Sous le soleil de Madère

Chapitre 18
Rui Marcovi est mort (9 août 2009, 8h à Madère)


            Maria Hernandez habitait Madère depuis sa naissance. Elle avait grandi dans la montagne avec ses parents agriculteurs, puis s’était rendue à Funchal pour faire ses études. Elle avait étudié les langues étrangères et avait enseigné l’anglais avec son mari au lycée de Funchal. Jusqu’à l’arrivée de Marcovi au pouvoir. Celui-ci avait fait fermer toutes les écoles jusqu’à nouvel ordre. Depuis ce moment, Maria restait chez elle à écrire le roman d’amour dont elle rêvait depuis son adolescence. Mais ses élèves lui manquaient et elle voulait revenir enseigner, et transmettre son savoir : c’était ça qui la faisait vivre et vibrer.

            Ce matin-là, on frappa à sa porte. Intriguée, elle regarda par le judas optique de qui il pouvait s’agir. Elle vit un jeune homme d’une vingtaine d’années : son voisin Enrico. Elle ouvrit la porte.

            “Marcovi est mort ! s’exclama Enrico sans autre forme de salutation.

            -Comment?

-Un touriste est venu me voir ce matin. Il a eu cette information du Comité de Révolte, un groupe de résistants. Ils ont réussi à tuer Marcovi dans sa résidence cette nuit. On organise une grande marche pour aller jusque là-bas et s’en assurer. Si c’est vrai, c’est la fin de notre cauchemar!”

            Maria n’en croyait pas ses oreilles. Certes, il n’était pas très humain de souhaiter la mort d’un autre être humain, mais tout de même Marcovi avait fait assez de dégâts comme cela, et le savoir mort serait une excellente chose.

            “Il faut en avoir le coeur net, dit-elle. Je vous suis.”

            Elle attrapa ses chaussures et sortit derrière Enrico.

            Une fois dehors, elle vit un spectacle auquel elle n’avait pas assisté depuis un moment: la rue grouillait de monde. Les gens s’interpellaient et riaient. L’espoir semblait être revenu et tout le monde voulait vérifier la bonne nouvelle. Finalement, Enrico prit la tête du mouvement, et la foule prit la direction de la résidence de Marcovi.

***

            La résidence de Rui Marcovi était en ébullition. Des informateurs avaient prévenu le dictateur qu’une foule immense traversait la ville pour venir le voir. Marcovi se trouvait dans sa chambre et discutait avec des mercenaires de la marche à suivre. Ceux-ci lui conseillèrent de ne pas répondre par la violence, car cela encouragerait le mouvement. Il lui faudrait s’adresser verbalement à la foule. Mais la mercenaires lui conseillèrent tout de même de renforcer la garde autour de se résidence. Marcovi acquieça en silence.

***

            Leroi observait à la jumelle le commissariat principal de Funchal depuis un moment déjà. tout à coup, il vit la moitié des gardes partir en courant vers la résidence de Marcovi. Il était temps d’agir, songea Leroi. Il fit signe aux dix autres hommes de se tenir prêts. Puis à son signal, le groupe s’élança vers l’entrée du commissariat principal. Le garde en faction, qui regardait dans la direction de la résidence de Marcovi, n’entendit pas le commando approcher et fut assommé par derrière sans bruit, bâillonné et caché derrière un buisson. Puis la troupe entra dans la bâtiment.

            Il y avait une vingtaine de mercenaires en train de discuter dans l’entrée. Le temps qu’ils réagissent et se remettent de leur surprise, le commando avait sauté à l’abri derrière le comptoir en bois et commençait à faire feu. Quelques mercenaires tombèrent mais les autres se cachèrent derrière les grandes colonnes de marbre du hall et répondirent aux coups de feu. Le hall si majestueux de ce commissariat, avec des dalles de marbre noires et blanches, aux hautes colonnes, aux murs arborant de magnifiques toiles et aux meubles en bois ancien était devenu un véritable champ de bataille. Le sang des hommes tombés souillait le sol. Des balles perdues trouaient les toiles au mur et rongeaient les colonnes. Et pourtant personne ne semblait gagner l’affrontement. Le commando français n’arrivait pas à avancer, et pourtant le temps pressait !

            Tous les mercenaires présents dans le commissariat s’étaient précipités dans le hall pour prêter main-forte à leurs camarades. Le commando avait beau faire des victimes, ils avaient l’impression de trancher une tête pour que deux autres repoussent à la place. Ils commençaient à perdre espoir, et le temps pressait. Marcovi allait s’apercevoir de l’attaque et allait lancer tous les mercenaires de l’île sur eux, et ils n’auraient plus aucune chance alors. Ils arrivaient à court de munitions: il fallait faire quelque chose.

            Carlier arrêta de tirer et tâtonna sous le comptoir du commissariat à la recherche d’une arme ou d’un dispositif de défense. Il trouva une poignée et regarda ce que c’était: il s’agissait du dispositif d’arrêt d’urgence du courant dans tout le bâtiment. Carlier cria à Leroi de regarder. Celui-ci s’exécuta et Carlier lui expliqua son plan. Leroi acquiesça et transmit les instructions à ses hommes.

            Puis Rémi actionna la poignée. Surpris par la soudaine obscurité dans un hall sans fenêtres, les mercenaires arrêtèrent de tirer. Le commando de Leroi courut à toutes jambes vers le grand escalier qui se dressait à quelques mètres d’eux. Des mercenaires les entendirent et tirèrent à l’aveuglette. Leroi vit l’ombre d’un de ses hommes tomber. Encore un se dit-il. Puis le commando atteignit l’escalier et le monta quatre à quatre. Arrivés en haut, ils virent un couloir éclairé par la lumière extérieure et s’y engouffrèrent en fermant la porte donnant sur l’escalier. Ils mirent des bancs et des chaises devant pour la barricader.

            Ils y étaient : ils étaient dans le couloir aux nombreuses portes, que Marcovi leur avait fait visiter la veille, ou une éternité avant, ils ne savaient plus.

            Carlier indiqua à Leroi la salle de communication. Ils y entrèrent et la trouvèrent déserte. Tous les mercenaires de la bâtisse étaient maintenant bloqués en bas et commençaient à tirer sur la porte du couloir. Leroi attrapa le téléphone et composa le numéro privé de la cellule de crise.

            “Gonzales? Nous maîtrisons la salle de communication de Marcovi, qui est son seul contact avec l’extérieur. Nous pensons savoir où se trouve le trésor. nous vous tenons au courant.”

            Il raccrocha avant que Gonzales ait pu répondre quoi que ce soir. il fit signe à deux de ses hommes de rester dans la salle, et leur donna l’ordre de détruire toutes les communications si les mercenaires devaient reprendre la pièce. puis il plaça quatre hommes devant la porte donnant sur les escaliers, pour ralentir les mercenaires qui arrivaient. On entendait de plus en plus de coups de feu et de coups donnés dans la porte, qui était une porte de commissariat donc très très solide! Mais la structure ne résisterait pas éternellement. Leroi posta deux hommes à la fenêtre au cas où les mercenaires tenteraient d’escalader. Puis il se retrouva avec Carlier et Lambruscino. Ils se dirigèrent vers une des portes que Marcovi n’avait pas ouverte et la poussèrent. Ils restèrent cloués sur place.

            Toutes les portes suivantes donnaient sur la même vaste pièce, longue de 200mètres et large de 30 mètres, remplie à craquer de pièces d’or, de bijoux, de lingots d’or, de tableaux de maîtres. Le spectacle était éblouissant. Le trésor des Espagnols s’étendait sous les yeux.

            “C’est fini, dit Carlier, on a le trésor. Appelez Gonzales et dites lui qu’on l’a. Les mercenaires ne se battront pas sans l’argent. Et nous allons leur en donner pour qu’ils partent.

            -Mais ils doivent être jugés, dit Leroi.

            -Non, on doit sauver Madère, dit Carlier, et cela veut dire les faire partir au plus vite. On a presque gagné.

            -Presque est le mot,” fit une voix trop familière derrière eux.

            Les trois hommes se retournèrent et virent Rui Marcovi tenant Veronica Siretti, un révolver pointé sur sa tempe.