Chapitre 4
Jean Rousseau
Jean Rousseau se tenait appuyé sur le rebord de fenêtre chez Xavier. Il était content. Le plan marchait bien jusque là. Il se rappelait comment il avait réussi à convaincre les autorités que Riaz, Durand et Eva étaient de dangereux criminels :
« Je me rendais en Bretagne, avait-il raconté aux autorités, avec ceux que je croyais mes amis. C’était juste après l’évasion de Rousseau. Mais je ne le savais pas. A la première halte qu’on a fait, mes trois « amis » m’ont sauté dessus, ligoté et mis dans le coffre. Puis ils ont repris la route. Quand la voiture s’est arrêtée et qu’ils ont ouvert le coffre, j’ai vu que Jean Rousseau était là. Ils m’ont laissé ensuite ligoté dans la forêt et sont repartis je ne sais où. Je serais mort à l’heure qu’il est sans l’intervention d’une jeune demoiselle qui se promenait. Elle m’a libéré et m’a recueilli quelques jours chez elle. Je suis ensuite rentré à Paris en train et je vous ai contactés. »
Et la police l’avait cru. Cela concordait avec les dates de départ des jeunes gens données par Jeanne Guislain. Et en plus, celle-ci l’avait reconnu comme étant son frère. La police n’avait pas besoin de plus de preuves.
Et maintenant, sa sécurité était garantie, tout le monde le prenait pour Xavier Guislain, et la police était à la recherche des quatre jeunes pour les mettre en prison à vie. L’opinion publique était remontée contre eux et leur voiture était grillée. Ils n’iraient pas bien loin. Et si tout cela n’allait pas assez vite, l’organisation lancerait Jack à leurs trousses. Et là ils mourraient.
Il repensa à son évasion. Pi avait tout organisé. Il avait organisé le transfert de Jean et Jack la veille du départ de Xavier pour la Bretagne. Il avait fait attaquer le convoi qui transportait Jean et Jack par des hommes à lui et les avait libérés. Il s’était arrangé pour que la nouvelle ne soit pas ébruitée avant que Xavier ne parte pour la Bretagne. De cette manière, l’histoire de Jean Rousseau était tout à fait cohérente avec la date du départ de Xavier.
Son téléphone sonna. C’était Pi.
« Vous les avez trouvés ? demanda Jean Rousseau.
-Non. Ils ont quitté la Bretagne visiblement. On a trouvé la voiture près du Mont Saint Michel cette nuit, donc des recherches commenceront demain matin.
-Vous pensez qu’ils vont faire quoi ?
-Quoi qu’ils fassent, ils n’échapperont pas à la police, répondit Pi.
-Vous ne voulez pas mettre Jack dans le circuit.
-Pas encore. C’est notre Joker. Ne le grillons pas tout de suite. De toute façon, ils n’iront pas loin. Même s’ils ont marché toute la nuit, ils ne doivent pas être loin de là où est la voiture. Et ils se fatigueront vite.
-Parfait. Autre chose ?
-Oui. Vous devez dire à votre « sœur » qu’elle doit appeler Sylvie Guislain pour lui dire que si quelqu’un prend contact avec elle, ça ne sera pas Xavier. Ca m’étonnerait qu’il arrive à quitter le pays. Mais s’il y arrive, il ne doit pas trouver de refuge chez sa sœur. C’est clair ?
-Je m’en occupe. Elle ne se doute vraiment de rien. Et je n’ai plus qu’un mois à tenir dans la peau de ce personnage. »
Eva dormit très mal cette nuit-là et elle fut soulagée de faire son quart avec Olivier, car elle pouvait parler d’autre chose que de la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient. Olivier avait un don naturel pour dédramatiser les situations les plus sérieuses. Eva appréciait cela. Ils passèrent dons leur tour de garde dans la bonne humeur. Ils virent plusieurs voitures de police passer au loin sur la route. Un lourd silence tombait sur le campement après chaque passage.
Ils réveillèrent les deux autres vers 5h du matin. Ils replièrent la tente et avancèrent vers le nord, en restant dans la forêt, à une distance raisonnable de la route, pour ne pas être aperçus par la police. Le problème de l’achat des vélos allait se poser. Ils avaient à eux quatre 500 euros en liquide. C’était assez pour acheter 4 vélos d’occasion. Mais Xavier avait réfléchi et il avait décidé que Quentin ne pouvait pas se risquer à aller seul les acheter.
Ils parcoururent 20 kilomètres le matin. Ils s’arrêtèrent à midi pour grignoter ce qu’ils avaient emmené. Ils n’avaient pas pris de petit déjeuner et commençaient à se sentir faibles. Ils n’avaient pas assez de nourriture pour quatre personnes pendant 4 jours. Ils devaient donc arriver à Londres en trois jours. Sachant qu’il leur fallait deux jours pour arriver au Havre s’ils avaient des vélos. Ils reprirent la route vers 13h et arrivèrent près d’un village une heure après. Xavier consulta les autres.
« Bon, dit-il, il nous faut absolument un véhicule pour aller au Havre. L’auto-stop est exclu. Voler une voiture est exclu. Voler des vélos est exclu également. En acheter est dangereux. J’attends vos suggestions.
-On en achète, dit Olivier.
-Mais Xav’ a dit que c’était pas une bonne idée, répliqua Eva.
-Vous m’avez mal compris, continua Olivier. On demande à quelqu’un de faire la commission pour nous. C’est un petit village. Les jeunes enfants circulent plus ou moins librement. On en avise un et on lui demande d’acheter un vélo. Et on fait ça avec quatre jeunes gamins. Les gens auront pas trop de soupçons, et les gamins seront ravis de gagner quelques sous.
-Ca peut marcher, dit Xavier.
-De toute façon, on n’a pas vraiment de choix, dit Quentin.
-On attend le premier gamin alors, » dit Xavier.
Au bout de 30 minutes, un jeune garçon d’une dizaine d’années passa devant la clairière où ils se trouvaient. Quentin en sortit. C’était lui qui avait le meilleur contact avec les enfants.
« Petit ?
-Oui m’sieur.
-J’ai un ami qui est blessé là dans la forêt et je peux pas l’abandonner. Il est tombé à vélo et il est inanimé. Je pense que ça ira, mais j’ai besoin d’un nouveau vélo pour lui car on veut rentrer vite fait une fois qu’il sera réveillé. Et d’un pour moi aussi par la même occasion parce qu’on s’est rentré dedans. Je te donne 200€, et j’aurais besoin que tu ailles m’acheter les deux premiers vélos que tu trouveras. C’est possible ?
-Avec plaisir m’sieur.
-Et tu garderas la monnaie, ok ?
-Merci m’sieur. »
Et il fila.
Il revint une demi-heure plus tard avec deux vieux VTT qui avaient l’air de rouler correctement. Il s’enquit de l’ « ami » de Quentin. Celui-ci lui assura qu’il s’était réveillé et qu’il se sentait mieux. Il remercia le garçon qui repartit.
Deux heures après, un autre garçon de 7 ans passa. Quentin lui servit le même scénario et obtint le même résultat. Les jeunes gens avaient maintenant quatre vélos. Mais il ne leur restait que 100€.
Il était 18h. Les quatre amis mangèrent sur le pouce. Ils avaient décidé que, vu qu’ils devaient prendre les routes, ils voyageraient de nuit. Ils partirent vers 20h et roulèrent quasiment sans halte jusqu’à 5h du matin. Ils roulèrent sans lumière et dès qu’ils apercevaient une voiture, ils se jetaient dans le fossé. Ils s’arrêtèrent à 5h, épuisés, et montèrent la tente au cœur d’une forêt. Xavier et Eva prirent le premier tour de garde. Olivier et Quentin s’effondrèrent tout habillés. Les deux autres parlèrent pour rester éveillés.
« On a parcouru 130 kilomètres, dit Xavier. Il nous en reste moins de 100 à parcourir. Mais on va se reposer toute la journée. Sinon on va jamais tenir à ce rythme. Tu tiens le coup toi ?
-C’est dur, murmura Eva.
-Je sais. Mais on n’a pas le choix. Si tu te rends à la police, tu vas directement en prison. Et en prison, tu ne serais pas en sécurité car Jack pourrait t’y atteindre. Je suis persuadé qu’il y a encore une taupe au ministère. Quel bordel là-dedans ! C’est pas croyable !
-Xav’. Arrête de penser à ce qui n’a pas été. Essaye de comprendre les raisons. J’ai réfléchi toute la nuit à vélo. Et je ne trouve pas. Il n’y a pas de raison logique. Ou alors c’est tellement gros qu’il nous faut une vus d’ensemble à laquelle on n’a pas accès.
-Je sais pas. Et en plus, il y a plus grave. Jeanne dit qu’elle a reconnu Rousseau comme étant moi. Mais c’est ma sœur, c’est pas possible. Elle doit donc être menacée quelque part. On doit donc l’aider aussi.
-Mais tu ne crois pas qu’on prend un risque en allant à Londres ?
-Pas autant qu’en restant en France, Eva.
-Mais comment on prendra le ferry ? On n’a pas l’argent, et il y a des contrôles d’identité.
-On sera des passagers clandestins alors. Il faudra trouver un plan. Et on ne pourra pas compter sur des enfants cette fois. »
Xavier soupira et sortit deux barres de céréales. Il en donna une à Eva.
« Il en reste que deux autres, dit-il. C’est pour Olivier et Quentin. Et après on n’a plus rien à manger… »
En effet, pour surmonter l’effort qu’ils avaient fait la nuit précédente, ils avaient beaucoup mangé en chemin. Il ne leur restait donc presque rien.
Il était une fois en France – Annexes