Il était une fois en France – Livre 2 : The show must go on (avril – mai 2006)

Chapitre 2
Tensions


Xavier ne rentra pas tout de suite chez lui. Il resta longtemps assis sur le banc. Pensif. Malheureux. Il se disait que tout cela était injuste. Qu’il avait rendu service à son pays. Que Francis Dugas avait emprisonné ses parents. Qu’il avait chercher à tuer sa grand-mère et ses amis. Mais il n’arrêtait pas de se demander s’il avait vraiment eu le choix. Il avait sauvé sa vie. Mais tout aurait-il pu se passer autrement ?

            Bien qu’il sache que Francis Dugas était le père d’Eva depuis longtemps, Xavier n’avait pas bien réalisé tout ce que cela impliquait. Il savait ce que c’était d’être séparé de ses parents pendant longtemps. Et il avait imposé cela à quelqu’un qu’il aimait. Dugas était-il donc si mauvais que cela ? Xavier n’en était plus si sûr.

            Et il s’en voulait de n’en avoir jamais parlé à Eva. Comment avait-il pu croire qu’il pourrait éternellement garder le secret ? Il aurait dû lui dire dès le début, qu’elle assiste au procès et qu’elle voie le vrai visage de son père. Mais il ne l’avait pas fait. Il avait été lâche.

            Un soudain accès de colère l’envahit. Si Eva était assez stupide pour lui en vouloir d’avoir coincé un meurtrier, un trafiquant et un terroriste, grand bien lui en fasse ! Lui n’avait fait que son devoir ! Il avait pris des risques, et il n’avait pu compter que sur ses amis. Elle n’avait donc pas intérêt à le critiquer.

            Puis il s’interrogea. Comment l’avait-elle appris ? Jeanne et Sylvie auraient donc gaffé. C’était Sylvie. Il n’y avait qu’elle pour parler à tort et à travers. Il décida de rentrer chez lui pour tirer ça au clair. A mesure qu’il se rapprochait de chez lui, sa colère montait de plus en plus.

            Il arriva en face de chez lui en furie. Il ouvrit la porte, rentra et la claqua violemment. Jeanne le vit arriver dans le salon et se tourna vers Sylvie.

« Visiblement, il a deviné ce qui s’était passé, tu vas en prendre plein la figure, chère sœur ! 

- Mais t’as été élevée dans quel asile, toi ? aboya Xavier à Sylvie.

-Le même que toi, cher frère, répondit Sylvie froidement. Que me vaut le plaisir d’être ainsi traitée par toi ?

-Tu as dit à Eva que j’avais fait emprisonner son père !

-Comment tu as su exactement ce qu’il s’était passé ?

-Bah j’ai réfléchi. Elle vient de discuter avec vous. J’arrive et pouf ! Je me prends une baffe ! Il suffit de réfléchir deux secondes pour savoir ce qui s’est passé. C’est toi qui lui as tout balancé! T’es incroyable ! En plus, toute cette affaire était  classée top secret !

-Elle l’aurait de toute façon su un jour ou l’autre, je pense, dit Jeanne pour tempérer.

-Toi, tais-toi ! Je t’engueulerai après !

-Tu pourrais nous parler correctement quand même, le reprit Sylvie.

-Je pourrais vous QUOI ? s’étrangla Xavier.

-Bah oui, t’as ton bac à réviser, et maintenant, grâce à nous, tu ne dois plus t’occuper de ta copine, tu as donc plus de temps pour les révisions, » dit Jeanne pour détendre l’atmosphère.

Les deux filles savaient que la situation était irrécupérable. Leur seule chance était de la dédramatiser. Mais cela n’eut pas l’effet escompté. Xavier explosa de rage.

« Mais t’es incapable de raconter autre chose que des conneries, toi ! C’est quoi cette excuse à 2 centimes ??

-Je croyais que c’était moi que tu voulais engueuler en priorité, » lui rappela Sylvie.

La jeune fille commençait à être vraiment agacée. Elle comprenait la colère de Xavier. Mais il fallait qu’il sache qu’elle s’en voulait aussi. Elle avait gaffé, certes, mais bon, ce n’était pas la fin du monde. Xavier ne se calma pas pour autant.

« Oui, parce que c’est toi la principale responsable, cria-t-il.

-Bon, écoute, dit Sylvie en s’énervant à son tour, j’en ai marre de tes caprices ! On a fait une connerie, OK, ça arrive, mais tu nous as aussi déjà fait des crasses. Je ne suis pas fière de ce que j’ai fait, mais c’est fait, alors on n’en parle plus.

-Alors ça, j’adore ! C’est la remarque typique de la fille qui ne va pas subir les conséquences de ses actes.

-Si, je vais t’avoir sur le dos.

-Et moi aussi, renchérit Jeanne.

-Toi ta gueule, » dit Xavier.

Et il sortit du salon en claquant la porte. Jeanne et Sylvie se regardèrent. Elles n’étaient pas fières d’elles, mais la gaffe était faite. Elles avaient essayé de détendre l’atmosphère, mais Xavier souffrait trop. Il avait mal pris toutes leurs petites piques. Les deux jeunes filles se sentaient atrocement mal. Mais aucune n’osa aller voir Xavier pour le consoler. Elles s’assirent sur le canapé et regardèrent la télé. Elles ne comprirent rien au film qui se déroulait devant leurs yeux. Elles entendirent Xavier sortir vers 22h. Il ne rentra que vers 3h du matin.

Il avait erré dans les rues pendant 5 heures. Il était complètement désemparé, perdu. Il avait marché sans but, sans savoir où il allait. En rentrant à 3h, il se coucha directement, mais ne dormit pas. C’était le pire début de vacances de toute sa vie…

***

Eva, de son côté, était allée retrouver sa meilleure amie Marie. Elle lui raconta ce qui s’était passé, de façon décousue.

« Tu te rends compte ??? Je sors avec lui depuis un an et demi et il a emprisonné mon père il y a un an !!!! Et moi, bonne poire, j’ai rien vu venir ! Je suis vraiment idiote ! 

            -Tu l’as plaqué ? demanda Marie.

            -Bien sûr ! Tu voulais que je fasse quoi ?

            -Bah je sais pas. Il savait que c’était ton père quand il l’a arrêté ?

            -Je crois pas.

            -Bah tu n’as rien à lui reprocher alors.

            -Si. Il m’a menti.

            -Mais tu aurais voulu qu’il fasse quoi ? S’il t’avait tout avoué dès le début, tu lui en aurais voulu aussi. Ceci dit, il n’a pas été courageux.

            -Je vais le faire évader, bougonna Eva.

            -Comment ?

            -Papa. Je vais le faire évader. Ca apprendra à Xavier à jouer au malin.

            -Tu iras en prison. Tu le sais ?

            -Probablement. Mais je dois essayer. J’ai une dette morale vis-à-vis de lui. Tu comprends ?

            -Non, pas vraiment. Je ne vois pas comment tu peux avoir une dette envers un type qui ne t’a quasiment pas élevée, et qui est en plus un criminel.

            -Pendant un an et demi, je suis sortie avec le type qui lui a fait du mal. Avec le type qui l’a privé de sa liberté. Je connaissais à peine papa, mais je lui dois bien ça.

            -Mais c’est un criminel. Il a peut-être lui aussi fait du mal à Xavier ou à ses amis !

            -C’est mon père. J’ai pris ma décision. J’y vais. Bonne soirée. »

            Elle partit de chez Marie et rentra chez elle. Elle se rappelait vaguement d’un ami à son père qui pourrait peut-être l’aider à le faire évader, un homme nommé Fred. Elle l’appellerait le lendemain matin.

***

Fred était en effet tout disposé à participer à une entreprise qui aurait pour but de faire évader Dugas. Mais il exigeait des compensations financières. Eva les lui promit, et ils se mirent à organiser cette évasion.

            Ils travaillèrent d’arrache-pied pendant 3 jours pour peaufiner l’opération, et recrutèrent une équipe de trois hommes. Ils auraient besoin d’un hélicoptère et d’une voiture rapide. Eva prit sur le compte en banque de son père pour régler tous les frais. Sa détermination était inaltérable. Mais au fond d’elle, un doute commençait à la ronger…

***

Le jeudi suivant, Fred se présenta à l’entrée de la prison de Fresnes : il venait rendre visite à son ami. Il fut accompagné par un garde jusqu’au parloir. Francis avait l’air en bonne santé, bien traité. Ils demandèrent la permission de sortir ensemble dans la cour pour profiter du temps. Ils se promenèrent donc ensemble, discutant de la pluie et du beau temps. Mais Fred l’emmenait progressivement vers le coin le moins surveillé de la cour. Quand soudain ils entendirent un bruit d’hélicoptère. C’était le signa que Fred attendait. Il entraîna Francis vers le coin sud-est de la cour, et une échelle de corde tomba devant eux. Avant que les gardiens aient eu le temps de réagir, ils étaient tous les deux accrochés à l’échelle de corde et l’hélicoptère s’éloignait. Ils continuèrent leur ascension de l’échelle, des balles sifflant à leurs oreilles, et rentrèrent dans l’engin.

            Les gardiens donnèrent l’alerte, mais l’hélicoptère n’était pas immatriculé, donc ils ne purent que donner une description. Et en plus, l’engin volait en dessous du seuil radar, donc ils ne pouvaient pas le suivre.

            L’hélicoptère se posa près du plateau du Moulon, à Gif-sur-Yvette. Une voiture les attendait là, avec au volant un des trois hommes recrutés. Ils montèrent tous dedans et se dirigèrent vers la planque qu’Eva avait préparée. A peine partis, ils entendirent une explosion : c’était l’hélicoptère. Un des hommes avait mis une bombe dessus pour que la police ne se serve pas de cela comme piste. Ils arrivèrent à la planque sans avoir été inquiétés. L’évasion avait été un succès. Francis se tourna vers Fred pour le féliciter et lui demander ses motivations. Fred expliqua qu’Eva l’avait recruté.

            Fred appela ensuite Eva pour l’informer du succès de l’opération. Francis Dugas lui parla rapidement au téléphone pour la remercier, puis resta avec les 4 hommes pour planifier les évasions de Jack et de Françoise Bernard… Il allait enfin pouvoir prendre sa revanche sur les morveux. Mais il ne pouvait pas travailler sans ses précieux acolytes.

***

Le lendemain, Xavier prit son petit déjeuner dans la cuisine. Il était fatigué, il avait mal dormi. Il dormait toujours mal depuis sa rupture avec Eva. La solitude le rendait triste et amer. Et en plus, il en voulait à ses sœurs, donc ne parlait pas avec elles. Toutefois, ce matin-là, Sylvie vint le voir, l’air soucieux. Elle mit quelques minutes avant de se décider à parler, ne sachant pas comment aborder le sujet. Elle savait que Xavier n’écoutait pas la radio très souvent.

« T’as entendu la grave nouvelle aux infos ? lui demanda-t-elle.

-Laquelle ? La mort du caniche de Brigitte Bardot ou la blessure au genou de Zidane ?

-L’évasion de Francis Dugas, dit Sylvie.

-Comment ??? C’est une blague j’espère !

-Pas vraiment, je suis très sérieuse, Xav’.

-Merde, pesta Xavier. Je suis sûr que c’est Eva ! Elle m’en veut vraiment alors !

-Bah c’est une fille, on est rancunières, tu sais…

-Ouais, le jour où je comprendrai quelque chose aux filles, le monde avancera mieux, soupira Xavier.

-J’ai une suggestion à te faire, dit Sylvie.

-Laquelle ?

-Demande au ministre de reprendre du service et limite les dégâts. Tu es le seul qui puisse éviter à Eva d’avoir des ennuis. Puis reséduis la et c’est reparti !

-C’est tellement simple à dire…

-C’est juste, mais la balle est quand même dans ton camp, tu n’as pas beaucoup de choix. Ca ne me plaît pas beaucoup, mais Dugas va vouloir t’atteindre, toi. Et il faut que tu bénéficies du soutien du Service.

-Okay, je le ferai Sylvie. »

Il fit mine de partir, mais Sylvie l’arrêta.

« Xav’ ?

-Oui ?

-Je suis désolée. Vraiment.

-On oublie. »

Et il sortit de la cuisine. Il savait ce qu’il lui restait à faire…

***

            Xavier se présenta le lendemain matin au ministère de l’intérieur. Il avait mis son plus beau costume. Il traversa les couloirs du ministère à grands pas. Puis il entra dans le bureau de la secrétaire du ministre, une superbe blonde aux yeux bleus, avec lunettes cerclées de noir et tailleur Chanel. Xavier tomba immédiatement sous le charme.

« Bonjour madame, dit-il.

-Mademoiselle…

-Merde, ça recommence, dit Xavier en repensant au cirque que lui avaient fait les assistantes de Pi l’année précédente. Et c’est mademoiselle comment ?

-Mademoiselle Argentcentime.

-Bah le jour où vous aurez des problèmes financiers, vous m’appellerez, » dit Xavier pour la faire rire.

Mais cela ne la fit pas rire. Elle n’avait pas l’air très commode. Elle prit son téléphone.

« Bon, j’appelle les vigiles, dit-elle.

            -Non, s’il vous plaît mademoiselle. Il faut absolument que je voie le ministre. Dites lui que c’est de la part de Xavier Guislain. »

            Elle soupira et actionna son interphone.

            « Monsieur le ministre, Xavier Guislain voudrait vous voir.

            -Faites le entrer, » dit la voix si familière du ministre de l’intérieur.

            Mademoiselle Argentcentime guida Xavier jusqu’au bureau du ministre. Elle frappa à la porte, l’ouvrit et laissa passer Xavier. Elle le suivit à l’intérieur. Le ministre était en train de travailler sur son ordinateur. Il se leva pour accueillir Xavier et lui serrer la main.

« Ah bonjour Xavier, dit-il amicalement, asseyez vous !

-Bonjour Mr le Ministre. Je dois vous parler d’un affaire importante. En privé, ajouta-t-il en jetant un regard à la secrétaire.

-Oh, que ma secrétaire ne vous dérange pas. J’ai une entière confiance en elle. Je sais que vous pensez à Françoise Bernard, mais je vous assure que mademoiselle Argentcentime est fidèle à la nation. Et en plus, c’est ma nièce.

-Vous m’en voyez ravi, dit Xavier.

-Bon, alors quel est votre problème ? demanda le ministre.

-Quel est votre plan pour rattraper Francis Dugas, le trafiquant que j’avais arrêté l’année dernière ?

-Je pensais confier l’affaire à Jean du Pétris de la Tour Penchée et d’Autres Lieux éclairés et tout Autant Magnifiques…

-Quoi ??? Le bellâtre ahuri qu’on expose aux médias ? Non, je veux l’affaire.

-Serait-il inapproprié de vous rappeler que vous avez démissionné ? demanda malicieusement le ministre.

-Très, répondit sérieusement Xavier.

-Mais pourquoi voulez-vous l’affaire ?

-Question d’honneur… et de cœur… C’est le père de mon ex. Je vous en supplie monsieur le ministre, confiez moi l’affaire. Sinon le Du Pétris ne se souciera pas d’Eva et ne fera rien pour la mettre hors de danger.

-Mais vous êtes conscient qu’il y a de fortes chances que ce soit elle qui ait planifié l’évasion de son père.

-Je sais. Et si je réussis la mission, je veux qu’elle soit graciée.

-Ca demande réflexion.

-S’il vous plaît monsieur le ministre. Ma famille a déjà tant donné à la France. Et je ne peux pas laisser une jeune fille innocente aller en prison. Et en plus, Dugas m’en veut à moi. Je serai dans tous les cas impliqué ! »

Le ministre réfléchit. Le jugement du jeune homme était visiblement altéré par le fait qu’il avait aimé cette fille, et l’aimait probablement encore. Mais d’un autre côté, il connaissait bien Dugas. Et c’était après lui que Dugas en avait. Et la fille finirait sûrement par voir le vrai visage de son père et par regretter son geste. Guislain était donc bien placé pour cette mission. Et ses exigences étaient recevables.

« Vous avez l’affaire, dit le ministre.

-Il me faudra des gadgets, dit Xavier.

-Pi vous servira.

-Merci monsieur le ministre.

-La France est fière de vous avoir dans ses rangs, dit le ministre en lui serrant la main.

-Ouais enfin elle m’a quand même mis dans la merde avec ma copine, » bougonna Xavier.

Et il sortit, accompagné de mademoiselle Argentcentime. Celle-ci l’escorta jusqu’à la sortie du ministère. Xavier fut silencieux pendant tout le trajet, pensif et triste. Mademoiselle Argentcentime nota cela. Mais elle ne dit rien, de peur de le blesser. Une fois arrivé à la porte, elle se tourna vers lui.

« Bon courage Xavier. Vous en aurez besoin. Et voici ma carte si jamais vous avez des ennuis. Je serai là.

-Merci mademoiselle.

-Valérie.

-Merci Valérie.

-Au revoir Xavier. »

Et elle tourna les talons. Xavier la regarda s’éloigner. Cette jeune secrétaire ne payait pas de mine mais semblait des plus efficaces. Et il avait été touché par sa gentillesse à son égard. Il se promit de revenir la voir une fois la mission terminée. Puis il mit la carte qu’elle lui avait donnée dans sa poche.

***

Le lendemain aux informations, on annonça l’évasion de Jack et de Françoise Bernard, les complices de Francis Dugas. Une gigantesque chasse à l’homme était organisée par la police, mais ils n’avaient rien trouvé jusqu’ici. Ils avaient interrogé Eva à trois reprises, mais la jeune fille leur avait à chaque fois soutenu qu’elle ne savait rien de tout cela et qu’elle n’avait pas vu son père depuis des années. Elle pensait à l’inquiétude de Xavier et se sentait vengée. Mais elle commençait à douter : et si son père était plus dangereux qu’elle avait bien voulu le croire ? Et si il faisait vraiment du mal à Xavier ? Elle se promit de le convaincre de ne faire qu’effrayer Xavier, puis de le faire quitter le pays. Elle devrait peut-être le suivre. Quitter son pays, ses amis, sa vie en France, tout ce qu’elle avait construit. Mais peu importe, pour elle, les liens du sang étaient les plus importants. Et elle voulait connaître son père depuis longtemps. Mais elle était tout de même tracassée…

***

Xavier était de plus en plus inquiet. Ces évasions des comparses de Dugas n’avaient rien pour le rassurer. Et il ne savait pas si Eva était vraiment à l’origine de tout cela. Mais en tout cas, si c’était elle, il se devait de limiter les dégâts. Car il savait que Dugas n’hésiterait pas à sacrifier sa propre fille si ça pouvait l’aider à se venger. Cet homme était un grand esprit malade. Il fallait donc le contrôler. Xavier sentit une vague de désespoir l’envahir alors qu’il se tenait devant la porte du bureau de Pi. Il sentait qu’il serait perdant quoiqu’il arrive : s’il arrêtait Dugas, Eva lui en voudrait et s’il ne l’arrêtait pas, il se ferait descendre. Il détestait cette situation. Il frappa à la porte. Une des assistantes lui ouvrit.

« Tiens le gamin, dit-elle. Je voulais te remercier, grâce à toi on a plus de boulot qu’avant depuis que tu as arrêté Françoise.

-Désolé, vous préfériez peut-être bosser avec une traîtresse, » répondit Xavier ironiquement. Je peux voir Pi ?

-Bien sûr que tu peux le voir ! Suis moi !

-Incroyable ! C’est plus rapide que la dernière fois, s’exclama Xavier.

-On a fait des progrès !

-Je vois ça, je suis impressionné ! »

Et il l’était vraiment. Toutefois trop de spontanéité et de gentillesse l’inquiétait toujours. Son expérience lui avait appris à se méfier.

« Suivez-moi, jeune homme, » dit l’assistante.

            Ils arrivèrent dans l’atelier de Pi. L’assistante alla rejoindre ses collègues à l’autre bout de la pièce. Xavier s’approcha de Pi, qui se retourna.

« Encore toi, s’exclama-t-il.

-Content de vous revoir aussi, » dit Xavier.

Il comprenait maintenant pourquoi l’assistante avait été rapide : Pi était d’une humeur massacrante, et c’est lui qui servirait de punching-ball. Il jeta un regard haineux à l’assistante à l’autre bout de la salle qui répondit par un haussement d’épaules et retourna à son ouvrage.

« Qu’est-ce que tu veux alors ? demanda Pi.

-Des gadgets. Pour arrêter Francis Dugas et pour récupérer ma copine.

-Il te faut un élixir d’amour ? »

Et voilà, il allait avoir droit à ce genre de sarcasmes pendant une heure. Il soupira et se ressaisit.

« Non, il me faut des trucs plus bourrins, et plus utiles surtout. »

Pi vit l’air sérieux de Xavier et comprit la tristesse du jeune homme. Il décida qu’il devait l’aider. Le ministre l’avait mis au courant des détails, et il était vrai que le jeune Guislain n’avait vraiment pas de chance d’être dans cette situation. Il se tourna vers l’atelier et prit une montre métallique.

« Alors, j’ai d’abord cette montre pour toi. C’est une Festina. Eh oui, le ministre m’a dit qu’on pouvait investir pour toi parce que tu ne serais pas payé.

« Oui, j’en ai rien à foutre du fric.

-Tu as changé. Alors, elle fait émetteur GPS et boussole. Elle fait aussi radio pour nous communiquer tes positions. La radio est reliée au PC de la DST. Elle fait aussi combiné narghilé-cafetière et cuit les pommes de terres frites. Elle est incassable, sert le thé à la menthe et  raconte des histoires drôles. »

Xavier se permit de se demander si tout ceci était bien sérieux. Mais il resta impassible.

« Super, dit-il. Je n’ai pas de flingue ?

-Non, tu n’en aurais pas besoin.

-Comment ? »

Alors là c’était le comble. Pour mener à bien une mission aussi délicate, il aurait vraiment besoin d’une arme. Il fallait donc que Pi lui en donne une. Rien que pour le soutenir. Même un couteau de cuisine à la rigueur. Pi vit l’air contrarié de Xavier.

« Je t’explique, dit Pi. On a des problèmes d’assurance, donc on ne peut pas fournir d’arme aux agents qui ne travaillent pas officiellement pour nous car si des civils se font tuer avec des armes gouvernementales portées par des agents non-officiels, on est mal du point de vue des assurances pour dédommager les familles qui nous demandent de l’argent.

-Je vois. Et vous ne pouvez pas m’en donner une officieusement ? »

Pi sourit. Puis il se tourna vers l’autre bout de la salle où étaient ses assistantes.

« REVOLVER !!!! », cria-t-il.

Une des assistantes apporta le revolver.

« Oui Mr Pi, voici le revolver monsieur Pi. A votre service Mr Pi.

-Pas trop tôt, répliqua Pi en lui arrachant l’arme. Voici ton flingue. Rend le nous à la fin de ta mission. J’espère que tu t’en serviras autant que celui de ta dernière mission…

-C’est-à-dire pas tu tout, dit Xavier avec un sourire amusé. J’espère aussi.

-Sinon tu peux garder ton portable de la dernière fois. N’hésite pas à demander des renforts si tu en as besoin.

-Hors de question. Je ne veux pas qu’ils fassent du mal à Eva.

-Ah, j’ai appris ce qui t’était arrivé, dit Pi avec un air compatissant. Tu sais les femmes, c’est compliqué ! Je pense qu’elle a fait ça pour te mettre à l’épreuve et qu’elle va te revenir, t’inquiète !

-Non je ne pense pas, répondit Xavier.

-Qu’est-ce que tu en sais ? Tu as déjà essayé de comprendre une femme ? C’est impossible ! Autant essayer de te faire comprendre la cristallographie et les diagrammes d’Ellingham ! Donc, un conseil, continua-t-il en se penchant vers Xavier pour que ses assistantes n’entendent pas, pour essayer d’anticiper ce qu’elle va faire, essaye d’imaginer la chose la moins probable qu’une personne sensée pourrait faire, c’est-à-dire te revenir.

-Malin !!

-Eh oui. Je suis marié, tu sais ! Et là c’est au quotidien qu’il faut anticiper, donc ça devient un sport national !

-Ca doit être marrant ! »

Xavier commençait à vraiment apprécier Pi. Cet homme compatissait à son malheur, lui donnait des conseils valables et le faisait profiter de son expérience. Alors que Xavier finissait se phrase, une des expériences que les assistantes menaient à l’autre bout de la salle tourna mal et une explosion retentit.

« Hé les boulets !!! Moins de bruit s’il vous plaît, »cria Pi.

Puis il se tourna vers Xavier, comme si de rien n’était, et continua sa conversation.

« Bah quand on rentre le soir, on a envie de se reposer, pas de décoder les envies de sa femme, donc à la longue, c’est pesant !

-Ouais vous avez raison, mais bon, quand on a compris ce qu’elles veulent, c’est gagné ! Après vous êtes un homme heureux.

-Eh oui ! Mais bon je ne suis pas persuadé qu’elles sachent elles-mêmes ce qu’elles veulent. Mais bon, la tienne est jeune, donc pas encore trop compliquée. Donc ne te fais pas de souci et concentre toi sur ta mission !

-Merci de tout cœur Pi, dit Xavier sincèrement en lui serrant la main.

-De rien. Le conseil est gratuit, répondit Pi en se retournant vers son atelier.

-De toute façon, je n’ai pas de quoi le payer, je n’ai pas de salaire, » dit malicieusement Xavier.

Pi se tourna vers lui et lui fit un clin d’œil amusé.

Xavier quitta la pièce et rentra chez lui. Il passa devant chez Eva en chemin et ne put s’empêcher de jeter un œil à la maison, espérant la voir… Mais elle ne voulait pas le voir. Xavier détourna la tête en poussant un soupir triste et résigné.




Il était une fois en France – Annexes


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