Sous le soleil de Madère

Chapitre 15
Préparatifs (7 août 2009, 16h à Madère)


            Carlier s’effondra sur le canapé du luxueux salon de la villa. La famille de Veronica possédait visiblement beaucoup avant que cette crise ne vienne réduire tout cela à néant. Des traces sur le marbre du sol laissaient penser que les révolutionnaires avaient emmené un nombre certain de meubles et bibelots, ne laissant que ce qui était trop volumineux ou pas assez précieux. De toute évidence, le canapé sur lequel Carlier se reposait rentrait dans la première catégorie, et cela l’arrangeait bien.

            Rémi Carlier était épuisé. Il avait passé les cinq dernières heures à discuter avec Veronica et Lambruscino des informations qu’ils devraient donner ou ne pas donner à Marcovi, ainsi que les moments où celles-ci devraient être délivrées. Carlier ne se faisait toujours pas à ce rôle de faux traître, car le danger serait immense, tant pour lui que pour les rebelles.

            Et également pour Veronica. Chaque minute passée aux côtés de la jeune femme rendait Carlier un peu plus amoureux. Il n’avait encore jamais vécu de coup de foudre, mais il savait maintenant ce que cela faisait. Il avait l’impression d’avoir toujours connu Veronica, que celle-ci le connaissait également, et qu’ils se comprenaient au moindre coup d’œil. Elle riait même à ses blagues pourries et à ses citations cinématographiques débiles. Alors si l’on adapte l’adage « femme qui rit, femme à moitié dans ton lit », Carlier estimait que « femme qui rit en temps de révolte, femme aux trois quarts dans ton lit », ce qui était encourageant pour lui.

            Carlier ferma les yeux pour se remémorer des images de Veronica, son sourire, sa peau mate, ses cheveux bruns… Mais ressentait-elle la même chose ? Carlier était incapable de le dire. Et il préférait affronter à lui tout seul l’armée de Marcovi plutôt que de poser la question à la jeune femme.

            Les pensées de Carlier passèrent de la jeune femme au plan que Lambruscino et lui avaient élaboré avec elle. Le plan était relativement simple : les deux hommes allaient devoir trouver Marcovi et lui donner le lieu de la planque du groupe, c’est-à-dire la maison de Veronica. Les deux hommes lui donneraient ensuite certaines informations sur des cachettes dans lesquelles les hommes de Marcovi pourraient trouver des armes, du ravitaillement, et où ils pourraient faire quelques prisonniers.

            Plusieurs hommes du mouvement étaient prêts à se sacrifier pour la réussite de l’opération, et à risquer de se faire tuer si Marcovi ordonnait à ses hommes de ne pas prendre de prisonniers. Carlier admirait ces hommes et éprouvait du dégoût pour le rôle de dénonciateur –factice, certes, mais tout de même- qu’il aurait à exercer dans cette histoire.

            Le calme ambiant de la pièce fut rompu par l’arrivée de Lambruscino qui s’amusa à faire claquer ses talons sur le marbre du sol avant de venir se planter devant Carlier. Ce dernier leva les yeux vers son –il ne s’y ferait jamais- « frère ».

            « J’ai une question pour vous, Carlier, dit-il.

            -Mais posez donc ! Ce n’est pas comme si notre confort était démentiel en ce moment, donc je peux bien être dérangé dans ma méditation sans me formaliser.

            -Peut-être vous formaliserez-vous de la question alors. Mais peu importe, vu que j’ai votre autorisation, je vous la pose : serez-vous à la hauteur ?

            -Comme la chanson ?

            -Comme la chanson.

            -Et à la hauteur pour quoi ?

            -A votre avis ?

            -Vous aimez vraiment avoir des dialogues de sourd comme ça ou c’est juste pour m’embêter là ? Non parce que le fait que vous soyez mon frère ne vous donne pas carte blanche pour me les briser systématiquement !

            -Vous avez raison. Donc serez-vous à la hauteur de cette opération ? Saurez-vous vous montrer patient, endurer des tortures faires à des membres du groupe voire à vous-même sans parler ? Saurez-vous continuer à jouer votre rôle même si vous vous dégoûtez ? »

            C’était en effet une bonne question. Mais il n’était plus temps de se la poser. La décision avait été prise, et il ne s’agissait pas de revenir dessus.

            « Je le pense, oui.

            -Cette question a une deuxième composante : saurez-vous également, si le problème se présentait, sacrifier Veronica. »

            En voilà une bonne question, réfléchit Carlier. Il regarda Lambruscino pour voir à quel point celui-ci était sérieux. Le visage impassible de son frère lui indiqua que celui-ci n’avait nullement dans l’idée de plaisanter. Carlier décida de feindre l’ignorance.

            « Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là.

            -Oui, je me doutais que vous répondriez cela. Vous voulez vraiment jouer à ce jeu-là avec moi ?

            -Quel jeu ? feint Carlier.

            -Bon, moi ça ne me fait plus rire, donc je vais faire ce que je fais de mieux, à savoir mettre les pieds dans le plat.  J’ai vu comment vous regardiez Veronica, et je sais reconnaître un coup de foudre lorsque j’en vois un. Ici, aucune erreur n’était possible.

            -Mais je…

            -Arrêtez, vous allez m’énerver. Maintenant j’aborde la partie intéressante pour vous. Veronica a également remarqué votre intérêt, ce qui ne relève pas de la performance tellement ça crève les yeux, et vous ne lui êtes pas indifférent non plus.

            -Comment le…

            -Je connais les gens, c’est tout. Laissez-moi finir. Vous n’êtes pas sans savoir que Veronica est chef de cette résistance. En toute autre circonstance, elle aurait probablement cédé à vos charmes, mais ici les risques et les enjeux sont trop importants. De son côté, elle saura faire ce qui est nécessaire et vous sacrifiera si elle l’estime fondamental pour la survie du mouvement. Mais ne vous méprenez pas, ce n’est pas parce qu’elle ne vous aime pas, c’est juste qu’elle ne peut pas se permettre d’affronter les conséquences.

            -Donc si…

            -Taisez-vous, j’ai bientôt fini. Je voudrais donc savoir, et elle aussi d’ailleurs, si vous serez à la hauteur si un choix devait être fait. Sachant tout de même que je ne veux pas vous juger. Je sais ce que c’est d’être amoureux, je l’ai personnellement expérimenté il y a des années de ça, mais dans la situation actuelle, des choses très graves et très lourdes sont en mouvement. Nous avons une unique fenêtre d’action avant qu’une action internationale violente soit faite, et nous ne pouvons donc pas nous permettre ce genre de considérations. Maintenant vous pouvez parler. »

            Mais Carlier n’en avait plus envie. Les pensées se succédaient maintenant dans son esprit à une vitesse vertigineuse, et il avait besoin de mettre de l’ordre dans tout cela.

            Ainsi Veronica avait des sentiments pour lui ? C’était inespéré ! Mais cette bonne nouvelle était tempérée. En effet, Carlier avait imaginé qu’il réussirait sa mission et que Veronica et lui apprendraient à mieux se connaître après la victoire des rebelles. Peut-être même décideraient-ils de partir vivre ensemble en France, et riraient-ils de leurs aventures sur cette petite île portugaise.

            Mais Carlier n’avait jamais imaginé qu’il aurait un jour un tel choix à faire, et il se retrouvait sans aucune idée de ce qu’il pourrait faire dans cette situation. Bien entendu, il connaissait les enjeux et il ne voulait pas que des innocents périssent inutilement, mais de là à sacrifier une jeune femme pour laquelle il avait eu un coup de foudre, c’était tout de même fort ! Il essaya de réfléchir mais constata qu’il ne pouvait pas supporter l’idée de sa mort. Il ne l’avait rencontrée que la veille mais elle occupait toutes ses pensées. Tout lui plaisait chez cette femme, à la fois son physique, son caractère et son courage.

            Mais Lambruscino avait raison : de telles considérations ne devaient pas rentrer en ligne de compte dans la situation présente, et il fallait raisonner en termes de ce qui était meilleur pour le collectif, et non pour l’individuel.

            Carlier déglutit. Oui, il souffrirait s’il lui fallait renoncer à Veronica, mais il le ferait. Il leva les yeux vers Lambruscino.

            « Je la sacrifierai s’il le faut, dit-il avec force. Je sais ce que je dois faire et je le ferai, quelle que soit la difficulté. Je ne vous ferai pas faux bond.

            -Bien, » répondit Lambruscino.

            Sur ces mots, il sortit de la pièce, laissant Carlier dans de douloureuses réflexions.

            Quelques minutes plus tard, Veronica Siretti entra dans le salon et s’assit à côté de lui. Carlier ne put s’empêcher de constater à quel point il était difficile de trouver un moment tranquille tout seul en temps de révolution.

            « Monsieur Carlier, dit-elle, vous…

            -Rémi, s’il vous plaît.

            -Bien. Donc Rémi, je viens de croiser Lambruscino qui m’a dit ce dont il venait de vous parler. Je suis désolée que dans de tels temps on doive mettre tant les pieds dans le plat, mais c’était nécessaire. Je pense que nous prouvons que même lorsque l’homme est confronté au pire, il reste capable des meilleurs et des plus beaux sentiments. Ceci dit, il m’a également fait part de votre résolution, et vous avez fait le bon choix. Nous sommes au cœur d’événements qui nous dépassent, et il nous appartient de nous hisser à la hauteur de ce que l’on attend de nous. Si nous sortons un jour de cette horreur, peut-être pourrons-nous nous connaître mieux. Je vous montrerai mon île, et vous me ferez visiter Paris, mais en attendant, nous devons rester concentrés. »

            Carlier ne répondit rien, car sa gorge était nouée par une angoisse dont il ignorait la provenance. Il ne savait pas ce qui l’inquiétait le plus : la difficulté de sa mission, la perspective de mourir, la perspective de perdre son frère récemment retrouvé, ou celle de perdre une femme qu’il commençait à aimer.

            Il se tourna vers Veronica. Diable qu’est-ce qu’elle était belle ! Elle l’embrassa sur le front, lui sourit et se leva. Carlier la suivit du regard alors qu’elle quittait la pièce. Il resta un moment plongé dans ses pensées, puis il se leva et monta dans la pièce qui lui servait de chambre en passant mentalement en revue toutes les étapes du plan mis en route.

            Le fait de réfléchir le faisait revenir à un mode professionnel où il oubliait son stress, et se sentait sécurisé. Il avait le sentiment qu’il avait les moyens d’être à la hauteur. Il avait été formé, il avait la motivation, il avait les ressources, et il avait les collaborateurs adéquats.

            Il arriva dans la chambre et s’allongea sur un matelas. Un des hommes du Comité de Révolte entra dans la pièce à ce moment.

            « Vous devriez dormir Carlier, dit-il. Vous partez à 6h demain matin et il faudra que vous soyez au meilleur de votre forme.

            -Bien, mais voyez-vous, je doute d’arriver à trouver le sommeil. La situation est loin d’être simple.

            -Si elle l’était, vous n’auriez pas besoin de dormir. »

            Oui, et si j’ai besoin de philosophie de comptoir, je t’appellerai, pensa Carlier.

            L’homme sortit de la pièce après avoir salué Carlier de la tête.

***

            A Lisbonne, la cellule de crise avait été constituée rapidement. Gonzales avait proposé à Leroi dix hommes parmi les meilleurs généraux Portugais qu’il connaissait, chacun ayant des compétences en adéquation avec la tâche à effectuer. Leroi les avait tous rencontrés, se sentant tel un recruteur en entretien d’embauche, et en avait sélectionné cinq, ce qui élevait le nombre de membres du comité à sept personnes.

            Le groupe s’était réuni dans une grande salle de réunion ayant la possibilité de faire de la vidéoconférence et de communiquer de quelque manière que ce soit avec l’extérieur dans le ministère de l’intérieur Portugais. Leroi n’avait encore aucune idée de la manière exacte dont il ferait usage de toutes ces ressources, mais il était heureux de les avoir à sa disposition.

            A 18h, le groupe s’attela à la rédaction d’une proposition d’évacuation des touristes qui devrait être soumise à Marcovi dans la nuit. La rédaction dura deux heures et le premier jet fut soumis au ministre de l’intérieur Portugais pour que celui-ci donne son aval. Après d’âpres négociations avec celui-ci et la rédaction d’un deuxième jet, un consensus fut trouvé.

            A 22h, Leroi décrocha donc le téléphone de la salle de crise et attendit patiemment la réponse du gouvernement de Madère.

            Le soleil se couchait devant ses yeux et Rui Marcovi jubilait. Il avait gagné, il avait offert à Madère son indépendance dans un délai qui était plus court que ses plus folles espérances. Les quelques morts que son coup d’était avait faits ne lui importaient que très peu. Pour Marcovi, c’étaient des pertes nécessaires à tout grand changement politique, surtout que celui-là était pour le mieux. La chose la plus importante pour lui était que sa vision, son rêve, sa quête, était réalisée.

            Marcovi regarda autour de lui. Il était sur la terrasse d’un des appartements des hauts fonctionnaires de Madère, le plus luxueux pour être exact, qu’il avait réquisitionné suite à sa prise de pouvoir. Il estimait mériter cela, car il avait lui aussi sacrifié des choses pour le bien de l’île. L’air était doux et Marcovi se sentait plus que jamais heureux de vivre.

            Sa réflexion fut interrompue par un toquement à la porte. Marcovi aboya à l’importun d’entrer. L’homme s’exécuta et s’approcha prudemment de Marcovi.

            « Une communication du continent, monsieur le Président, » dit-il.

            Marcovi se maudit d’avoir laissé cette ligne téléphonique ouverte avec le gouvernement Portugais, elle ne lui avait apporté jusque là que des contrariétés. Mais il rechignait à la supprimer car elle lui permettait de se tenir au courant de l’évolution de la situation du côté de ses opposants. Si le prix à payer pour cela était d’être dérangé, il était prêt à l’accepter. Au moins pendant un moment.

            « Je prends, » dit-il.

            Il sortit du salon derrière le soldat porteur du message et le suivit jusqu’à la salle de communication. Il passa à travers les différentes salles de l’appartement, toutes plus somptueuses les unes que les autres, et arriva finalement à sa destination, où se trouvait la seule ligne téléphonique sur l’île pouvant contacter l’extérieur de Madère.

            « Rui Marcovi à l’appareil, dit-il, j’écoute.

            -Bonjour Monsieur, dit Leroi en Français, je sais que vous parlez Français donc je vous propose que nous ayons cette conversation dans ma langue maternelle, car le message que je veux vous délivrer n’en sera que plus clair. Je m’appelle Jacques Leroi, je suis commissaire de Police à Paris.

            -Même si je trouve scandaleux le fait que vous veniez négocier avec moi dans une langue qui n’est pas la mienne, je suis prêt à entendre votre message, s’il vaut la peine d’être entendu évidemment.

            -Je peux vous l’assurer.

            -Bien parfait alors. Mais pourquoi diantre un Français m’appelle-t-il d’ailleurs ? La France n’a-t-elle pas d’autres problèmes plus importants que Madère, dont elle pourrait laisser la responsabilité au gouvernement Portugais. Surtout en ce moment où cela semble gronder chez vous.

            -En effet. »

            Leroi nota que Marcovi semblait fort bien renseigné sur les événements qui se déroulaient à l’international. Cela voulait dire que soit il avait accès à des medias, soit il avait des soutiens dans d’autres pays, et ceci était fort inquiétant. Leroi prit le parti d’exposer son message mais en gardant en ligne de mire la collecte d’information sur ce risque particulier.

            «  Il y a des troubles en ce moment en France comme vous l’avez très bien dit, mais il y a également des touristes Français sur l’île, ce qui en fait malheureusement notre problème également. De plus, une des raisons d’être de l’Union Européenne est d’instaurer une solidarité dans nos pays. Suivant la logique initiée par ces deux points, nous avons donc mis en place une collaboration Franco-Portugaise pour résoudre cette crise à laquelle nous faisons tous face.

            -Crise dont vous me jugez responsable, bien entendu.

            -Crise dont l’incompréhension entre diverses cultures et diverses histoires est responsable je pense, mais ce n’est pas la question. Mon but est que chacun sorte gagnant de cette situation.

            -Que proposez-vous exactement ? Que voulez-vous ? »

            Te cramer la tronche, espèce d’enfoiré, pensa Leroi. Mais il fallait qu’il reste calme. Il voyait bien que Marcovi avait tenté de créer un nouvel incident diplomatique avec sa question insidieuse, mais il fallait absolument qu’il évite ce genre de piège qui pouvait avoir des répercussions significatives. Ceci lui était très difficile car il n’avait pas une formation de diplomate ni de négociateur. Il décida de se montrer rassurant vis-à-vis de Marcovi.

            « Je veux vous aider, dit-il. Je me doute que votre prise de pouvoir ne s’est pas faite sans heurt, mais je sais aussi que vous n’êtes pas un monstre. Vous avez donc dû faire un certain nombre de prisonniers, des hommes qui n’ont pas les mêmes idées que vous, mais que vous ne pouvez vous résoudre à tuer. Vos prisons doivent donc être pleines à craquer d’opposants madériens, de touristes et autre. Cela vous coûte cher, vous pompe des ressources, fait de vous une cible pour les attaques et vous oblige donc à une vigilance constante encore plus aigue.

            -Admettons. Mais où voulez-vous donc en venir monsieur Leroi ? Pour un homme de terrain, vous tournez beaucoup autour du pot.

            -Nous voulons évacuer ces personnes en ferry. C’est du win-win. De votre côté, vous videz vos prisons et vous vous montrez généreux envers ces gens, et de notre côté, nous récupérons des civils touristes et madériens. Cela nous permet de sauver la face lorsque nous annoncerons aux medias que nous avançons, et cela vous montre comme un leader humain face au monde car vous aurez su avoir pitié.

            -C’est un piège. »

            Marcovi avait formulé cette réponse instinctivement, presque malgré lui, mais il voyait les ficelles de ce que l’on lui proposait, qui lui semblaient fort grosses d’ailleurs. Il voyait le piège venir de loin, et ce Leroi ne lui inspirait pas confiance.

            « Comme dirait Aldo Raines dans Inglorious Basterds, « When something’s too good to be true, it ain’t », et ce que vous me dites est trop beau pour être vrai monsieur Leroi.

            -Enfin je…

            -Vous perdez un temps précieux monsieur Leroi. Ce n’est pas en tentant de me piéger sans cesse que la situation se calmera. Vous avez exposé votre point de vue, à moi de vous dire le mien maintenant. Voici ma proposition : retournez en France et dites au Portugal d’oublier Madère. Ensuite travaillez à nous faire reconnaître en tant que pays par tout le monde. Et une fois que cela sera fait, une fois que je serai un chef d’état officiel, là les morts cesseront. Là les touristes pourront rentrer chez eux et embrasser leurs familles. Vous pensez que vous pouvez jouer au redresseur de tort dans cette situation, mais ce n’est pas possible. Acceptez votre défaite. Le Portugal n’avait pas vu venir ma révolution, tant pis pour lui. Il a perdu. »

            Sur ces morts, Marcovi raccrocha violemment. Pour qui ces gens le prenaient-ils ?

            Leroi dévisagea un à un les visages dépités des hommes autour de la table. La déception était palpable, mais personne n’osait la formuler, de peur que le découragement ne les gagne. Mais Leroi ne voulait pas renoncer. Il avait accepté cette mission, il savait qu’il n’était pas qualifié, et il savait que cela serait difficile. Il n’était donc pas raisonnable d’abandonner à la première difficulté.

            Il se leva et prit la parole.

            « Messieurs, dit-il, remettons-nous au travail. »