Sous le soleil de Madère

Chapitre 2
Le récit de Lambruscino. (29 juillet 2009, 11h à Madère)


« Tout d’abord une petite leçon d’histoire, dit Marc Lambruscino en appuyant ses coudes sur la table, savez-vous à quelle époque Madère a été découverte ?

            -Non, répondit Rémi.

            -Eh bien moi non plus. Mais ce n’est pas ce qui est important. Le plus important est le fait que cette île n’a pas été découverte par les Portugais. De nombreux équipages de bateaux ont fait des escales sur ce petit bout de terre sans savoir ce que c’était. Et en particulier un bateau pirate qui m’a beaucoup intéressé ces derniers temps. Voyez-vous, monsieur Carlier, les Espagnols étaient de grands navigateurs. Christophe Colomb était d’ailleurs espagnol, je ne sais pas si vous le saviez.

-Vous me prenez vraiment pour un idiot.

-Non, je m’assure juste de votre culture. Vous savez, les fonctionnaires de police Français ne sont pas réputés pour leurs traits d’esprit, et vous en fréquentez souvent, cela ne doit pas stimuler vos neurones ! Donc disais-je, au 13ième siècle, un navire espagnol transportant les biens du roi d’Espagne tomba aux mains des pirates près du détroit de Gibraltar. Le navire fut pillé et incendié, ce fut un massacre. Le roi d’Espagne lança donc un avis de recherche dans toute l’Europe contre ces pirates, avec une prime gigantesque pour ceux qui réussiraient à les arrêter et à lui ramener son trésor. Tous les mercenaires d’Europe prirent donc des bateaux et se mirent à traquer les pirates. Ceux-ci ne purent se cacher bien longtemps. Après un an, un bateau de mercenaires arriva à immobiliser ce navire pirate. Ils le fouillèrent de fond en comble, mais ne trouvèrent aucune trace du trésor du roi d’Espagne. Celui-ci entra dans une immense fureur en apprenant cela. Il tortura un à un les pirates pour leur faire dire où était le trésor, mais aucun ne voulut dire quoi que ce soit. Et finalement, il les fit tous tuer et le bateau fut entreposé dans un port, avec les cadavres des pirates accrochés aux voiles, pour servir d’exemple à veux qui essaieraient de s’attaquer au roi d’Espagne. Comme vous le voyez, c’était une époque cruelle.

            -Oui enfin la seule différence c’est que maintenant les criminels se donnent des airs de justiciers, alors qu’ils restent et seront à jamais des criminels. N’essayez pas de vous faire passer pour ce que vous n’êtes pas monsieur Lambruscino.

            -Cela ne me viendrait pas à l’esprit monsieur Carlier. Bref je reprends. Plusieurs siècles plus tard, à la fin du 19ième siècle, un archéologue irlandais retrouva l’épave de ce navire au fond de la Méditerranée. Il en sortit plusieurs cartes et plans, et les entreposa dans un musée à Madrid. Et la légende fut oubliée. Mais en 1996, un riche Allemand fit trouva lors d’une plongée sous-marine un télescope. Et ce télescope avait appartenu aux pirates dont je vous ai parlés. Il reposait avec le bateau. Que feraient des pirates avec un télescope ? C’est la question que je me suis posée.

            -Pourquoi vous seriez-vous posé la question ?

            -Parce que les télescopes étaient les attributs des marines nationales, et que jamais des pirates n’auraient accepté d’en utiliser. Ils n’étaient pas intéressés par ces marchandises, et s’ils s’étaient retrouvés en possession d’un télescope, ils l’auraient immédiatement soit revendu soir cassé, or celui-ci était en parfait état.

            -Bon admettons alors, dit Carlier, mais alors pourquoi me parlez-vous de cela ? Quel rapport cela a-t-il avec vous ?

-J’avais entendu parler de la légende, et cela m’obsédait depuis que j’étais gamin. J’ai vite compris que ce télescope devait être une cachette pour un plan ou une carte menant au trésor. J’ai donc décidé de le voler. C’est cela qui m’intéressait sur le Santa Maria, monsieur Carlier. Et j’avais raison. Je l’ai examiné sous toutes les coutures, et j’ai trouvé un bouton qui ne devait pas y être. Je l’ai pressé, et le télescope s’est ouvert, me révélant un message. Un message avec des coordonnées. J’ai immédiatement pris une carte et j’ai vu que cela correspondait à l’île de Madère. Les pirates avaient caché leur trésor sur cette île. J’ai donc organisé mon casse à la banque de France pour récolter des fonds. Puis j’ai planifié mon expédition. Comme vous voyez, cela m’a pris 9 ans. 9 ans pendant lesquels j’ai étudié des cartes de Madère, pendant lesquels je me suis renseigné sur la physionomie du pays. Puis j’ai pris un bateau pour y aller. Cela m’a pris 1 ans rien que pour faire le voyage. Il fallait absolument que je brouille les pistes. Et j’ai atterri ici il y a un mois. J’ai sur moi les coordonnées du trésor. Ou en tout cas d’un endroit où nous trouverons un indice nous menant au trésor.

            « Mais malheureusement, la vie est cruelle, je me suis fait arrêter de façon très bête par une patrouille de police en exercice dans la montagne où je faisais du camping à un endroit illégal. Ils m’ont emmené au poste pour cela, et ont compris que je valais plus Et maintenant vous voilà, vous allez mettre à l’eau des années de travail, au nom de la prétendue sainte justice. N’avez-vous pas honte, monsieur Carlier ?

            -Le devrais-je ?

            -Je le pense. Voyez-vous, j’ai fourni pour cette quête un vrai travail d’enquêteur. Et vous, pour m’arrêter, vous vous êtes contenté de vous reposer sur les travaux d’autres personnes. Donc dans une société qui valoriserait le travail, vous devriez me laisser partir…

            -Il en est hors de question monsieur Lambruscino. »

            Carlier se leva.

            « Ainsi vous avez peur du tentateur, dit Lambruscino. Vous avez peur de vous laisser convaincre de me laisser m’échapper. Votre droiture vous honore. Mais êtes-vous heureux ?

            -Plus que vous ne le serez en prison, monsieur Lambruscino, » répliqua Carlier.

            Carlier se tourna vers la sortie et il vit Felipe Castro dans l’encadrement de la porte. Celui-ci souriait d’un air menaçant en tenant un révolver dans sa main droite.

            « Et maintenant que nous sommes sûrs de notre coup, dit-il, monsieur Lambruscino va nous mener au trésor du roi d’Espagne… »