Sous le soleil de Madère

Chapitre 5
La grotte (31 juillet 2009, 11h à Madère)


La petite troupe s’avança dans la grotte sombre. Il y faisait très humide et malsain. La grotte avait visiblement été creusée à la main il y a longtemps. Elle était très longue et serpentait sur ce qui semblait être des kilomètres. Elle descendait, et Rémi se demandait où elle pouvait bien mener. En entrant dans cette grotte, il s’était dit qu’elle ne pourrait pas être bien longue car ils n’étaient pas loin du sommet et la montagne n’était large dans aucune direction. Mais le fait qu’elle descende voulait dire qu’elle pouvait être très longue. Et, en effet, la troupe marcha pendant une demi-heure avant de déboucher sur une chambre intérieure.

            C’était une chambre circulaire avec un toit en forme de dôme et au centre de laquelle trônait une table de pierre en forme de disque sur laquelle était posée une statuette en or portant des inscriptions dans une langue inconnue. Castro s’avança pour la saisir mais Lambruscino l’attrapa par le bras.

            « Non, dit Lambruscino. C’est trop facile. Croyez-vous que les pirates auraient laissé cette statuette à la portée du premier imbécile venu ? Elle donne visiblement des indications  sur la situation du trésor. Mais pourquoi sur une statuette en or ? Parce que les hommes sont obsédés par l’or. Dès qu’ils en voient, ils ne réfléchissent plus. Et donc moi je vous dis que c’est pour déconcentrer le pigeon et le tuer. Je sens le piège. Vous n’avez jamais vu le début des Aventuriers de l’Arche perdue vous, ça se voit. »

            Il regarda la table, puis tourna autour. Il regarda ensuite les murs pendant plusieurs minutes tout autour de la pièce.

            « Regardez, dit-il à Castro, la roche est découpée. Si nous prenons la statuette sans aucune précaution, un mécanisme fera s’effondrer la caverne. Et aucun de nous ici ne veut cela. Cherchons donc comment contrer le mécanisme.

            -Et si on faisait une empreinte de la statuette ? intervint Carlier.

            -Comment ? dit Castro.

            -Eh bien oui. Visiblement, elle est pleine, donc il n’y a rien à l’intérieur, donc tout ce qu’il nous faut, c’est déchiffrer les inscriptions dessus. Donc on prend un truc genre de la cire, et on fait une empreinte. Et on fait une reproduction en rentrant à Funchal. »

            Lambruscino regarda Carlier pensivement, puis se tourna vers Castro.

            « Il a raison, Felipe, dit-il. Mais pendant que nous faisons l’empreinte, il faut éviter de bouger la statuette et éviter que trop de cire ne repose sur la pierre. On n’a aucune idée de la sensibilité du mécanisme. On doit faire très attention. Qu’avez-vous pour faire l’empreinte, Felipe ?

            -J’ai des bougies. On peut les faire fondre et les couler. Mais il faut quelque chose pour plaquer la cire contre la statuette.

            -Ca ne devrait pas poser de problème, ça, dit Rémi. Il suffit d’une couverture de survie. C’est étanche, résistant et assez fin. Je suis sûr que vous avez cela dans vos affaires. Et on serre tout cela ensemble avec une ceinture. »

            Il se sentait grisé par l’envie de voir le trésor. Peu lui importait de mourir après. Il aurait au moins accompli cela dans sa vie, et s’il trouvait moyen de s’en sortir, il serait riche au moins. De plus, à plus court terme, si Castro s’apercevait qu’il pouvait avoir besoin de lui, cela augmentait sensiblement son espérance de vie.

            Castro sortit la couverture de survie de son sac et défit sa ceinture. Un de ses hommes sortit un paquet de bougies et un briquet. Castro découpa sa couverture de survie de façon à ce qu’elle fasse la hauteur de la statuette. Puis il l’enroula autour et renferma sa ceinture autour. Un des deux hommes fit fondre les bougies une par une au-dessus de la statuette. Puis ils attendirent que la cire se solidifie. Ils enlevèrent ensuite la couverture de survie et découpèrent la cire. Puis ils la retirèrent délicatement et Castro la mit dans son sac : ils avaient l’empreinte de la statuette. Ils commencèrent à se diriger vers la sortie, mais un des hommes de Castro, grisé par ce succès, ne fit pas attention et heurta la statuette de son coude en remettant son sac. Celle-ci chancela et tomba au sol. Carlier la ramassa rapidement. Mais ils entendirent un craquement sinistre. Une pierre du plafond tomba sur l’homme qui avait fait tomber la statuette et le tua sur le coup : la caverne s’effondrait.

            « COUREZ !!! » cria Lambruscino.

            Il s’élança vers la sortie, suivi de Carlier et de Castro. L’autre homme de Castro tenta de les suivre, mais une pierre tomba sur son pied. Il s’effondra et appela son patron à l’aide. Castro ne se retourna pas et continua sa course. L’homme cria encore pendant quelques secondes, puis son cri fut interrompu par une pierre qui lui tomba sur la tête.

            Pendant ce temps, les trois autres hommes couraient vers la sortie. Ils entendaient le grondement de la caverne qui s’effondrait derrière eux. Le grondement se rapprochait et ils se demandaient s’ils arriveraient à la sortie un jour. Lambruscino voyait devant lui la fenêtre de lumière qui s’agrandissait  chaque pas qu’il faisait. Mais pas assez vite. Derrière lui, il entendait Castro qui jurait et soufflait. Il avait visiblement très peur aussi.

            Carlier courait aussi vite qu’il pouvait, en tenant la statuette serrée dans sa main. Ils n’étaient plus très loin de la sortie maintenant, mais allaient-ils  arriver ? De temps en temps, Rémi sentait une pierre tomber juste derrière lui, et il accélérait. Mais il commençait à être fatigué. Le rectangle de lumière devant lui n’était plus très loin.

            Castro voyait la sortie. Lambruscino était déjà sorti, et il ne restait à Castro que 20 pas pour y arriver. Il regarda derrière lui pour voir si Carlier était toujours là. Il était indispensable car il avait la statuette. 10 pas. Castro commençait à sentir le vent sur son visage. 5 pas. 4. 3. 2. 1. PAFFF !!!!!!

            En sortant de la grotte, Rémi Carlier vit Castro à terre, assommé et Lambruscino debout au-dessus de lui, un bâton à la main. Lambruscino ramassa le sac de Castro et se tourna vers Carlier.

            « Comme dirait Michael Biehn dans Terminator, ‘viens avec moi si tu veux vivre, » dit-il.

            Carlier le regarda, incrédule. Puis il regarda Castro et se dit qu’il devait rester avec celui qu’il était censé rapatrier en France. Il fallait qu’il garde un œil sur Lambruscino, quels que soient les risques. Surtout qu’à l’heure actuelle, celui-ci était sa meilleure chance de survie.

            « Ok, » marmonna Carlier.

            Lambruscino commença à descendre la montagne vers Funchal et Carlier le suivit, la statuette toujours à la main.

 

 

            Felipe Castro se réveilla une heure après, la tête plus que douloureuse. Il se releva et jeta un œil à la grotte qui s’était effondrée. Puis il se souvint de ses deux hommes qui avaient péri dans cet effondrement. Ces imbéciles n’avaient même pas été capables de l’aider à garder la statuette. Ces incapables n’avaient eu que ce qu’ils méritaient. Mais Castro eut un moment d’inquiétude : qu’allait dire son employeur ? Bah, un vieil excentrique serait vexé, mais le lancerait sur autre chose. Il suffirait de bien s’y prendre pour lui annoncer cela. Et Castro avait toujours été un bon orateur. Il se faisait confiance. Il jeta un œil au ciel, vit que le temps se couvrait, et descendit vers Funchal où il espérait arriver avant la nuit s’il pouvait marcher assez rapidement