Journée avec Corto Maltese

Circuit Corto Maltese : Porte de la mer

Fable de Venise est la 25e aventure de Corto Maltese. Écrite et dessinée par Hugo Pratt, elle se déroule du 10 au 25 avril 1921. La toile de fond en est la montée du fascisme en Italie, après la Première Guerre mondiale.

Sous la surveillance du dieu Abraxas, des loges maçonniques et des milices fascistes, Corto Maltese est sur la piste de la « Clavicule de Salomon »  après avoir reçu une lettre posthume du baron Corvo qui le met au défi de retrouver une pierre magique. Tous les ingrédients d’un roman d’aventure sont présents : une énigme, une émeraude légendaire, des femmes mystérieuses, des aristocrates déchus, des « Chemises noires », des loges maçonniques, des sociétés secrètes et les lieux magiques de Venise.

L’auteur apporte ici ses souvenirs de jeunesse et recrée un monde qui n’existe plus, composant une aventure qui finit dans un rêve. « C’est le témoignage de mon amour pour Venise », disait-il.

Nous allons découvrir encore une autre Venise en empruntant le chemin appelé « Porte de la Mer », qui nous emmènera du côté de l’arsenal, dans des labyrinthes, des ruelles peu passantes, et où je vous propose plusieurs activités, en plus de celle de marcher.

  • D’abord un défi « photos »
    • des photos de patères : beaucoup de motifs décoratifs sculptés, le plus souvent zoomorphes, sur les murs des palais et des maisons. Elles forment un bestiaire unique au monde. Leur origine date de l’an mil. Elles font rêver à des mondes fabuleux, à des voyages et parsèment les itinéraires comme autant de petits cailloux blancs.
    • des photos clin d’œil entre des planches de « fable de Venise » et ce que nous voyons : retrouver un lieu ou un objet, et prendre une photo qui ressemble à celle de la BD.
  • Ensuite, des moments de la lecture : histoire de la fable de Venise, etc …
  • Et surtout un déjeuner ——– à trouver !

Lieu du rdv + horaire : démarrage à 10h, devant l’église de San Giuseppe di Castello

Itinéraire

Eglise San Giuseppe Di Castello, place Sant’Iseppo (1)

Reconstruite au XVI, propriété des Augustines puis des Salésiennes. Une fresque (peu remarquable) attribuée à Giovanni Antonio Torriglia (XVII). Les colonnades et les perspectives en trompe l’œil donnent une sensation de vertige. Les peintures attribuées à l’atelier du Tintoret : l’adoration des bergers de Veronese dans le presbytère ; monument funéraire dédié au doge Grimani et sa femme.

Clou de la visite : l’autel commandé par l’amiral Brana, enterré à ses pieds, dont la base représente, avec une influence islamique, à la bataille historique de Lépante. La bataille de Lépante a lieu le 7 octobre 1571 dans le golfe de Patras, sur la côte occidentale de la Grèce, à proximité de Naupacte (alors appelée « Lépante »). C’est une bataille navale de la quatrième guerre vénéto-ottomane, où s’affrontent la flotte ottomane de Sélim II et la flotte de la Sainte-Ligue. Cette coalition chrétienne formée sous l’égide du papePie V, comprenait des escadres vénitiennes et espagnoles. Cette bataille s’achève par la défaite des Ottomans qui y perdent la plus grande partie de leurs vaisseaux (187 sur 251 engagés) et plus de 20 000 hommes. Le retentissement de cette victoire est immense en Europe car elle apparaît comme un coup d’arrêt décisif porté à l’expansionnisme ottoman.


Avant d’arriver au bout de la rue, à Secco Marina (2), sur la droite, une vieille cour avec un petit autel, où l’on peur voir à la belle saison, des impiraperle (enfileuse de perles) pour de jolis colliers composés de minuscules perles de verre.


Calle delle Furlane (3)
Simples bâtiments, accueillant des hommes de condition modeste qui venaient à Venise en masse pour trouver du travail. Ils étaient accompagnés de leur famille, et leurs femmes apportèrent la furlana, danse du frioul qui devient populaire dans ce quartier. 
Furlana est aussi le nom d’une chaussure.


Eglise San Pietro di Castello (4)

Accès par un long pont en bois, belle vue

XVII, architecture palladienne, avec de nombreuses restaurations. Haute coupole de 54 m soit 4 m de moins que celle de Michel Ange à Saint Pierre De Rome. A l’intérieur, la chaire dite de Saint Pierre, car celui-ci l’aurait utilisé à Antioche. Dossier en forme de stèle funéraire de style arabo-sulman, transformé en siège.


Calle Loredana (5)

Sous un porche étroit et bas, face à la vieille muraille des corderies où l’on voit souvent des filets en train de sécher avec une odeur caractéristique de chanvre et de sel. A chercher : sur la gauche, une stèle murale indiquant la taille minimum à la vente. Des sanctions lourdes voire très lourdes, … preuve que la Sérénissime tenait à protéger ses ressources


Près de la statue de Garibaldi (6)

Lieux de retrouvailles préférés d’Hugo Pratt et de ses amis, mais aussi un endroit animé. Et ce depuis la fin de la guerre, avec une occupation par les troupes alliées, qui animaient les ruelles vivantes où les marchandises et activités les plus variées parfois peu licites, se côtoyaient. On y entendait les premiers juke-box et leur musique venant tout droit d’Amérique.

Contrebande ? la plus prisée : la pénicilline ! avec des tractations qui avaient lieu à bord des navires sanitaires de l’armée. Le paquet en main et au moment de payer, l’escroc vénitien plongeait dans la lagune, du haut du bastingage, où il était récupéré par ses complices à bord de canots puissants. Furieux les marins floués essayaient de les atteindre à coups de lance à eau … sans succès.

Puis entre 1950 et 1960, de la pénicilline à la cigarette, transportées dans de petits bolides sur l’eau entre lagune et mer, pour échapper aux embarcations plus lourdes de la police.

D’où aussi une concentration d’aventuriers, et d’épisodes sanglants, des pirates de l’Adriatique. Au bout de la rue, une construction rénovée en forme de proue d’un navire prêt à appareiller. Demeure des navigateurs Giovanni et Sebastiano Caboto. Le premier trouva une route plus septentrionale que C Colomb, il planta le drapeau anglais (à la solde du roi d’Angleterre) et la bannière de saint marc sur la terre canadienne. Son fils lui poursuivit l’exploration des routes d’Amérique méridionale et fut l’inspirateur du passage du nord-est. 


Riva degli Schiavoni (7)

Tire son nom des Esclavons ou des Dalmates qui accostaient là et vendaient de la castradina (viande séchée de mouton castré) et de la bojana (poisson sec d’Albanie). Jusqu’aux Giardini, se succédaient les chantiers navals dont celui fabriquant les MAS ou lance torpilles utilisés pendant les 2 dernières guerres.


Museo Storico Navale (8)

Avec deux ancres en sentinelles, des armes, modèles réduits, uniformes, étendards, bateaux, illustrations,

  • … il y a un petit canon mitrailleur chinois contemporain du sanglant épisode des Boxers (1900) : cf aventure chinoise de Corto Maltese à la poursuite d’un train chargé d’or entre Shanghai, la Mandchourie et la Sibérie (Corto Maltese en Sibérie).
  • Des portraits de capitaines de mer, école de Tintoret
  • Must : réplique du Bucintoro, vaisseau de parade des doges … que Napoléon décida de brûler pour humilier la ville de façon radicale (le jour de son installation à Venise, en tête des troupes d’occupation – 1797)
  • Gravure réalisée par Abbé Maffioletti, sur le cycle de production dans les différentes zones de l’Arsenal (chaîne de montage destinée à construire rapidement de vastes embarcations aux structures complexes. en particulier, le désastreux incendie de l’Arsenal, en 1569, l’année précédant la bataille de Lépante, n’empêcha pas les vénitiens de construire la grande flotte qui mis en déroute les Turcs.)

> l’infrastructure du bateau en chantier se déplace le long d’une ligne de production. La première étape consiste en la construction de la charpente et de la coque, compris le calfatage ; dès que la coque peut flotter, elle est remorquée aux différentes étapes du processus de production: les cabines sont ajoutées, ensuite les mâts ; différents équipements sont ensuite embarqués à différentes étapes : canons, voiles, munitions, ancres, cordages, chaînes, rames, etc. ; au dernier arrêt, des provisions sont ajoutées. Cette division du travail et cette spécialisation ont permis d’équiper les navires beaucoup plus rapidement qu’auparavant.

> un niveau élevé d’intégration verticale, avec un contrôle le flux de matières à partir de la récolte et de l’extraction de celles-ci. Venise par exemple gère sa propre forêt dans la province de Trévise pour assurer un approvisionnement régulier en bois coupé.


Avant le pont paradiso (9)

Avec le billet d’entré du musée, pousser une porte fermée par 2 ancres et pénétrer dans l’ancienne fabrique de l’arsenal Avec une embarcation destinée au transport de l’oxygène des scaphandriers (aventure de Corto M dans le monde Mu).


Entrée de l’Arsenal  (10) – 1460

Arsenal vient de l’arabe « darsina’a », lieu où sont construits et abrités les bateaux

A rechercher

  • L’étalon du pas venete : juste après l’entrée par voie de terre de l’Arsenal (à gauche des lions), 2 barres de métal de longueurs différentes, étalon du mètre et du pas venete, le second ayant été utilisé comme unité de longueur jusqu’en 1875, date à laquelle 17 Etats dont l’Italie se sont engagés à répandre dans leur pays l’usage de mesures métriques conventionnées. Après avoir été fixé en se basant sur l’anatomie du souverain, l’académie le fixe égal au dix millionième partie d’un quart de méridien terrestre. La France fut la première en 1795 à l’utiliser.
  • Traces des anciennes maisons des ouvriers de l’arsenal :  a san marino, le long du rio delle gorne, sur la fondamenta dei penini aux numéros 2445 et 2446 : appelés arsenalotti, ils jouissaient de privilèges et constituaient une sorte d’aristocratie ouvrière, une élite d’artisanat, qui de plus, était investie de tâches exclusives comme la garde d’honneur du palais des doges lors des séances du grand conseil ; ramer à bord du Bucentaure ; celle de la Zecca (hotel de la monnaie) ; lutter contre les incendies …

4 lions sont alignés à l’extérieur dont le plus grand qui provient du Pirée où il gardait l’entrée du port d’Athènes. Rapporté à Venise comme but de guerre.

Ce grand lion porte la trace d’antiques inscriptions runiques gravées en commémoration de l’aide apportée par des mécènes scandinaves à l’empereur byzantin contre une rébellion du peuple grec en 1040.

Les inscriptions runiques des lions de l’arsenal

* Les runes sont les lettres de l’alphabet runique des peuples de langue germanique, écrites et lues principalement à partir de c. 160 de notre ère en Scandinavie dans l’écriture du vieux Futhark (jusqu’à environ 700 de notre ère) et du Futhark récent – qui marquèrent l’ère viking.

Ce n’est qu’au XIX siècle qu’un érudit danois CC Rafn y vit des runes nordiques qui auraient été gravées au XI siècle sur ordre du futur roi de Norvège, Harald III Sigurdsson (1015-1066). Celui-ci après la mort de son demi-frère était parti en exil à Constantinople où il devient le chef de la garde d’élite de l’armé byzantine (la garde varangienne), et conquit Athènes.

Les inscriptions se traduiraient comme suit : « Haakon, grâce à l’aide de Ulf, d’Asmud et de Orn, a conquis ce port. Ces hommes ainsi que Harald le grand, eurent de lourdes pertes à cause de la révolte du peuple grec. Dalk a été gardé en captivité en pays lointains. Egil faisait la guerre, en compagnie de Ragnar, en Roumanie et Arménie. » et «  Asmud grava ces runes, aidé par Asgeir, Thorleif, Thord et Ivar, sur ordre d’Harald le grand, bien que les grecs décidassent de s’y opposer. »

Harald le grand, rentra dans son pays, devint roi en 1047 et fut tué à la bataille de Stamford bridge, quelques jours avant la défaite de la bataille de Hastings.


Campiello del Piovan (12) 3 margelles de puits …. Aucun magasin, ni bar, ni artisan ! silence, quiétude


Campo Bandiera e Moro o de la Bragora (13)

Nom issu de la contraction de brago ou boue et de gora ou eau stagnante. L’église San Giovanni qui renferme un très beau retable de Cima da Conegliano : baptême du Christ. Le compositeur Vivaldi fut baptisé dans cette église Février 1819, un éléphant s’échappe … et après avoir détruit portes, escaliers et margelle de puits, il se retrouve devant l’église. Pagaille donc. L’infanterie de marine dut abattre l’animal avec une bombarde. 


Corte Rotta (14) Qui devient la « placette de l’Arabe d’Or »


Eglise des Chevaliers-de-Malte ou San Giovanni dei Furlani ou del tempio (15)

Fin XI, appartient aux templiers puis à leur dissolution (1312) aux chevaliers saint Jérôme, qui devinrent chevaliers de Rhodes puis de Malte. Un cloître plein de charme (église pillée et fermée) décoré d’armoiries de chevaliers.


San Giorgio degli Shiavoni (16)

Ou Saint Georges des Esclavons, à côté de l’église des chevaliers de malte.

Les immigrés sont si nombreux qu’ils se rassemblent en une confrérie (ou scuola) placée sous la protection de 3 saints : Georges, Tryphon et Jérôme. Début du XVI siècle, ils construisent la scuola sur le terrain du couvent de l’ordre des chevaliers de Malte.

Extérieur : architecte Giovanni de Zan Intérieur : un cycle de peinture dédié aux saints protecteurs. A visiter.


Trattoria da Remigio (17) Bonne adresse (rapport qualité-prix) pour le poisson. ouvert le lundi midi


Eglise San Giorgio dei Greci (18), Eglise la plus ancienne d’occident, dédiée à saint Georges.

Venise étant au moment de l’occupation turque, le centre principal de la diaspora grecque. (cf sculpture saint georges terrassant le dragon). Pratiquer les rites de la religion grecque orthodoxe n’était pas sans poser problème pour Rome (schismatique !) mais après des luttes, les grecs furent autorisés à se constituer en confrérie, à acheter un terrain et à construire une église. Fin des travaux en 1573. La Sérénissime était intéressée : elle fournissait en cas d’engagement militaire, l’aide des stratiotes ou hommes recrutés pour leur courage et leur agilité dans les combats, cavaliers d’une redoutable efficacité.

Entre fin XV et début XVI, Venise devenue centre culturel grec le plus connu d’Europe. L’éditeur Aldo Manuzio publiait des classique tels que Platon et Aristote, en s’appuyant sur une équipe de lettrés, dont Erasme.

En 1662, collège d’études supérieures construit près de l’église, un hôpital aujourd’hui musée des icônes. Derrière l’église, un cimetière minuscule avec des patères, bas reliefs, un intérieur de l’église, doré comme une icône byzantine


N°2862 (19)

Une grille ferme la Corte del Maltese, « bouche dorée » dans la toponymie de Pratt


Arche de marbre vénéto byzantine donnant sur une cour (20) « calle dei Marrani »


Intersection entre Calle dell’ogio et Ramo Baffo (grand poète érotique) – (21) Le coin du palais est factice : la fenêtre semble normale, un mur la soutient, mais derrière, rien … coulisse d’un théâtre… Venise n’existe pas, Venise est un théâtre avec des décors fabuleux mais irréels. Des décors qui mènent au-delà de l’apparence, des portes qui emmènent au-delà des réalités … vous sortez des tromperies, du chemin qu’empruntent les touristes.


Résumé de la fable de Venise

Abraxas, qui apparaît sur un mur de la loge Hermès Trismégiste et sur un de la demeure d’Hipazia

La Loge d’Hermès

Poursuivi par la milice fasciste, Corto Maltese trouve refuge chez les francs-maçons. La nuit tombée, un de leurs membres, Bepi Faliero l’accompagne dans les rues de Venise. Chemin faisant, le Maltais lui fait savoir qu’il est dans la cité pour chercher une émeraude, appelée « Clavicule de Salomon ». Ils rencontrent alors un groupe de Chemises noires mené par Stevani qui leur cherche noise. Passant par là, le poète Gabriele D’Annunzio intervient pour calmer le jeu.
Reprenant leur chemin, tous trois viennent à parler de la philosophe néoplatonicienne, Hipazia et de l’écrivain Frederick Rolfe, dit le Baron Corvo. Voyant l’intérêt de Corto Maltese, Bepi Faliero l’invite à rencontrer la philosophe. D’Annunzio, pour sa part, va le mettre en relation avec Stevani, car son père avait bien connu le Baron Corvo.

L’Énigme du Baron Corvo

Bepi l’emmène rencontrer Hipazia. A propos de l’émeraude magique, Corto révèle que peu avant sa mort, le Baron lui a envoyé une devinette : Le lion grec perd sa peau de serpent septentrional entre les brumes de Venise…

Plus tard, Corto entre dans l’église de San Pietro di Castello examiner la chaire de l’apôtre Simon Pierre dont le dossier est orné d’une stèle funéraire. Ce sont les inscriptions arabes de cette pierre que le Baron Corvo voulait déchiffrer.
Il se rend ensuite jusqu’à l’arsenal pour examiner et relever les runes scandinaves gravées à l’épaule du lion grec (ce qui correspond à l’énigme) qui en garde l’entrée. Puis s’en va dans le « vieux ghetto », les soumettre à son ami, le savant Melchisedech.

Le lendemain, pensant à ce que lui a dit le poète d’Annunzio au sujet du père de Stevani, il décide de le voir.  Bepi Faliero l’a devancé. Il est déjà chez Stevani pour lui rendre compte des recherches que fait Maltese. En lisant le journal du baron adressé à son père, Stevani raconte le périple de l’émeraude dont la trace se perd finalement dans Venise. En arrivant devant la maison, Corto entend deux détonations. Il accourt à l’intérieur et découvre Stevani blessé. Les « Chemises noires » font irruption. Croyant le marin coupable, ils le poursuivent. Corto qui s’enfuit sur les toits. Stevani innocente Corto Maltese. Alors qu’un des carabiniers s’élance vers le grenier, il est abattu d’une balle dans les escaliers.

Trône de saint Pierre, Basilique San Pietro di Castello

L’Escalier des rencontres

Corto poursuit sa course sur les toits de la ville. Glissant sur des tuiles mouillées, il perd l’équilibre et tombe sur une terrasse… Rêvant qu’il tombe vers le haut, il se retrouve au milieu de reflets d’eau formant des caractères arabes et aperçoit une main de Fatima couverte de symboles des Gardes noires. Puis, il ouvre une sorte de lampe d’Aladin, d’où sort Saud Khalula, sous les traits de son ami Raspoutine. Ce dernier envisage de retrouver la clavicule dans la maison où il l’avait caché. Mais il se fâche et envoie sa garde contre Corto, qui leur échappe en quittant ce rêve.

Recueilli par Louise Brookszowyc, la « Belle de Milan », il se réveille au bout de trois jours. Elle lui révèle que Stevani est hors de danger, qu’il l’a innocenté mais refuse de révéler le nom du coupable et que le journal du baron a été volé.
Sur pied, Corto se rend chez les francs-maçons pour s’entretenir de l’affaire Stevani avec le maître secret, qui n’est autre que Teone, le père d’Hipazia. Corto Maltese lui montre l’insigne maçonnique qu’il a trouvé près du corps du milicien, ce qui porte à croire à la culpabilité d’un maçon. Teone lui conseille de la détruire. De leur côté, ils se chargeront d’éliminer tous les soupçons qui pèsent sur lui. Mais Corto ne veut pas s’en tenir là…

Les Révélations de Saint-Marc

Dans ce dernier chapitre, notre héros découvre la cachette où aurait été dissimulée l’émeraude, à « l’escalier des rencontres », dans la cour de la loge maçonnique. Mais au moment de l’ouvrir, il se fait attaquer par Bepi Faliero. Ce dernier, finalement neutralisé et sur le point de mourir, confesse qu’il voulait se débarrasser de tous ceux cherchant la pierre, aidé de sa complice Hipazia. Le marin se décide à ouvrir la cachette, mais il n’y trouve qu’une lettre de Corvo, datée du 1er avril, qui, comme lui, fut déçu de la trouver vide. Mais tout d’un coup, un incendie se déclenche. Hipazia, qui se croyait dans sa folie, la réincarnation de la philosophe Hipatia et gardienne de la pierre, est coupable de tous les crimes et de toutes les trahisons. Elle mourra, assassinée par Stevani.

Teone, le père d’Hipazia, à l’hôpital, avoue avoir entretenu la folie de sa fille pour la garder auprès de lui, mais à son grand regret, il ne fit qu’empirer son état, ce qui conduisit à sa perte.

Corto Maltese décide de retourner à « l’escalier des rencontres » car c’est la nuit qui précède le 25 avril, jour de la saint-marc. Une légende affirme que tous les ans à ce moment-là, on y fait d’étranges rencontres. En effet, le marin discute d’abord avec un puits de la cour, qui prétend être « ArlekinBatocio », soldat à Kandia et masque vénitien. Puis, il procède à une présentation onirique et théâtrale des différents personnages de cette fable, réunis pour remercier le public. Enfin, il se dirige vers « la porte de l’aventure » en se rendant dans un des lieux magiques et secrets de la ville où il « demande à entrer dans une autre histoire, dans un autre endroit ». Ce, non sans avoir auparavant trouvé, mystérieusement apparue au fond de sa poche, la clavicule de Salomon. « Il n’y a qu’à Venise que de telles choses arrivent… »

La clavicule de Salomon

Le terme “clavicule” (du latin clavis, la clé) désigne une formule magique. Mais dans cette aventure, il désigne une émeraude très pure et magique, enlacée par trois serpents, symbole de la connaissance hermétique.

Origines de la clavicule

L’objet provient de la tribu de Ruben Satanas, qui la donna à Lilith, première femme d’Adam, avant de devenir celle de Caïn. Ce dernier, fils d’Adam et Ève, lui prit la pierre lorsqu’il voulut reconquérir le Paradis perdu par ses parents.

L’émeraude fit alors partie des pierres précieuses du pectoral du roi Salomon, qui la donna à son architecte Iram, en remerciement pour la construction de son Temple de Dieu (premier Temple de Jérusalem). Le roi magicien y avait gravé un message secret réservé aux initiés, menant à un des trésors du souverain et de la reine de Saba.

Puis elle fut donnée à l’apôtre Simon Pierre à Antioche, qui la confia à saint Marc évangéliste. Ce dernier l’emporta avec lui en Égypte, afin de fonder l’Église d’Alexandrie. Mais il fut étranglé par deux tueurs d’une secte gnostique, liée à Simon le Magicien, qui la lui prirent. Ils la ramenèrent là où celui-ci l’avait perdue, à Antioche. Elle fut remise au commanditaire de l’assassinat, Basilide qui la transforma en « gemme gnostique du genre Abraxas ».

Par la suite, la pierre passa de mains en mains : hérétiques caïnites, philosophes égyptiens… jusqu’à ce que un Arabe, Amr ibn al-As (compagnon de Mahomet) la fit garder par des prêtres. C’est alors que deux commerçants vénitiens la dérobèrent, avec la dépouille de saint Marc. Ils la cachèrent sous le corps du saint et sous de la viande de porc, puis l’emmenèrent dans leur ville, en 828.

Lion du Pirée, à l’Arsenal de Venise et ses runes gravées

À la recherche de la clavicule

Sirat Al-Bunduqiyyah (sourate de Venise), l’autre titre donné à l’histoire de corto Maltese, désigne le dossier concernant les tentatives d’agents secrets arabes pour récupérer la pierre.

Le premier d’entre eux, Ibn Farid, envoyé en 830, fut étranglé. En 893, Ibrahim Abu, Sarrasin sicilien, n’eut pas plus de chance, puisqu’il fut retrouvé mort près du Rialto. En 904, Saud Khalula de Palerme, aidé de sa Garde noire, faillit réussir. Il la retrouva et la cacha au Fontego degli Arabi, à San Marcilian. Dessinant son emplacement exact, il envoya le message secret au quadi (Al-Qadi) d’Alexandrie. Mais le bateau fut arraisonné par des gendarmes byzantins, qui s’emparèrent du document. Quant à l’agent il se noya dans le canal de la Madonna dell’Orto en tentant de s’enfuir. Ce fut probablement le dernier à être en possession de la pierre.

Vers 1040, des guerriers Varegs partirent de Novgorod et arrivèrent à Byzance. L’un d’eux, Oleg, fit partie de la garde de l’impératrice Zoé et de son mari Michel le Paflagon. Une nuit, un marin levantin raconta au guerrier l’histoire de la pierre, qui était cachée sous le Sceau de Salomon, dans l’Escalier des rencontres du Fontego degli Arabi. Il tua le marin et, plus tard, l’Empereur l’envoya combattre ses ennemis en Grèce. Au Pirée, lui et son armée, anéantirent l’ennemi. Il grava alors sur la statue d’un lion gardant une fontaine les indications nécessaires pour trouver la Clavicule. Le guerrier mourut plus tard dans une conjuration. Quant au lion, il fut emmené par le doge Francesco Morosini en 1687 et installé à l’Arsenal de Venise.

Le voyageur arabe, Ibn Battuta.

En 1335, le géographe arabe Ibn Battûta vint incognito à Venise pour récupérer la pierre, sans succès. Il grava alors des caractères arabes sur le côté gauche de la chaire de Simon Pierre. Le géographe y laissa des indications de la maison de Hamir Ben R’yobah, dit le Chameau, supposant que la clavicule y était cachée. Il s’agit sans doute du fameux Fontego degli Arabi, devenu depuis la loge maçonnique RL Hermès.

En avril 1921, Corto Maltese s’y rend et un frère franc-maçon lui parle de l’Escalier des rencontres. Des sculptures représentent les chevaliers teutoniques qui luttèrent aux côtés des Templiers et des Vénitiens contre les Génois, leurs rivaux de longue date. En remerciement, ces chevaliers reçurent le bâtiment.

Quant à l’Escalier des rencontres, une légende dit que chaque année, la nuit du 24 au 25 avril (jour de la Saint-Marc), d’étranges rencontres s’y produisent. Corto est ainsi bien décidé à vérifier si cet escalier lui fera rencontrer la Clavicule de Salomon.


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