Chapitre 4
Solutions
Eva était toujours enfermée, mais elle avait repris ses esprits. Elle avait décidé de changer de camp. Elle allait aider Xavier. Mais comment diable allait-elle sortir de cette chambre ? Elle regarda autour d’elle. C’était une petite pièce avec juste des livres dans une grande bibliothèque, et un lit. Même pas de table de chevet. La porte était en bois, visiblement solide. Mais la serrure était classique. Rien de très recherché. Elle tourna en rond pendant un moment, à la recherche d’une solution. Elle se surprit à penser que si elle trouvait une solution à base d’eau, cela donnerait une solution aqueuse. Mais elle arriva à la conclusion que cela ne servait à rien et que ce n’était pas très drôle.
Puis il lui vint une idée : elle avait une lime à ongles dans son sac à main. Si ce que les gens faisaient dans les films marchait vraiment, alors elle avait sa chance. Elle la sortit de son sac (après avoir cherché pendant un bon bout de temps : les sacs à main des femmes étant ce qu’ils sont…), puis l’introduisit dans la serrure. Après avoir bricolé pendant plusieurs minutes, la porte s’ouvrit enfin. Eva fut soulagée. Elle sortit de la maison, dans laquelle il n’y avait plus personne car les hommes étaient tous partis avec son père, et prit le bus pour retourner à Sceaux. Elle regardait souvent sa montre : chaque seconde comptait. Xavier allait se jeter dans le piège tendu par son père. Il fallait l’en empêcher…
Francis Dugas attendait avec ses hommes dans une petite clairière du parc de Sceaux. Il savait que Xavier allait faire fermer le parc, et qu’il n’oserait pas laisser intervenir les forces spéciales. Il n’y aurait donc que lui, ses hommes et le gamin dans le parc. Un sourire mauvais s’étendit sur les lèvres de Francis. Il avait attendu ce moment pendant si longtemps. Et le gamin allait enfin payer. Il se tourna vers ses hommes.
« Bon les gars, vous me laissez le gamin. Il est à moi. J’estime avoir un droit de vie sur cet enfoiré, même si Rousseau dans son contrat social écrit le contraire, de toute façon, on s’en fout, presque personne n’a lu ce bouquin, vous avez tous copié les réponses à propos du livre sur moi au lycée.
-Oh tout de suite les grands mots, »s’exclama Jack, amusé.
Lui aussi était ravi de se venger de Xavier. Et de lui faire du mal. Il l’avait bien mérité… Francis continuait à parler.
« Je veux que vous le rabattiez vers moi. Je veux n’avoir qu’à presser la détente parce que je ne suis pas très en forme aujourd’hui.
_Normal, après avoir passé un an en prison, dit un de ses hommes pour détendre l’atmosphère.
-Toi, tu vas en première ligne, lui répondit Francis avant de s’adresser à Fred. Amenez moi la fille. »
Fred lui amena Sylvie. Elle était toujours effrayée, mais était décidée à vendre chèrement sa peau.
« Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda-t-elle à Francis.
-A toi, rien. C’est après ton frère qu’on en a.
-Vous n’êtes pas les seuls, répondit-elle amèrement.
-Bah alors, tu vas nous aider.
-Non, pour deux raisons. La première, c’est que je ne vous aime pas, la deuxième, c’est que c’est mon frère, et la troisième, c’est que je n’aime pas les armes à feu.
-Ca fait un peu plus de 2 raisons ça, non ? s’étonna Jack.
-Depuis quand vous savez compter, vous ? lui aboya Sylvie.
-Ne commençons pas à nous fâchez, voulez-vous ? » intervint Francis.
Françoise Bernard arriva dans la clairière. La prison l’avait amaigrie et les traits de son visage s’étaient creusés, mais on lisait une vraie détermination sur son visage. Elle avait été de toute façon condamnée à perpétuité, donc elle n’avait rien à perdre à se venger du gamin.
« Vous êtes prête à prendre votre revanche ? lui demanda Francis.
-J’en bave d’impatience, répondit-elle.
-Alors allez à la première embuscade, c’est 30m après la porte 4.
-J’y vais aussi chef, dit Jack.
-Oui, mais tu ne le tue pas, Jack, c’est la règle.
-Merde ! »
Et il s’éloigna avec Françoise.
Une fois qu’ils furent hors de vue de Francis, Jack l’arrêta.
« Françoise, tu…
-Oui, toi aussi. Mais on a du boulot. Si on s’en sort, je te promet qu’on se cassera d’ici tous les deux et qu’on ira sur une belle plage. Mais pas maintenant. »
Elle l’embrassa puis ils continuèrent leur route en silence.
Arrivés à proximité de la porte 4, Françoise se cacha dans un bosquet d’arbres. Jack alla se cacher plus loin derrière une haie. Ils attendirent.
Xavier arriva près de la porte 4. Il était plus que jamais déterminé à tout faire pour sauver sa sœur. Il donnerait sa vie pour celle de Sylvie. Il vérifia qu’il avait tout ce qu’il lui fallait : portable, révolver, talkie-walkie. Visiblement, le ministre avait fait évacuer le parc. C’était mieux comme cela. Il n’y aurait que lui et les très vilains à l’intérieur.
Eva arriva derrière lui en courant. Xavier l’entendit mais continua à marcher. Il n’avait surtout pas besoin de ça maintenant. Mais Eva le rattrapa et lui prit le bras.
« Xav, attend, lui dit-elle.
-Quoi encore ? Je croyais que tu ne voulais plus me voir, alors va-t-en. Je ne veux pas de toi ici.
-Je suis désolée, j’ai fait une connerie.
-Pourquoi ne suis-je pas étonné ?
-Ecoute, là c’est grave, j’ai fait évader mon père, et il t’attend dans le parc pour te tendre un piège. Tu vas te précipiter dedans.
-Sans blague ! Quand j’ai appris son évasion à la télé, je n’aurais jamais pu deviner que ça serait de ta faute ! Jamais au grand jamais ! Hé d’ailleurs, tu connais pas la dernière ? Ils tiennent ma sœur ! Donc s’ils me demandent de venir, je viens et j’essaye de limiter les dégâts. Et piège ou pas, ça ne change rien. Alors lâche moi.
-Ils ont ta sœur ??? Je savais que c’était un coup comme ça ! Je suis désolée, Xavier
-Ca ne suffit pas. Tu es allée trop loin. Je pourrai au mieux sauver ta peau et ta liberté, mais ne me demande pas de t’aimer. Mais on verra ça plus tard. Chaque chose en son temps. Là je dois aller m’occuper de ma sœur, okay ?
-Laisse moi t’aider.
-Hors de question. Tu n’as pas compris ? JE NE VEUX PLUS TE VOIR ! JAMAIS ! »
Il n’avait jamais hurlé comme ça avant. La tension et la peur pour sa sœur le mettaient hors de lui. Eva avait les larmes aux yeux. Certes elle savait que cela ne serait pas facile de le reconquérir, mais elle n’avait pas anticipé une telle situation. Toutefois, elle persévéra.
« Je crois savoir où ils sont planqués, dit-elle. Laisse moi t’aider. S’il-te-plaît. »
Elle se rapprocha de Xavier. Elle était très belle dans ce soleil d’été. Elle portait un jean très seyant et un magnifique débardeur gris. Mais Xavier ne voulut pas se laisser déconcentrer.
« Si tu veux, dit-il à contrecœur, mais reste derrière moi, je ne voudrais pas que tu prennes une balle perdue.
-T’en fais pas. »
Ils entrèrent dans le parc. Eva voulut passer devant, mais Xavier lui barra le chemin et lui fit signe d’être silencieuse. Il referma la grille et le signala au chef des opérations. Ils avancèrent prudemment le long des arbres. Xavier entendit un craquement et une détonation. Il se jeta à terre en entraînant Eva avec lui.
Ils rampèrent jusqu’aux arbres et se cachèrent. Xavier sortit son arme pour riposter, mais un autre coup de feu l’obligea à rester à couvert. Il vit que les coups de feu venaient d’un bosquet en face de lui. Il fit signe à Eva de rester là où elle était et s’accroupit pour pouvoir voir les pieds de son agresseur pour le localiser. Il les vit vers le milieu du bosquet. Le tireur profitait d’un trou dans le feuillage pour tirer tout en restant caché. Il s’allongea au sol et rampa à couvert sous les arbres. Le tireur continuait à arroser l’arbre derrière lequel Eva et lui s’étaient abrités au début.
Il arriva à ramper sans bruit jusqu’à l’extrémité du bosquet duquel venaient les coups de feu. Il se releva et marcha prudemment jusqu’à l’endroit d’où le canon du revolver dépassait. Il arriva à hauteur du tireur, saisit le canon du revolver et le tira vers lui.
François Bernard fut surprise, perdit l’équilibre et tomba aux pieds de Xavier. Mais elle se ressaisit vite et saisit la cheville du jeune homme, la tira et le fit tomber. Elle tenta de pointer son revolver vers lui, mais Xavier lui donna un fulgurant coup de pied sur la main et l’arme atterrit quelques mètres plus loin. Xavier tenta alors de la mettre en joue, mais elle se jeta sur lui en lui agrippant le poignet pour immobiliser son arme. Ils roulèrent à terre en se battant violemment. Un coup partit du revolver et fit sursauter Xavier qui le lâcha.
Françoise Bernard profita de sa déconcentration pour lui envoyer un uppercut dans le menton, puis un coup de genou dans l’entrejambe. Elle voulut se relever mais Xavier ne lâcha pas prise. Il lui tenait le bras de la main gauche et de la main droite lui envoya un crochet dans la mâchoire. Françoise Bernard hurla de douleur et donna un coup de tête à Xavier. Le jeune homme fut étourdit pendant quelques secondes, et elle en profita pour se jeter sur le révolver de Xavier. Celui-ci la vit et se jeta sur elle. Ils roulèrent encore à terre, le révolver entre eux deux, chacun essayant de l’orienter vers l’autre. Puis un coup partit. Xavier sentit l’étreinte de Françoise Bernard mollir. Sa bouche rougit. Elle gémit et roula par terre. Xavier tenait le révolver fumant dans sa main. Il se releva et regarda Françoise Bernard qui gisait par terre. Elle était morte. Xavier la regarda, abasourdi. Il avait tué une femme. Et pourtant, il n’arrivait pas à éprouver de la pitié ou du remord. Il était juste fatigué et avait hâte d’en finir avec ces bandits. Il devait récupérer sa sœur, puis il n’aurait plus qu’à aller s’exiler sur une île déserte. Seul. Il serait seul. Enfin.
Eva courut vers lui et regarda la jeune femme morte à terre. Puis les deux jeunes gens entendirent un hurlement de douleur venant de derrière eux. Ils se retournèrent et virent Jack, fou de chagrin qui courait vers eux, décidé à se venger. Le dernier coup de feu l’avait attiré et il avait craint le pire pour sa femme.
Xavier n’eut le temps de rien faire. Jack le percuta et le fit tomber. Eva voulut le défendre, mais Jack l’envoya à terre d’un coup de poing dans les côtes. Puis il se retourna vers Xavier et le roua de coups de pieds.
Xavier n’arrivait plus à reprendre sa respiration. Il souffrait. Il ne désirait plus qu’une chose : mourir.
« Ah enfoiré, hurlait Jack, il a fallu que tu te mêles de notre petit trafic ! Pas la peine de crier comme tu le fais, tu sais très bien que personne ne viendra à ton secours, car tu aurais trop peur qu’on fasse du mal à ta sœur !! Ah il est pris au piège le petit con ! »
Il ponctuait son propos de violents coups de pied dans le ventre de Xavier.
Mais le nom de sa sœur redonna courage à Xavier. Il devait se battre. Pour elle. Comme il s’était battu un an avant pour sa grand-mère.
Dans un regain d’énergie, il évita un coup de pied de Jack, lui saisit la cheville, la tira et le fit tomber. Puis Xavier roula à terre pour que Jack ne tombe pas sur lui et se releva. Le temps qu’il soit debout, Jack s’était aussi relevé. Les deux hommes se regardèrent haineusement.
« Tu as perdu la dernière fois, lui dit Xavier.
-C’est pour ça que je vais gagner aujourd’hui. »
Et Jack se lança sur lui, mais Xavier se pencha sur le côté pour éviter le coup de poing qui arrivait. Jack fut déséquilibré et tomba. Xavier saisit rapidement son révolver et mit Jack en joue.
« Stop, dit-il. Reste où tu es.
-Eh tu n’as pas compris ? Tu as tué ma femme ! Je ne tiens plus à la vie. »
Alors Xavier comprit. Il n’avait jamais vraiment cerné pourquoi une femme aussi impliquée dans les services secrets que Françoise Bernard l’était avait trahi son pays. Mais il comprenait maintenant que l’amour était une chose puissante. Il pensa à Eva. Trahirait-il pour elle ? Il chassa la pensée de son esprit. Ce n’était pas le moment. Il fallait faire quelque chose de Jack. Xavier réfléchit. Puis il sortit son portable et appela le commissaire Georges.
Francis Dugas et ses hommes attendaient toujours dans la clairière. Ils avaient entendu les coups de feu, mais n’avaient pas bougé. Jack et Françoise connaissaient les risques. Une fois le silence rétabli, Francis prit la parole :
« Visiblement, il a passé le premier barrage, c’est bien, il vient droit sur moi, je vais le cueillir comme un fruit mûr. Ma fille m’aura bien servi, la pauvre. Elle ne s’imagine pas qu’elle emmène son chéri dans mes bras à moi ! Sans aucun sous-entendu bien sûr.
-Ca vous choque si je vous dis que vous êtes un monstre ? demanda Sylvie.
-Je vous assure que non, sentez-vous à l’aise là-dessus !
- Connard ! Je vous méprise ! Vous êtes tout ce qu’il y a de plus abject !
-Ah non, ça par contre, je ne suis pas d’accord ! C’est ton frère le connard, pas moi ! C’est même un petit connard !
-Et vous rigolez encore ! Vous ne faites même pas ça pour l’argent en plus !
-Oh mais si, répondit Francis. Rendez-vous compte que si j’arrive à tuer votre frère, je redevient crédible auprès de mes clients et de mes employeurs. Et je peux recommencer à gagner ma vie.
-Vos employeurs ? Mais je croyais que Xavier avait coupé la tête au trafic !
-Au trafic, oui. Mais notre organisation est bien plus importante qu’un pauvre trafic d’armes. Je ne peux bien sûr vous dire de quoi il s’agit.
-Mais vous travaillez pour des gens alors ?
-Nous travaillons tous pour des gens, ma chère. »
Et sur ces paroles énigmatiques, il tourna les talons. Après s’être éloigné de quelques pas, il se retourna vers Sylvie.
« Il est bien évident, dit-il, qu’après ce que je viens de vous dire, vous ne pourrez pas survivre à cette journée. »
Il était une fois en France – Annexes