Il était une fois en France – Livre 3 : au service de la nation (Aout – septembre 2006)

Chapitre 21
Jeanne Guislain


            Xavier regarda sa sœur d’un air abasourdi. Il s’était attendu à une traîtrise de quelqu’un de proche de lui, mais pas de sa propre sœur. Pourquoi donc avait-elle fait cela ? Cela n’avait aucun sens. Mais d’un autre côté, cela expliquait qu’elle ait reconnu Jean Rousseau comme étant son frère. Mais pourquoi ?

            « Ferme ta bouche, ton nez va tomber dedans, » lui dit Jeanne.

            Elle fit un signe de tête à Pi qui alla fermer la porte à clé. Puis elle invita de son revolver ses prisonniers à s’asseoir. Puis elle prit la parole.

            « Bien, dit-elle, avant de vous tuer, une petite explication s’impose. Tout d’abord la mise en scène : je vais tuer le Président avec le pistolet de Xavier- que l’on fera passer pour Jean Rousseau- puis je tuerai Xavier avec le flingue de Jean, et celui-ci passera pour le héros, et sera l’emblème de notre gouvernement de crise, gouvernement qui durera plus longtemps que prévu évidemment. Juste le temps pour mettre nos idées en place et nettoyer ce pays de toute la crasse qui l’inonde depuis trop longtemps. Le débarrasser de toute cette corruption, de ce système injuste et grossier. Puis nous nous étendrons par la guerre aux autres pays. Nous allons sauver la France, mes amis. »

            Xavier n’en revenait pas. Ce discours n’avait aucun sens. Des millions d’innocents allaient pâtir de ce régime. La France allait sombrer. Elle ne tiendrait jamais une guerre.

            « Mais pourquoi tu fais ça ? demanda Xavier. Tu es ma sœur. »

            Jeanne sourit cruellement et se rapprocha de Xavier.

            « Non, Xav’. Il faut que tu le saches. Je n’ai jamais été ta sœur. Je vais te raconter une histoire. Une histoire qui te fera mieux comprendre la situation actuelle et te fera constater à quel point tu as été aveugle pendant tout ce temps. Un jour, une jeune secrétaire des services secrets, blonde, gentille, charmante, eut le malheur de tomber amoureuse d’un criminel qu’elle interrogeait. Il s’agissait de Jack. Et la femme était Françoise Bernard. Une fois celui-ci relâché, ils se virent de plus en plus, toujours en cachette. Françoise ne voulait pas que cela se sache. Mais un jour, elle tomba enceinte. Jack qui, malgré tout, était un homme de principe, refusa qu’elle se fasse avorter. Elle alla donc voir la seule personne au monde en qui elle avait confiance : ta mère, Xavier. Par chance, celle-ci était aussi enceinte à l’époque et conseilla donc à Françoise de prendre un congé maladie, le temps d’accoucher, puis lui dit qu’elle s’arrangerait pour faire croire que le bébé était le jumeau du sien. C’était faisable. Ton père était d’accord. Neuf mois après, son bébé naquit. C’était moi. Et celui de ta maman était mort-né. Donc elle n’eut même pas à faire le mensonge du jumelage. Et elle m’adopta comme sa fille. Mais Françoise Bernard continuait à voir Jack et en était de plus en amoureuse.  Et je crois qu’elle l’a aimé jusqu’à ce que tu la tues, Xavier. »

            Elle s’interrompit et s’assit au bureau du Président, les yeux fixés sur ses prisonniers. Sylvie et Xavier n’en croyaient pas leurs yeux. Valérie avait les yeux pleins de larmes et regardait le corps de Quentin. Eva et le Président avaient un regard de totale incompréhension face à la folie de cette femme. Jeanne reprit la parole.

            « Ta mère a été bonne avec moi, Xavier. Elle m’a considéré comme sa fille. Mais elle ne m’a jamais dit la vérité. Et je lui en ai toujours voulu pour cela. Enfin toujours est-il qu’un jour, j’avais 16 ans, je revenais de l’école, et une dame m’aborde, me demande si je suis bien Jeanne Guislain, je réponds oui, etc… Et finalement, elle m’invite au resto, et on passe une très bonne soirée. Et elle finit par m’annoncer qu’elle est ma mère. J’ai donc mené ma petite enquête, et je suis allée vérifier dans les archives de l’hôpital où les deux femmes avaient accouché. Et j’ai découvert la vérité. Je l’ai donc recontactée, et elle m’a présenté mon père. J’ai passé de longs moments avec lui, à discuter, etc… Il était dégoûté par notre société, et jouait un rôle de révolutionnaire à sa façon. Il m’a entièrement convaincue. Et quand j’ai eu 18 ans, j’ai eu l’idée d’un plan fabuleux pour mettre en place les idées de mon père. Un plan infaillible, avec des solutions de rechange à chaque fois. La première étape a été de recruter, par l’intermédiaire de mon père, Francis Dugas et ses hommes, pour s’en servir comme appâts. Puis ma mère a fait en sorte d’être suspectée de traîtrise. Tes parents ont réagi et ont essayé de prouver sa culpabilité. J’ai donc renseigné Dugas pour qu’il les prenne en otage et pour que toi, tu te fasses engager aux services. Entre-temps, j’avais demandé à ma mère de proposer quelque chose dans ce sens une fois que tes parents auraient disparu. »

            Xavier eut un choc. Ainsi, il avait été pris aux services secrets parce que des criminels le voulaient ? Mais dans quel but ? Jeanne lut l’interrogation dans son regard.

            « Patience, Xav’. Donc tu as été engagé aux services secrets, et nous avons mis en place le trafic à la frontière suisse. Puis je me suis arrangée pour que ça atteigne mamie, histoire que tu te sentes concerné et que tu demandes l’affaire. Ca a marché impeccablement. Pour que mon plan marche, il fallait que tu deviennes un héros rapidement. Donc tu as arrêté ce trafic. Mais le Président ne pouvait pas te décorer. Tu n’en avais pas fait assez. C’est alors que j’ai fait intervenir mon plan B. Ta rencontre avec Eva n’était pas fortuite. Je savais qui elle était. Je t’ai donc incité à sortir avec elle, et heureusement, tu en es tombé amoureux. Donc une fois que tu as coincé son père, je me suis arrangée pour que Sylvie lui dise la vérité, et puis j’ai incité Eva à faire évader son père. Tu as encore une fois géré la situation. Et là ils ont eu l’idée de te donner la légion d’honneur. Il ne me restait plus qu’à te supprimer, à te remplacer par Rousseau. Le meurtre d’un Président par un héros national aurait suffisamment ébranlé la nation pour lui faire accepter n’importe quel régime. Les idées de mon père auraient prospéré. Mais comme je te l’ai dit, il n’est pas trop tard. »

            Le large sourire cruel qui s’étendait sur son visage se déforma en une grimace.

            « Sache en tout cas, Xavier, que je n’avais pas l’intention de te supprimer au début. Mais tu as tué ma mère. Et mon père aussi maintenant. Je ne pouvais donc plus te laisser vivre. Et quant aux autre, tu n’avais qu’à pas les mêler à cela. Quentin est mort par ta faute. »

            Xavier baissa la tête. Eva se pencha vers lui et lui prit la main. Des militaires commençaient à tambouriner à la porte, mais n’osaient pas tirer, de peur de blesser le Président. Jeanne n’allait pas tarder à les supprimer. Il fallait la faire parler.

            « Et comment avez-vous amené Pi à trahir son pays ? demanda Eva.

            -Ca n’a pas été très dur, répondit Jeanne. La France lui a pris sa femme. Elle est morte parce qu’il ne pouvait pas être là pendant qu’elle traitait son cancer. Elle s’est donc laissée dépérir. Tout cela parce que la France ne laissait pas son mari rentrer chez lui tous les soirs en période de crise. »

            Pi acquiesça. Il avait un air grave. Jeanne le regarda, puis leva son pistolet.

            « C’est la fin maintenant, dit-elle. Xavier, contente de t’avoir connu. »

            Elle visa Xavier. Celui-ci était tétanisé. Il la regarda droit dans les yeux.

            BANG !!!

            La détonation fit sursauter Xavier. Mais il ne sentit aucune douleur fulgurante. Il n’avait pas été touché. Puis il vit Jeanne qui s’effondrait, morte, et Olivier qui se relevait, un pistolet fumant à la main, braqué sur Rousseau et Pi. Ceux-ci n’avaient pas fait attention à lui lors du récit de Jeanne et Olivier en avait profité pour s’approcher du corps sans vie de Quentin pour prendre son revolver.

            Pi leva son bras pour tirer sur Olivier, mais celui-ci fut plus rapide et lui logea une balle dans l’épaule. Pi tomba à terre. Mais Rousseau tira sur Olivier avant que celui-ci ne puisse réagir. Mais la balle n’atteignit jamais le jeune homme. Valérie Argentcentime s’était précipitée sur Rousseau pendant qu’il tirait, et la balle avait atteint le plafond. Xavier ramassa le revolver de Pi et se jeta sur Rousseau, pendant qu’Eva se dirigeait vers la porte avec le Président. Elle l’ouvrit et sortit avec lui. Des militaires rentrèrent dans la salle et arrêtèrent Pi. Rousseau se rendit aussi devant l’affluence. Xavier déposa son arme et se précipita vers le corps sans vie de Quentin. Valérie était déjà penchée sur celui-ci et pleurait silencieusement. Xavier la prit par l’épaule et la releva. Puis il la confia à Eva et revint vers son ami. Il lui caressa les cheveux et lui ferma les paupières. Il eut un pincement de cœur en pensant que ces yeux bleus ne pétilleraient plus jamais. Xavier se releva et sortit de la pièce. Olivier l’attendait à la porte. Il posa sa main sur l’épaule de Xavier et ils sortirent lentement. Dans le couloir, ils retrouvèrent le Président. Celui-ci se précipita vers Xavier.

            « Je suis désolé jeune homme de la perte de votre ami. Si je peux faire quoi que ce soit…

            -Merci monsieur le Président, mais non. Je veux juste rentrer chez moi. Et je veux que mon ami mort ici ait des funérailles nationales. Qu’il soit traité en héros. Je vais aller prévenir ses parents. »

            Le Président hocha la tête et lui tendit la main. Olivier, Valérie, Eva, Sylvie et Xavier partirent tous ensemble. Ils montèrent dans la voiture de Valérie et celle-ci mit le contact. Xavier lui indiqua l’adresse de la maison des parents de Quentin. Quand ils furent arrivés, Xavier descendit tout seul de la voiture et alla annoncer à Mr et Madame Riaz que leur fils n’était pas un criminel recherché par la police, mais un héros national. Puis il repartit, abattu. Il rentra chez lui et se coucha sur son lit, désespéré.




Il était une fois en France – Annexes


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