Chapitre 4
Première étape (30 juillet 2009, 16h à Madère)
Ils arrivèrent à l’habitation de Castro vers 16h. Ils étaient redescendus de l’autre côté du Pico Grande car la distance à parcourir était moins longue mais la pente plus forte, ce qui expliquait qu’ils n’avaient pas emprunté ce chemin à l’aller. Un homme de Castro les attendait avec un véhicule au bas de la montagne.
Une fois arrivés chez Castro, ils furent raccompagnés à leurs chambres et Castro étudia les coordonnées qui données très simplement sur ce bout de papier. Castro sortit donc une carte de Madère pour trouver l’emplacement du lieu indiqué. Il vit qu’il s’agissait du sommet du Pico Ruivo, la montagne la plus haute de Madère, inaccessible en véhicule. Ils allaient encore devoir faire de la marche ! Castro soupira et lut le mot qui accompagnait les coordonnées.
« Rends-toi à cet endroit à midi précises et marche 300 pas dans la direction opposée à celle du Soleil. »
Encore des énigmes tordues, se dit Castro. Il sortit de la pièce où il se tenait et se retrouva dans la cour de sa villa où il huma l’air du soir. Le soleil commençait à se coucher et une douce humidité régnait dans l’air, rendant la soirée paisible et agréable.
L’homme en complet gris ne devrait pas tarder à arriver, se dit Castro. En effet, il arriva en effet 10 minutes plus tard, au volant de sa Mercedes. Lorsqu’il en descendit, il reboutonna sa veste comme James Bond ne manque jamais de le faire dès qu’il veut se la péter.
« Bienvenue, lui dit Castro.
-Merci, dit l’homme en complet gris qui n’avait que faire d’être bienvenu. Alors, quels progrès ?
-Nous avons des coordonnées pour accéder à un premier indice, lui annonça Castro d’un air jubilant.
-Bien, répondit l’homme impassiblement. Quand vous rendrez vous à l’endroit indiqué ?
-Demain. Nous partirons à l’aube.
-Et où devez-vous aller ?
-Nous devons aller au Pico Ruivo. Nous partirons vers 8h, et nous irons en véhicule jusqu’à 1600m d’altitude, donc nous n’aurons pas beaucoup de marche à faire.
-Vous marcherez ce que vous devez marcher ! Ne vous plaignez pas, au prix où vous êtes payé ! Et le flic ? Il n’a pas causé d’ennuis ?
-Aucun. Mais je le tiens à l’œil. Son dossier est plein d’actes de bravoures. Je pense qu’il attend le bon moment pour nous fausser compagnie. Mais il n’y arrivera jamais. Pas avec moi vivant en tout cas.
-C’est précisément pour cela que nous avons besoin de vous vivant. »
Et l’homme au complet gris remonta dans sa voiture. Le moteur rugit et le véhicule sortit de l’enceinte de la villa.
La voiture descendit la route vers Funchal en roulant à tombeau ouvert et s’arrêta devant une grande maison rose de la banlieue. L’homme en complet gris en sortit et entra dans la bâtisse. Il arriva dans le salon mal éclairé qu’il connaissait si bien. Un vieil homme était assis dans un fauteuil et y fumait la pipe. L’homme au complet gris ne pouvait pas discerner le visage de son interlocuteur car celui-ci était dans l’ombre mais peu lui importait car son employeur payait bien et c’était tout ce qui comptait.
« Alors ? demanda le vieil homme.
-Ca avance, monsieur.
-Ils ont le premier indice ?
-Ils vont le chercher demain.
-Combien de temps avant qu’ils n’arrivent au trésor ?
-Je ne sais pas. Personne n’a aucune idée de combien d’indices les pirates ont semé. A moins peut-être de poser la question à Lambruscino. Je vais demander à Castro de lui poser la question, mais je me permets de douter fortement de sa coopération.
-A propos de Castro, l’éliminer sera-t-il un problème ?
-Absolument pas. Il croit travailler pour un vieil excentrique qui veut s’enrichir un peu plus. Il n’a aucune idée du vrai but de notre organisation. »
Le vieil homme ne répondit rien et tira sur sa pipe pensivement. L’homme au complet gris songea qu’il était temps de se retirer et se dirigea vers la porte. Mais le vieil homme reprit la parole.
« Ne demandez pas à Castro de poser la question à Lambruscino sur le temps que cela prendra. Un vieil excentrique n’est jamais pressé.
-Oui monsieur. »
Et l’homme au complet gris sortit de la pièce. Le vieil homme resta sur son fauteuil et tira une bouffée de sa pipe.
« Parfait, » fit-il.
Il n’y avait vraiment aucun moyen de s’enfuir de la cellule où Carlier était retenu. Il en avait fait plusieurs fois le tour sans trouver de solution. Bien sûr, il pouvait essayer de faire comme James Bond dans Goldfinger et faire du charme au gardien, mais il estimait que les chances de succès étaient très faibles et qu’il aurait de bien meilleures chances s’il essayait de s’échapper lors de ces balades si bucoliques en pleine montagne. Tout cela pour un trésor ! Alors que lui était venu simplement pour transférer un criminel ! Pour que justice soit faite ! Et il se retrouvait dans un pétrin sans nom, lui qui avait toujours fait preuve d’une grande droiture dans sa vie ! Il se dit qu’il allait se plaindre à son chef. Et accessoirement, il allait demander que Castro soit viré. Non mais.
Il entendit le cliquetis maintenant familier de la serrure de sa cellule et Castro fit son entrée.
« Nous partons demain à 8h, dit-il. Vous avez intérêt à vous reposer car si vous traînez en arrière demain, je vous achève.
-Pourquoi faites-vous cela ? demanda Carlier.
-L’argent, voyons ! Je suis payé par un milliardaire excentrique pour rechercher ce trésor. Et j’aurai mon pourcentage dessus.
-Comment êtes-vous sûr que vous ne travaillez pas pour un groupe terroriste ?
-Je n’en sais rien. Mais je m’en fous. Tout ce qui m’intéresse, c’est avoir assez d’argent pour aller passer une retraite paisible en Afrique du Sud.
-Et pourquoi vous être engagé dans la police alors ? »
Castro éclata de rire.
« Parce que je ne sais rien faire de mes dix doigts ! »
Et il sortit de la cellule de Carlier en riant.
Le lendemain, Felipe Castro, Rémi Carlier, Marc Lambruscino et deux gardes de Castro partirent de la villa du commissaire dans le Land Rover vert de celui-ci. Ils arrivèrent au bas du Pico Ruivo une heure plus tard. Ils descendirent du véhicule et Castro fit à ses prisonniers les mêmes recommandations que la veille. Puis ils partirent en suivant la même formation.
A cette heure matinale, ils ne croisèrent aucun touriste sur le chemin menant au sommet. Aucun des protagonistes ne profita du magnifique paysage qui se dévoilait au fur et à mesure qu’ils escaladaient la montagne.
Lorsqu’ils arrivèrent sur la plate-forme de bois délimitée par une barrière qui constituait le belvédère au sommet du Pico Ruivo, il y eut un moment de silence. La vue était admirable. On y voyait tout Madère : ses montagnes, ses plateaux, ses déserts, et la mer bleu azur à perte de vue. Castro sortit le papier qu’ils avaient découvert la veille.
« Rends-toi à cet endroit à midi précises et marche 300 pas dans la direction opposée à celle du Soleil », lut-il.
« Bien, dit-il, nous n’allons pas attendre midi. Tout le monde sait qu’à midi, le soleil est au sud. Donc il faut faire 300 pas vers le nord. »
Il enjamba la rambarde de bois et fit signe aux autres de le suivre. Ceux-ci s’exécutèrent, conservant la configuration qu’ils avaient adoptée jusque-là. Castro se fraya un chemin parmi la basse végétation de ce sommet et compta ses pas. Arrivé à 300, il s’arrêta et regarda autour de lui. La végétation dense ne lui laissait pas beaucoup de visibilité. Mais il sentait qu’il n’était pas loin. Il appela Lambruscino et celui-ci arriva à son niveau.
« A votre avis, demanda Castro, que cherchons-nous ?
-Alors comme ça, vous vous rendez compte que je suis indispensable pour votre chasse au trésor, dit Lambruscino. Je vous l’avais dit.
-Peut-être bien, dit Castro en sortant son revolver et en le pointant sur Lambruscino, mais si vous m’énervez encore, je me résignerai à continuer seul.
-Inutile de vous énerver, dit Lambruscino avec un ricanement dédaigneux, je ne sais pas ce que nous cherchons, mais je vais trouver. Tout simplement parce que je suis vraiment plus malin que vous. »
Il regarda attentivement autour de lui. Puis il poussa Castro et s’accroupit là où il se trouvait. Il brossa la terre de sa main et la renifla. Puis il se releva et observa le sol. Il avança d’un pas et prit une poignée de terre.
« Vous voyez, dit Lambruscino, la terre ici n’est pas la même que celle à l’endroit où monsieur Castro se tenait. Celle où il se tenait est plus molle, plus friable. Elle a donc été remplacée car il y a quelque chose en dessous. Donc il faut creuser. Avez-vous une pelle, monsieur Castro ? »
Castro se tourna vers un de ses hommes et aboya un ordre. Celui-ci ouvrit son sac et en sortit deux pelles pliantes. Il en prit une et en donna une à l’autre homme. Castro fit signe à Carlier et à Lambruscino de s’asseoir par terre et de ne pas bouger.
« Contrairement au film Le Bon, la Brute et le Truand, dit Carlier, le monde ne se divise pas en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent, mais en trois : ceux qui ont un pistolet chargé, ceux qui creusent et ceux qui regardent faire.
-Contrairement à ce que dit Claude Rich dans le film Les Tontons flingueurs, dit Lambruscino, ce n’est pas vos opinions sur la musique moderne, mais vos opinions sur la situation actuelle que je vous recommande de n’user qu’en suppositoire. »
Castro leur intima de se taire, sous peine de se prendre chacun une balle dans le nez. Ils s’exécutèrent sans mot piper.
Les deux hommes de Castro creusèrent pendant une heure lorsqu’ils entendirent un clang retentissant. La pelle d’un des deux hommes avait heurté quelque chose. Les deux hommes s‘immobilisèrent et Castro leur fit signe de dégager délicatement ce qu’ils avaient heurté. Ils s’exécutèrent et ils dégagèrent une sorte de crochet. L’un des hommes tira de toutes ses forces dessus, et cela enclencha visiblement un mécanisme qui ouvrit un panneau quelques pas plus loin. Le panneau cachait une grotte creusée dans la montagne. Castro esquissa un sourire.
« Messieurs, dit-il, à vos lampes de poche. »