pour corrompre les autorités locales. Mais il a fallu qu’un jour, un lycéen voulant des aventures décoiffantes ait une bonne intuition ! Elle nous a immédiatement prévenus et nous avons fait le nécessaire. Elle a notamment bloqué la carte bleue de ta grand-mère pour la déstabiliser pour qu’elle soit plus encline à céder aux arguments de Jean. Mais ça n’a pas marché. Bon, je vais voir si ta grand-mère a signé ou pas, je vous laisse entre amis ! »
Il se dirigea vers la porte Jean Rousseau le suivit, mais Xavier l’interpella.
« Hey man ! Je peux avoir mon portable pour lire l’heure ? De toute façon, il n’y a pas de réseau ici !
-Okay, je te le laisse, répondit Jean Rousseau, j’ai épuisé tout le crédit de toute façon ! »
Il sortir à la suite de Francis et verrouilla la porte. Ils montèrent les escaliers et retrouvèrent Jack et Marianne dans la cuisine. C’était le meilleur endroit pour la cuisiner, s’était dit Jack.
« Elle a signé ? demanda Francis.
-Non chef, elle s’obstine.
-Je veux voir mon petit-fils, dit Marianne.
-Mais il est là madame, dit Francis en montrant Jean Rousseau.
-Ce n’est pas lui. Mon Xavier n’a pas cet air cruel.
-Bon, okay ce n’est pas lui. Mais si vous ne voulez pas signer, je torturerai puis je tuerai Quentin, Olivier puis Xavier. Puis si cela ne suffit pas, j’irai chercher vos petites-filles. Jeanne et Sylvie, c’est ça ? Ca serait dommage de perdre toute votre famille à cause de moi… Nous allons vous laisser réfléchir une petite heure. Conduis-la dans sa chambre, Jack
-Oui chef, » obtempéra Jack.
Il sortit de la cuisine avec Marianne. Francis ferma la porte et se tourna vers Jean Rousseau. Son regard était dur.
« Je ne te félicite pas, Jean.
-Pourquoi ? J’ai accompli ma mission, non ?
-Ta mission était de la faire signer le contrat de vente par la persuasion ! Au lieu de ça, je suis obligé de m’exposer. Je te préviens, si elle ne signe pas, j’en réfèrerai au boss, et ça se passera mal pour toi !
-Mais elle est têtue comme une maguette patron !
-Et alors ? Tu étais Xavier ! Tu pouvais la persuader de n’importe quoi ! Elle aurait fait n’importe quoi pour ses petits-enfants !
-Tout mais pas ça.
-Tu ne t’y es pas bien pris. Peut-être que tu ne valais pas l’investissement qu’on a fait sur toi…
-Je me rattraperai chef. Je suis Xavier, comme vous avez dit… Je peux prendre sa place aux services secrets et servir de taupe.
-On a déjà Françoise…
-… qui a déjà fait des erreurs. Pas moi.
-J’y penserai. Mais si tu n’as pas trompé la grand-mère, tu ne tromperas pas les sœurs…
-J’ai trompé Marianne. Mais les sœurs je ne pourrai pas. Il suffira de les éliminer.
-Je vais y penser. »
Et il sortit de la cuisine, laissant Jean Rousseau seul. C’était peut-être une bonne idée, qui permettrait de se débarrasser de Françoise Bernard, sur qui des soupçons pesaient déjà. Enfin Jack n’allait peut-être pas apprécier l’idée. Mais il allait méditer là-dessus.
Pendant ce temps-là, à la cave, Quentin et Olivier bombardaient Xavier de questions. Ils étaient agressifs, et Xavier les comprenait. Mais il n’aurait jamais pu imaginer que ça tournerait aussi mal.
« C’est quoi cette histoire alors, Xavier ? demanda Olivier.
- Oui, on aimerait comprendre ! souligna Quentin.
-Bon, pour comprendre, il faut remonter 2 ans en arrière. Le 30 mai 2003, j’étais en troisième, je rentrais chez moi, ça avait été une journée très difficile, j’avais eu 6h de contrôles, ce qui est beaucoup en 3ième … »
Il était une fois en France – Annexes
