Il était une fois en France – Livre 3 : au service de la nation (Aout – septembre 2006)

Chapitre 17
Valérie Argentcentime


            Valérie Argentcentime soupira en sortant du RER à la station Robinson. La journée avait été longue. Il était 22h et elle était arrivée au bureau à 6h. Cette histoire de Rousseau rendait tout le monde fou au ministère. Et maintenant, il y avait des rumeurs sur sa mort. Donc certains gradés ordonnaient de relâcher les recherches, et d’autres ordonnaient le contraire. Le résultat était que rien ne se passait et que les recherches étaient suspendues. Les douanes avaient à peine été briefées qu’on leur avait indiqué que c’était une fausse alerte. Bref, le chaos régnait sur un pays dont on ne savait plus s’il était menacé ou non. Et le travail de Valérie au milieu de tout cela était de taper les lettres d’ordre et de contrordre, sachant qu’une fois qu’elle avait expédié l’ordre, le contrordre arrivait. Et cela doublait son travail. Ses supérieurs ne savaient plus quoi faire tant Rousseau et ses amis étaient mobiles et débrouillards. Et cela la fatiguait. Enfin, une bonne soirée de pause et un bon dimanche la remettraient en selle. A moins que Pi ne lui demande de venir le lendemain. Il lui avait déjà pris son samedi de cette façon. Il n’y avait aucune raison qu’il ne recommence pas.

            Valérie Argentcentime sortit les clés de son appartement. Elle composa le code et monta au troisième étage. Elle préférait prendre l’escalier en général car cela lui faisait de l’exercice. Mais ce soir-là, la fatigue était trop grande. Elle prit donc l’ascenseur. Cet ascenseur était lent, mais cela lui éviterait toutefois la fatigue des escaliers. Il s’arrêta au troisième étage et la porte s’ouvrit. Valérie releva les yeux et étouffa un cri.

            « Ne criez pas, dit Xavier. Je suis Xavier Guislain. »

            Ils étaient tous les cinq sur le palier, en train de l’attendre. Il n’y avait qu’un appartement par étage dans ce petit immeuble, donc ils s’étaient tous cachés dans un recoin d’où on était visible de l’ascenseur, mais pas de la cage d’escalier. Ils attendaient depuis une heure ainsi, et commençaient à désespérer.

            Mais il fallait maintenant empêcher Valérie de crier et la convaincre qu’ils n’étaient pas des criminels. Xavier brandit la carte qu’elle lui avait donnée quelques mois auparavant.

            « Vous m’avez dit de venir vous voir en cas de problème, dit-il.

            -Mais vous êtes Jean Rousseau, dit-elle.

            -Non, je suis Xavier. Posez-moi une question. »

            Valérie réfléchit. Elle pouvait crier. Mais ce gamin avait les accents de la vérité. Elle décida de lui donner une chance.

            « Qu’est-ce qui a décidé le ministre à vous donner l’affaire lorsque vous avez voulu vous occuper de l’évasion de Dugas ? demanda-t-elle.

            -Je lui ai dit que ma famille avait beaucoup fait pour la France, que je ne pouvais pas laisser une jeune fille innocente aller en prison et que de toute façon, je serais impliqué. »

            Il regarda Valérie. Elle le dévisagea. Le jeune homme avait une convaincante franchise dans le regard. Et il avait sa carte. Elle ne l’avait donnée qu’à deux personnes : le ministre et Guislain. Elle décida de se fier à son instinct.

            « Entrez, » dit-elle en ouvrant la porte.

            Les cinq jeunes suivirent Valérie dans un petit vestibule, puis elle les conduisit au salon. Elle les invita à s’asseoir pendant qu’elle allait déposer ses affaires dans sa chambre. Puis elle revint.

            « Maintenant, dit-elle en se tournant vers Xavier, vous devez me convaincre que vous êtes bien Guislain, et vous devez me dire pourquoi vous êtes venu chez moi.

            -Pour cela, répondit Xavier, il faut remonter en Bretagne, il y a plus d’une semaine. »

            Et il lui raconta tout. Leur fuite en Angleterre, l’intervention de Jack, leur deuxième fuite, leur retour en France et leurs soupçons qui pesaient sur Pi.

            « Et la meilleure preuve que l’on peut vous donner que ce garçon est bien Xavier, intervint Sylvie, est que moi, sa sœur, je suis ici. Et je ne suis pas prisonnière.

            -Pourquoi Jeanne a-t-elle reconnu Rousseau comme étant vous alors ? demanda Valérie.

            -On ne sait pas, intervint Eva. Ca fait partie des mystères qu’on doit résoudre. Mais l’hypothèse la plus plausible est qu’elle est menacée. On fait pression sur elle. Probablement Pi. Ou alors Rousseau joue son rôle à merveille.

            -Personne ne peut imiter une personnalité aussi compliquée que la mienne, intervint Xavier, il faut un don pour cela. »

            Les jeunes éclatèrent de rire à cette saillie. Valérie regarda sa montre : il était 2h du matin. Elle était vraiment fatiguée.

            « Ce que je vous propose, dit-elle, c’est que vous dormiez tous ici. Normalement, je ne travaille pas demain. Vous en profiterez pour me dire ce que vous attendez de moi. Et comment on va empêchez cet attentat.

            -Merci Valérie, dit Xavier. Je n’oublierai jamais cela.

            -Vous dormirez tous dans le salon, dit-elle. Je vais vous apporter des matelas et des draps.

            -Je vais vous aider, » dit Quentin en se précipitant à sa suite.

            Xavier avait remarqué l’œil plein d’intérêt avec lequel son ami regardait la jeune secrétaire. Il sourit. Le côté séducteur de Quentin l’avait toujours amusé. Mais ce n’était peut-être pas le moment de jouer au Dom Juan dans des circonstances pareilles. Eva se glissa près de lui.

            « Si elle te dévore encore des yeux, lui dit-elle à l’oreille, je les lui arrache. »

            Xavier sourit. Il voyait enfin un possible retour à la normale. A la jalousie maladive de sa copine. Il embrassa Eva sur la joue et s’allongea sur le canapé.

***

Pi ne parvenait pas à dormir. Son contact n’avait pas donné de nouvelles depuis plus de 24h. Et les informations n’avaient rien signalé. Il avait sûrement échoué. Et dire que les frontières avaient mis un temps infini à se bloquer ! Les gamins étaient sûrement déjà en France. Et ils savaient qu’il était un traître. Il fallait donc qu’ils ne parlent à personne. Il fallait renforcer le dispositif de sécurité. Il composa un numéro sur le téléphone posé sur sa table de chevet.

            « Valérie Argentcentime.

            -Pi à l’appareil, dit-il. J’aurai besoin de vous demain. Venez au ministère.

            -Je peux ne venir que l’après-midi ? Je suis crevée.

            -Bien. Mais soyez là à 13h. »

            Et il raccrocha. C’est vrai qu’il avait beaucoup utilisé cette secrétaire cette semaine, mais la situation était compliquée et demandait que toutes les forces soient rassemblées. Pour qu’il puisse enfin venger sa femme. Il décrocha son téléphone pour convoquer d’autres agents le lendemain.

***

Valérie se réveilla vers 8h du matin ce dimanche. Elle se leva en silence et se dirigea vers la salle de bain. Elle en sortit vers 8h30, propre et fraîche. Elle alla dans la cuisine. Elle savait qu’il n’y avait pas grand-chose dans ses placards, mais il faudrait bien que cela suffise. Des coups légers à la porte la firent se retourner. C’était Quentin.

            « Bonjour, chuchota-t-il.

            -Bonjour, répondit-elle. Bien dormi ?

            -Vous n’imaginez pas à quel point. Ca faisait longtemps que je n’avais pas dormi sur un matelas. Alors même un pneumatique, ça m’allait très bien. Vous savez que vous prenez des risques en nous abritant ?

            -Oui, je sais. Mais vous êtes innocents. Et visiblement un gros truc se prépare. On doit empêcher cela.

            -C’est vrai. En tout cas cette histoire aura eu au moins une répercussion positive.

            -Laquelle ?

            -Nous nous sommes rencontrés. »

            Valérie regarda Quentin d’un air intrigué. Il n’avait pas l’air de plaisanter. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais elle fut interrompue par l’intervention de Xavier.

            « Bonjour tout le monde, dit-il. Quentin, réveille les autres, on fait le point dans une heure dans le salon. »

            Celui-ci s’exécuta et après un petit déjeuner frugal, les six habitants de l’appartement se retrouvèrent dans le salon.

            « Mademoiselle Argentcentime, dit Xavier, nous allons avoir besoin de vous. La remise de légion d’honneur à mon sosie a lieu après-demain. Savez-vous à quelle heure est la cérémonie ?

            -14h, répondit Valérie.

            -Où ?

            -A l’Elysée.

            -Qui sera chargé de la sécurité ?

            -Pi.

            -C’est pas bon ça. Qui sera là ?

            -Le Président, son épouse, quelques généraux, votre sœur Jeanne, Pi et ses hommes.

            -Pas de journalistes ?

            -Deux. Pour TF1.

            -Bien. Alors cet après-midi, quand vous irez travailler, j’ai besoin que vous vous procuriez les plans de l’Elysée, ainsi que le déploiement des troupes de sécurité. J’aurai aussi besoin du programme de déroulement de la cérémonie.

            -Je vous aurai ça.

            -Pouvez-vous vous arranger pour aller à la cérémonie ? Ca nous simplifierait les choses.

            -Oui, c’est moi qui envoie les cartons. Je peux en garder un pour moi. Et me rajouter sur la liste. C’est facile.

            -Faites-le alors. Une fois que nous aurons tout cela, on pourra décider de comment intervenir.

            -Attendez, vous voulez intervenir pendant la cérémonie ?

            -Oui. Ma maison est trop gardée pour y intervenir je pense. Et comme ça on les prendra la main dans le sac. Mais on n’a pas le droit à l’erreur. Autre chose : ne dites rien à personne. Ne faites confiance à personne. Pi n’est peut-être pas la seule personne impliquée dans cette affaire. A mon avis, ça va chercher plus loin. Mais je ne sais pas où. Mais notre premier objectif n’est pas de démasquer tout le monde, c’est d’éviter cet attentat. Entendu ?

            -Bien, dit Valérie. Vous savez que je risque de perdre mon poste si l’on s’aperçoit que j’ai eu accès aux plans de déploiement des troupes.

            -Dans 72h, c’est à vous que l’on remettra une médaille si nous réussissons. Et si nous échouons et qu’ils découvrent que vous nous avez aidés, ils vous tueront. Ils ont fait cela avec l’inspecteur Gar déjà. Ils tuent tous ceux qui savent la vérité ou qui auraient pu la savoir en entrant en contact avec nous. Ces mecs sont déterminés. »

            Xavier s’assit. Les autres restèrent silencieux. Valérie regarda sa montre : il était 10h. Elle se leva.

            « Je vais me préparer, dit-elle. Je rentrerai sûrement tard ce soir. Mais je ferai des courses. Surtout ne sortez pas et restez silencieux. Personne ne doit savoir que vous êtes ici. »

            Elle sortit du salon, enfila une veste grise et prit son sac à main. Elle fit un signe de la main aux jeunes et sortit de l’appartement.

            « Quelle fille épatante, » s’exclama Quentin.




Il était une fois en France – Annexes


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