Xavier était heureux. Allongé sur la plage, il regardait autour de lui avec un sourire satisfait. Le temps était magnifique (ce qui est rare en Bretagne) et le séjour se passait à merveille. Ils étaient à Pont-Aven, au sud de la Bretagne.

            Après avoir arrêté Dugas et s’être réconcilié avec Eva, Xavier avait proposé ce voyage en Bretagne à Eva, Olivier et Quentin. Xavier venait juste d’avoir son permis, donc il avait embarqué les trois jeunes gens, les deux tentes et les valises dans la petite Clio de ses parents et ils étaient partis fin juillet. Le séjour avait été idyllique. Ils allaient de camping en camping, se levaient quand ils voulaient, ne prévoyaient rien plus loin que la veille pour le lendemain, mangeaient dans d’excellents restaurants et se réjouissaient d’être en vie et entre amis.

            Ils étaient partis de Paris quelques jours avant. Ils avaient passé leur première nuit en hôtel à Rennes, puis ils étaient montés vers St Malo où ils avaient passé la deuxième nuit et visité la magnifique ville médiévale. Puis Olivier avait manifesté son désir d’aller à Brest, donc ils avaient parcouru la longue distance qui les séparait de la pointe bretonne et avaient dormi à Brest pendant deux nuits. Ils avaient ensuite pris la direction de Quimper où ils avaient campé. Puis ils étaient arrivés à leur camping de Pont-Aven la veille.

 Le bonheur de Xavier était encore renforcé par le fait qu’il allait recevoir la Légion d’Honneur en septembre. Il allait rencontrer le Président de la République ! Xavier n’en revenait toujours pas. Et Eva se demandait toujours quelle robe elle allait mettre ce jour-là. La réflexion sur ce grave sujet occupait tous ses temps libres.

            Xavier sourit en pensant au désarroi d’Eva. Il regarda vers la mer. Eva et Olivier essayaient de noyer Quentin, mais celui-ci se dégageait avec beaucoup d’agilité. Les enfants sont gentils, se dit Xavier. Puis son sourire s’évanouit quand il pensa qu’il devrait appeler ses parents le lendemain pour leur demander s’ils auraient l’amabilité de lui virer de l’argent sur son compte. Ils avaient intérêt à le faire d’ailleurs, pensa-t-il. Eva sortit de l’eau et vint s’allonger à côté de lui.

            « Tu viens pas te baigner ? demanda-t-elle.

-Non, j’ai pas très envie, répondit-il.

            -Allez Xav’ ! Viens te baigner avec nous !

            -Non j’ai… ééééééééhhhhhhh !! »

            Eva s’était relevée et le traînait par la jambe vers la mer. Elle riait et Xavier riait avec elle. Quentin et Olivier vinrent en aide à Eva et le tout dégénéra en bataille de sable. Les autres touristes fuirent la plage en voyant ces sauvages s’agiter ainsi.

Ce soir-là, les quatre amis allèrent manger dans une petite crêperie à Concarneau, qui était facilement accessible en voiture. Ils discutèrent avec animation toute la soirée.

            « Au fait, dit Eva à un moment, comment va Sylvie ?

            -Bien, répondit Xavier, elle est à Londres là pour un stage. J’espère que ça lui plaira.

            -Elle s’est remise de ses émotions ? demanda Olivier.

            -Oui, elle va bien. »

            Xavier savait qu’Olivier avait toujours eu un faible pour sa sœur, et il n’y voyait aucun inconvénient. Il se demandait juste quand son ami se déciderait à passer à l’attaque.

            « Elle a trouvé une pharmacie sur Oxford Street, continua Xavier, qui a accepté de la prendre en stage pour l’été. C’est toujours bien vu de faire un stage à l’étranger.

            -Elle est forte en anglais ? demanda Quentin.

            -Pas du tout, répondit Xavier, elle va galérer. Mais mes parents ont beaucoup insisté.

            -Ils sont plus souvent chez toi maintenant ? demanda Olivier.

            -Oui, c’est mieux. Ils sont dans l’administration maintenant. Ils ont compris qu’avoir une famille et travailler dans les services actifs, ça n’allait pas bien ensemble. Ils ont donc demandé à être mutés. Et maintenant que ton père est sous les barreaux, Eva, on n’a plus rien à craindre. On est tous redevenus des citoyens normaux. Et en plus, j’ai réussi à avoir mon bac au milieu de toutes ces émotions !

            -Moi aussi, dit Olivier.

            -Et moi donc, renchérit Quentin.

            -Et d’ailleurs les mecs, c’est pas pour dire, mais on aurait eu vachement plus de mérite à faire le tour de la Bretagne à vélo, dit Xavier.

            -Oui, toi sur le vélo et nous trois sur le side-car. »

            Et ils partirent d’un grand éclat de rire. Xavier se sentait vraiment revivre pendant ce séjour.

« En tout cas les mecs, dit Xavier, je voulais profiter de cette soirée pour m’excuser de vous avoir entraîné dans des galères quand on était dans le Jura ou au parc de Sceaux pour Quentin. Et je voulais vous promettre que ça n’arrivera plus et que si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis là.

-J’ai besoin du sel là à l’instant, fit Quentin en riant.

-Mais sérieusement, dit Olivier, on s’est bien marrés pendant le voyage à vélo. Et si c’était à refaire, je le referai. T’as pas à t’en vouloir.

-Merci Olivier.

-Ceci dit, continua Olivier, si ça venait à se reproduire, il va de soi qu’il n’y aurait nul endroit sur cette terre où tu pourrais te cacher de moi ! »

Et il explosa de rire. Xavier sourit à moitié car il savait qu’il y avait quand même une part de vérité dans ce que son ami disait. L’aventure du Jura les avait changés. Et celle du parc de Sceaux avait traumatisé Quentin. Ils finirent le repas dans la bonne humeur, payèrent et reprirent la voiture vers le camping. Une fois arrivés là-bas, ils allèrent chacun dans leur tente (Xavier avec Eva et Quentin avec Olivier). Xavier s’allongea sur son matelas et vit que Sylvie avait tenté de le joindre. Je la rappellerai demain, pensa-t-il. Il était fatigué de sa journée. C’est crevant de ne rien faire, se dit-il. Il entendit les rires de Quentin et Olivier dans l’autre tente. Ils devaient parler de filles…