Sous le soleil de Madère

Chapitre 17
Rencontres (8 août 2009, 10h à Madère)


            Marc Lambruscino attendait sur la plage depuis 15 minutes déjà et commençait à s’agiter. Certes, son contact n’était pas encore en retard, mais Lambruscino craignait toujours une trahison de Marcovi, qui pouvait décider à tout moment de capturer le contact. Certes la probabilité était faible, mais tout de même, Lambruscino n’avait pas une très haute idée de l’intelligence de Marcovi. Il le trouvait stupide et empoté. C’est pourquoi il avait été surpris que Marcovi déjoue le piège tendu par Leroi. Mais bon, chaque homme a ses éclairs de génie, même Marcovi.

            Lambruscino regarda de nouveau sa montre, il était 20h05. Il leva les yeux et vit son contact arriver sur la plage. Les deux hommes échangèrent une poignée de main. Sachant qu’ils pourraient être écoutés, chacun joua son rôle.

            « J’ai un renseignement intéressant pour vous, dit le contact.

            -Je vous écoute.

            -Le Comité de Révolte passera par le Pico Grande demain tôle le matin pour accéder à une partie plus reculée de l’île et se cacher. Cela pourra être un bon endroit pour tendre une emburscade.

            -Excellente idée, je transmettrai ça à qui de droit.

            -Veronica Siretti sera parmi eux. Cela pourra vous permettre de la faire prisonnière. »

            Lambruscino resta de marbre. Carlier n’allais pas aimer cela du tout, mais fallait-il le lui dire ? Il aviserait après.

            « Bien, dit Lambruscino, ainsi le Comité de Révolte sera entièrement démantelé. Vers quelle heure y passeront-ils ?

            -Entre 3h et 5h du matin, pour éviter d’être vus en plein jour.

            -Bien. Merci.

            -Et longue vie à Marcovi.

            -Oui, longue vie à Marcovi. »

            Les deux hommes se séparèrent sur ces mots et Lambruscino se dirigea vers Carlier et Marcovi qui l’attendaient un kilomètre plus loin dans une voiture. Il monta à bord et leur raconta tout en détail et vie que Carlier haussait un sourcil quand il précisait que Veronica serait dans le lot. Mais Carlier se tut et se tint à son tôle. Ainsi c’était pour cela que Veronica avait demandé à Lambruscino si Carlier saurait faire le nécessaire ! Elle comptait se rendre, voir même se sacrifier. Depuis le début, elle voulait faire cela. Alors que toutes ces pensées traversaient l’esprit de Rémi, celui-ci resta de marbre.

            Marcovi félicita Lambruscino et invita les deux hommes à le suivre pour manger.

            Il était minuit. Le pétrolier « La Felouca » passait à une vingtaine de kilomètres au large de Madère lorsque le capitaine fut réveillé par une sirène stridente. Il s’était assoupi un moment, espérant que le début de la traversée serait sans encombre.

            Il se leva de sa couchette et se dirigea vers le poste de pilotage. Il y trouva une dizaine de marins parlant avec animation.

            « Que se passe-t-il ? demanda le capitaine.

            -Il y a une fuite capitaine, nous perdons du pétrole. Il nous faut aller au porte le plus proche pour la colmater.

            -Quelle est l’île la plus proche ?

            -Madère, capitaine.

            -Il y a eu des problèmes sur cette île ces derniers temps, c’est une dictature maintenant.

            -Oui mais nous n’avons pas le choix capitaine, nous allons perdre la cargaison sinon.

            -Bien, alors demandez-lui une place pour 5 heures, le temps de colater la brèche. S’ils refusent, proposez-leur une partie de notre cargaison. Nous n’avons pas le choix comme vous l’avez si bien dit. »

            Les marins acquiescèrent et chacun partit à sa tâche. Le capitaine se demanda s’il avait pris la bonne décision.

      Marcovi était encore attablé avec Carlier et Lambruscino lorsqu'un soldat vint lui porter un papier lui expliquant le cas d'un pétrolier voulant colmater une brèche de laquelle s'échappait du pétrole.

      "Je veux la moitié de leur cargaison initiale," dit Marcovi.

      Le soldat fit un petit salut et quitta la pièce d'un pas rapide. Le visage de Marcovi s'éclaira d'un large sourire. Décidément, cette journée tenait largement ses promesses.

      Il était 1h du matin. La pleine lune éclairait de toute sa lumière le fameur Pico Grande. Il n'existait qu'un seul passage pour aller d'un côté à l'autre de la montagne. Un commando de 50 hommes au service de Marcovi se trouvait en embuscade le long du chemin, non loin du sommet. Ils savaient que l'attente serait longue, mais ils avaient dû s'installer en avance pour n'avoir aucune chance de croiser les rebelles avant d'être en place. Les hommes attendirent donc, en silence, l'arrivée des rebelles.

***

      A 3h du matin, La Felouca était arrivée au port de Funchal, et les marins avaient commencé les réparations.Le capitaine descendit du navire pour aller négocier avec les autorités. Il ne pouvait se douter que de l'autre côté du bateau, un groupe de 25 passagers clandestins, armés jusqu'aux dents, débarquaient sans que personne ne le remarque.

      Ce petit commando était l'oeuvre du comité de crise dirigé par Leroi. En effet, après son échec auprès de Marcovi, le petit groupe s'était remis sérieusement au travail et avait trouvé une solution qui semblait être la seule convenable compte tenu de la situation dramatique. Tout d'abord, ils avaient compris que Marcovi était très informé de tout ce qui se passait dans le monde. Leroi avait donc demandé à Mathieu Gentil d'écrire son article incendiaire, et celui-ci s'était exécuté avec joie, ravi à la fois de rendre service, et de pouvoir faire de l'audience. Son article avait été relu soigneusement puis modifié par le comité de crise dirigé par Leroi, avant d’être publié dans tous les journaux de France. Bien sûr, Leroi était conscient qu’une telle campagne de désinformation ne devait être utilisée qu’en cas d’extrême urgence, mais en l’occurrence la situation l’exigeait, et aucune autre solution n’avait été trouvée.

            Une fois l’article publié, Leroi s’était intéressé aux gros navires passat au large de Madère dans la période qui l’intéressait, et qui seraient susceptibles d’avoir de la valeur pour Marcovi. Le pétrolier La Felouca remplissait toutes les conditions requises : l’essence était une denrée qui allait vite devenir rare sur Madère.

            Une troupe de 25 hommes, parmi lesquels se trouvait Leroi, s’était donc envolée pour Porto, où ils avaient embarqué clandestinement sur le pétrolier avec l’aide de la mafia locale. Une fois en mer, il leur avait suffi de creuser une légère brèche dans le réservoir lorsqu’ils passaient au large de Madère pour que le capitaine soit obligé de faire escale. Une fois le navire amarré, ils avaient sauté à la mer et avaient nagé jusqu’à la plage de Funchal, prêts à aller à la résidence de Marcovi.

***

            Il était 3h30 du matin lorsque le commando posté au Pico Grande entendit des bruits de pas. L’excitation gagna peu à peu tous les hommes, pressés d’en découdre avec les rebelles une bonne fois pour toutes. Au bout de quelques minutes, ils virent arriver un homme, puis deux, et enfin une dizaine en tout, ainsi qu’une femme qui fermait la marche. Il s’agissait de Veronica Siretti, leader emblématique de la résistance. Le commando savait qu’il devait la capturer vivante, elle serait alors d’une grande valeur et Marcovi les récompenserait. Elle serait ensuite exécutée publiquement pour mettre une grand coup au moral de la résistance, montrant ainsi ce qui arrivait aux traîtres au régime de Marcovi.

            Lorsque le groupe de rebelles eut passé la première moitié du commando, ceux-ci se relevèrent et empêchèrent toute retraite, tandis que la deuxième moitié, postée plus loin, empêchait toute avancée. Les rebelles comprirent vite qu’ils étaient très inférieurs en nombre et lâchèrent leurs armes sans qu’un seul coup de feu fût tiré. Le commando de Marcovi les menotta un par un, affecta deux gardes à Veronica Siretti, et la trompe se mit en marche vers Funchal.

***

Marcovi souriait en lisant le rapport du commando parti au Pico Grande. Celui-ci avait été transmis par radio au centre de communication, couché par écrit et transmis directement à Marcovi. Ce dernier commençait à avoir vraiment confiance en Carlier et Lambruscino. Ces deux hommes pourraient être pour lui des alliés de poids. En moins de 48h, ils avaient permis la capture du leader du groupe de résistance le plus important de Madère, le premier pas vers une reconquête complète du contrôle de l’île. Marcovi n’avait donc plus aucun doute sur les Français, et envisageait même de les mettre dans la confidence pour le trésor. Enfin cela pouvait tout de même attendre un peu, estimait-il.

L’avenir prenait en tout cas pour lui un tournant radieux.

***

            Le petit groupe dirigé par Leroi arriva au coin de la rue où se trouvait la résidence de Marcovi. Ils avaient eu l’information sur sa localisation grâce à une observation satellite détaillée d’ l’île. Ils avaient également pu voir la force militaire mise en place pour protéger cette villa, et élaborer un plan en conséquence. Lorsqu’ils arrivèrent en vue des deux gardes de l’entrée, Leroi fit signe à deux de ses hommes d’utiliser leurs snipers en silencieux pour s’en occuper. Ceux-ci s’exécutèrent et les gardes tombèrent sans bruit. Quatre hommes de main de Leroi allèrent les chercher et les dépouillèrent de leurs vêtements. Deux hommes les prirent et allèrent se poster en faction à la porte. L’opération n’avait pas duré plus d’une minute.

            Les deux hommes postés à l’entrée firent signe au groupe que la voie était libre. Le commando rentra donc dans le jardin de la résidence de Marcovi et se dirigea vers l’entrée principale de la bâtisse.

***

Le groupe de mercenaires ayant capturé Veronica et les rebelles arriva à l’entrée secondaire de la résidence de Marcovi à ce moment précis. Ils présentèrent leurs papiers au garde en faction et celui-ci les laissa passer sans difficulté, en complimentant les hommes sur leur capture. Ils entrèrent donc dans le bâtiment et se séparèrent en deux: un groupe avec le gros des résistants qui se dirigeait vers les prisons, et deux hommes qui emmenaient Veronica jusqu’aux appartements de Marcovi. Arrivés devant la porte de la suite, ils frappèrent et furent invités à rentrer.

Marcovi, Carlier et Lambruscino dévisagèrent les nouveaux entrants, sourirent de triomphe (feint pour certains) en voyant Veronica.

“Prenez place Mademoiselle Siretti”, dit Marcovi.

***

            Le commando de Leroi était maintenant en-dessous du balcon de la suite de Marcovi. Un des hommes fit monter une fibre optique le long du mir, et Leroi observa ce qui se passait dans la pièce. Il reconnut Marcovi grâce à des photos qu’on lui avait montrées, mais à sa grande stupeur, il vit Rémi Carlier et Marc Lambruscino discuter avec Marcovi comme de bons amis. Leroi n’en crut pas ses yeux. Comment était-il possible que Carlier, son homme de confiance, son ami, fricote avec de tels individus? Leroi ne comprenait pas ce qui se passait. Mais tout à coup, il vit que les trois hommes se tournaient vers la porte. Une jeune femme escortée par deux soldats entra dans la pièce. Leroi ne voyait plus le visage des trois hommes, mais la jeune femme semblait effrayée, mais fière. Leroi songea qu’il était temps d’intervenir. Il fit signe à ses hommes d’armer leurs harpons, et un amas de crochets alla silencieusement s’accrocher au balcon sans que les hommes au-dessus ne se doutent de rien…

***

            Marcovi jubilait : ça y était, il avait à sa merci le leader du groupe de résistance le plus dangereux de Madère. Lambruscino jubilait également, il voyait que Marcovi était content et savait qu’il serait bientôt prêt à donner l’emplacement du trésor.

            Carlier était partagé entre sa peur pour Veronica et sa joie de voir que Marcovi allait enfin leur faire confiance, de voir qu’ils étaient bientôt au bout de leurs efforts et de cette sinistre mascarade. Et dire qu’il aurait pu être en train de faire son trek!

            Marcovi s’assit en face de Veronica et fit mine d’ouvrir la bouche pour parler lorsque la fenêtre du balcon vola en éclats et Leroi et son commando apparurent, armes pointées vers les habitants de la pièce.

            A partir de là, tout alla très vite. Carlier cria : “Non Leroi je…”. Il fut interrompu par un coup de poing dans le ventre de Lambruscino. Marcovi comprit immédiatement qu’il s’était fait rouler, sortit son révolver et prit Véronica en otage devant lui.

            Leroi et ses hommes maîtrisèrent Lambruscino et se tournèrent vers Marcovi.

            “Lâchez-la, ordonna Leroi.

            -Non, je vais partir.”

            Joignant le geste à la parole, il disparut par un passage secret dans le mur apparu comme par magie qui se referma derrière lui. Un des hommes de Leroi tenta de partir à sa poursuite, mais le passage ne se rouvrit pas. Leroi se tourna vers Carlier qui gisait à terre, la main sur le ventre.

            “Bon Dieu, dit Leroi, que faites-vous ici Rémi?

            -Nous le tenions, cria Carlier. Il allait nous dire où était le trésor!

            -C’est de votre faute, dit Lambruscino à Leroi, il nous suffisait de douze heures de plus et cette dictature se terminait.”

            Devant l’ait interloqué de Leroi, Carlier et Lambruscino lui expliquèrent le plan qu’ils avaient mis en place avec le Comité de Révolte. Leroi leur expliqua à son tous comment ils en étaient arrivés là. Il ordonna ensuite à ses hommes de relâcher Lambruscino après que Carlier l’ait mis au courant de la situation.

            Les trois hommes s’assirent à l’écart pour réfléchir à un moyen de sauver les meubles. Marcovi ne tarderait pas à donner l’alerte, et ils se retrouveraient inférieurs en nombre. Le Comité de Révolte était quasiment démantelé suite à la capture de Veronica donc ils ne pouvaient pas compter dessus.

            “Nous devons réfléchir à l’emplacement du trésor, dit Lambruscino, c’est notre seule chance. Si on trouve le trésor, c’est la fin de Marcovi. Les mercenaires se désintéresseront et s’en iront. Ou alors ils nous attaqueront de front pour avoir le trésor pour eux. Mais en tout cas on tiendra un point stratégique.

            -Cela me semble résonnable, dit Leroi.

            -A moi aussi, dit Rémi. Après il faudra tout de même que l’on sauve Veronica.”

            Lambruscino lui jeta un regard plein de reproches, mais Carlier l’ignora. Il connaissait les priorités: Madère d’abord et Veronica ensuite. Mais Veronica tout de même.

            “Bon réfléchissons, dit Leroi, vous avez cotoyé Marcovi, où pourrait-il câcher son trésor?

            -Après c’était pas notre grand pote non plus,” fit remarquer Lambruscino.

            Carlier et Lambruscino réfléchissaient déjà à la question depuis un moment : où Marcovi cachait-il son trésor? Quel serait le plus logique? Certes jusque là, ils étaient partis de principe que Marcovi leur donnerait la localisation de lui-même donc l’essentiel de leurs efforts avait été dans le fayotage plutôt que dans la réflexion.

            Soudain Carlier eut un éclair de génie.

            “Le commissariat principal de Funchal, s’écriat-il. Il est très gardé, c’est là que sont concentrées toutes les communications, et il y a fort à parier que le trésor y est aussi. Surtout que nous avons vu un couloir avec plein de portes, mais il ne nous a pas fait visiter toutes les pièces! Cela ferait sens, non?”

            Leroi et Lambruscino se regardèrent. Le raisonnement de Carlier leur semblait logique. Mais les deux hommes se demandaient s’ils pourraient mutuellement se faire confiance. Après tout, dans une situation normale, ils étaient chacun d’un côté de la loi. Mais dans ce cas précis, la loi semblait plus lointaine et plus floue, et ne constituait plus une barrière entre les deux hommes. Ils allaient devoir collaborer ou mourir.

            Des coups frappés contre la porte interrompirent les réflexions des deux hommes. Marcovi avait donné l’alerte et les mercenaires allaient venir sur eux. Ils coururent vers le balcon et virent que le jardin commençait à grouiller de soldats. Le commando, suivi de Carlier et Lambruscino, descendit en rappel le long des cordes qu’ils avaient insallées. Des balles commençaient à siffler à leurs oreilles. Les premiers hommes arrivés en bas épaulèrent leurs armes et commencèrent à riposter au hasard car le jardin était plongé dans une totale obscurité. Lorsque la totalité du groupe fut arrivée en bas, ils coururent vers la grille. Rémi vit tomber plusieurs membres du commando, mais n’y prêta pas attention, de peux que la peur et le désespoir ne l’envahissent. Il voulait juste arriver à la grille et échapper aux mercenaires.

            Il y arriva finalement et l’escalada avec une rapidité déconcertante. Puis il se laissa tomber de l’autre côté, et continua sa course, suivant les hommes de Leroi. Le crépitement des armes à feu se faisait plus lointain, mais il entendait des homems courir après eux. Mais heureusement, Marcovi avait installé un couvre-feu et les rues de Funchal n’étaient pas éclairées. Le commando se perdit donc dans les petites rues de Funchal, jusqu’à finalement semer ses poursuivants. Ils trouvèrent une bâtisse abandonnée et s’y installèrent pour s’y reposer.

            “Il va falloir bouger vite, dit Leroi, Marcovi va nous chercher partout. Il est prévenu que nous sommes là et va mettre toutes ses ressources disponibles dans notre traque.”

            Leroi regarda autour de lui: il ne restait plus que 10 hommes de son commando, auxquels il fallait rajouter maintenant Carlier et Lambruscino. Ils n’étaient définitivement pas assez pour prendre d’assaut le commissariat principal de Funchal.

            “Que faisons-nous maintenant? demanda Leroi à la cantonnade. Je suis le chef de cette expédition, mais je fais volontiers appel à votre instinct militaire, car notre plan de base n’est plus du tout viable, l’effet de surprise étant passé.

            -Je sais pas, dit Carlier, mais moi j’en ai plein le dos de cette île, je propose de nager jusqu’à Lisbonne.

            -Merci, dit calmement Lambruscino, c’est très constructif comme remarque.

            -Il nous faudrait l’aide du Comité de Révolte, dit Carlier.

            -Impossible. Ni vous ni moi n’avons un quelconque moyen de les joindre, dit Lambruscino.

            -Et si on se constituait prisonnier, suggéra Leroi. On pourrait s’évader et…

            -Non, dit Carlier, on a déjà été prisonniers, puis amis avec Marcovi, puis il a compris qu’on l’avait entubé, alors là je peux vous dire que s’il voit l’un de nous deux, il va nous mettre une balle dans la tête sans hésite, juste pour avoir la paix, alors non merci!

            -Je pense plutôt qu’il va nous pendre, fit remarquer Lambruscino.

            -Oui nous faire rôtir, renchérit Carlier.

            -Bref OK j’ai compris, dit Leroi. Autant pour moi! Mais on fait quoi alors?

            -C’est vous le directeur de la cellule de crise, railla Lambruscino,  alors sortez-nous de la crise, qu’est-ce que vous attendez? Sinon allez leur enseigner la vertu et la beauté du service public Français.

            -Je vais te me le…”

            Leroi se précipita sur Lambruscino, prêt à le frapper, mais Carlier s’interposa.

            “Messieurs s’il vous plaît, arrêtez. Il faut trouver une solution, et vite! Vous avez été flic et voleur, mais maintenant vous êtes résistants tous les deux, sur une petite île, entourés de gens qui veulent votre peau. Alors apprenez à bosser ensemble nom de Dieu, ou alors je vous promets que si l’on sort d’ici, vous vous retrouverez tous les deux en prison!”

            Il avait terminé sa tirade en criant. Voir ainsi se disputer les deux hommes l’avait rendu malade: c’était exactement ce que Marcovi voulait. Leroi le regarda d’un air interloqué : il n’avait jamais vu son subordonné comme cela.

            Rémi continua sur un ton plus calme.

            “Il n’y a plus de grades, plus de voleurs, plus de policiers, juste des êtres humains. Marx a fait des conneries, OK. Mais il n’a jamais tué et il veut se racheter en combattant cette dictature. Quant à Jacques, continua Rémi en se tournant vers Lambruscino, c’est un des hommes les plus valeureux que je connaisse. C’est mon mentor et mon ami, et aucun homme n’aurait pu gérer cette crise mieux que lui. D’ailleurs son plan aurait marché s’il ne s’était pas télescopé avec le notre. De même, Jacques, que notre plan à Marc et moi était en bonne phase pour marcher. Donc vous êtes du même côté. Arrêtez de vous chamailler comme des enfants!”

            Leroi et Lambruscino restèrent silencieux. Un des soldats toussa discrètement.

            “Si je peux me permettre messieurs.”

            Il enleva sa cagoule: il s’agissait de Mathieu Gentil le journaliste! Carlier et Lambruscino le reconnaissaient grâce aux nombreuses photos de lui qu’ils avaient vues dans les journaux ces derniers temps, mais ils n’en croyaient pas leurs yeux. Leroi vit leur air abasourdi et s’expliqua.

            “C’était la condition sine qua non pour qu’il écrive un article mettant sa réputation en danger. Comme cela, il sera très bien placé pour faire un reportage final grandiose une fois que tout ceci sera terminé. Mais avant tout, il vient pour aider.

            -Aider? dit Lambruscino. Mais il est journaliste, pas soldat! Et en plus ce n’est pas un de vos plus fervents supporters si mes souvenirs sont bons!

            -C’était pour faire de l’audience, expliqua Mathieu. Par principe, il ne faut jamais dire que ce que font les autorités est bien! Il me fallait du croustillant et du sensationnel! En plus, je ne suis pas le seul à vous avoir descendu dans la presse, et…

            -Toujours est-il, l’interrompit Leroi, que M. Gentil a reçu un entraînement militaire dans sa jeunesse. Il voulait entrer dans l’armée de terre, mais il a abandonné au bout d’un an pour aller faire des études de journalisme. Son aide nous sera précieuse. En plus, cela nous permettra de contrôler tout ce qui sera dit sur cette affaire, car M. Gentil aura l’exclusivité sur cette histoire.”

            Un silence tomba sur le petit groupe. Carlier et Lambruscino commençaient à comprendre le calcul risqué de Leroi. Mathieu rompit le silence.

            “Bon messieurs, si vous voulez bien écouter mon idée, parce que je vous rappelle que toute cette discussion est partie de ça!

            -On vous écoute, dit Leroi en soupirant.

            -Eh bien voilà. Nous sommes à Madère. La population souffre, et elle n’a qu’un espoir: que la dictature cesse. Faisons donc courir la rumeur que Marcovi est mort. Comme cela les gens s’interrogeront, cela créera des troubles, et la garde autour du commissariat principal sera affaiblie. Parce que vraisemblablement, si la rumeur court que Marcovi est mort, la plupart de la population se dirigera vers sa résidence. Eh oui, c’est puissant la désinformation!

            -Très juste, dis Carlier, mais il y a un léger problème! si la foulea une attitude trop agressive, les mercenaires risquent de tirer, et il pourrait y avoir des morts.

            -Non, les madériens ont vu trop d’horreurs. Ils ne feront pas l’erreur d’être violents, ils n’en auront même pas la force! J’ai fait des recherches sur de telles situations avant de venir - et c’est pour cela qu’un journaliste est utile, M. Lambruscino - et ce genre de manifestation est en général joyeuse et pacifique, sans donner lieu à des effusions de sang.”

            Le petit groupe réfléchit un moment. Bien entendu, la tentation était grande car cela créerait une très bonne diversion et leur permettrait d’aller mettre la main sur le trésor sans difficulté. Mais comment être sûr que personne ne périrait? Le pari était risqué, mais la victoire pouvait être belle.

            “Je propose, dit un des soldats, qu’on soit deux à se mêler à la foule, pour la protéger au cas où les gardes auraient envie de tirer. Nous ne pourrons peut-être pas faire grand-chose, mais en cas de souci, nous limiterons les dégâts. C’est une guerre. comme dirait le Président dans Rock : We are at war with terror, and any war means casualties.

            -Un soldat cinéphile, on aura tout vu! s’exclama Carlier.

            -Mais son idée a du mérite”, dit Leroi/

            En effet, l’idée était valable, mais ils seraient du coup plus que 11 à pénétrer dans le commissariat principal. Il faudrait bien que cela suffise.

            “Je valide cette idée, dit Leroi.

            -Approuvé, dit Lambruscino.

            -De même,” dit Carlier.

            Les autres membres du groupe hochèrent la tête, et les se séparèrent en deux groupes pour mener à bien le plan suggéré par Mathieu