Il était une fois en France – Livre 3 : au service de la nation (Aout – septembre 2006)

Chapitre 5
Le port du Havre


A midi, Quentin et Olivier se levèrent et ce fut au tour de Xavier et Eva d’aller dormir. Quentin et Olivier les réveillèrent vers 20h. Ils replièrent la tente et partirent. Ils roulèrent encore toute la nuit, en silence, se cachant dès qu’une voiture était en vue. Une immense fatigue les gagnait. Mais la peur était le meilleur des dopages et les faisait tenir. Ils vivaient une réelle fuite en avant. Une fuite vers la liberté. Ou vers la mort. Ils arrivèrent au Havre vers 4h du matin. Les rues de la ville étaient désertes à cette heure. Ils traversèrent la ville et arrivèrent sur le port. Plusieurs ferry étaient amarrés.

« Il faut trouver le premier qui part vers l’Angleterre au matin, dit Xavier. Olivier, va te renseigner. On sera près des containers. Eva et Quentin vont dormir un peu et moi je vais me séparer les vélos puis je reviendrai vers eux.

-On les garde pas ? demanda Olivier.

-Non. On n’en aura pas besoin. On fera Douvres-Londres en train. On n’est pas recherchés en Angleterre. Et on a assez avec 100€

-T’est certain ?

-Oui. Ils nous encombreraient sur le bateau. Je vais les jeter dans la baie. Il ne faut pas que la police les trouve et sache qu’on est en Angleterre. »

Olivier alla donc consulter les horaires pendant que Xavier allait jeter les vélos dans un coin peu fréquenté du port. Ils se retrouvèrent à 5h du matin près des containers.

« Le premier ferry part à 6h30, dit Olivier. Il accoste à Douvres.

-Parfait, dit Xavier. Il faut qu’on trouve moyen de monter dessus. »

Ils réveillèrent Quentin et Eva et se dirigèrent vers le ferry. Il était 6h du matin. Le jour commençait à se lever.

« Merde, dit Olivier. Regarde, Xavier. »

Il lui montra la passerelle qui montait au ferry. Deux policiers y étaient postés et avaient l’air aux aguets.

« Comment on fait ? demanda Quentin.

-Je sais pas, dit Xavier. On peut pas embarquer par la passerelle en tout cas.

-On peut pas escalader la corde qui rattache le bateau au bord ? demanda Eva.

-Trop dangereux, répondit Xavier. Et ils nous verraient. Il faut qu’on trouve un moyen d’embarquer sur ce bateau. Et sans être vus sinon on aura toute la police anglaise aux fesses. »

Il essayait de réfléchir. La situation était difficile. Il était fondamental qu’ils embarquent sur ce bateau. Sylvie était leur seule chance d’accéder à de l’argent et à un retour discret à Paris.

« On peut utiliser un gamin encore, suggéra Quentin.

-Comment ça ? demanda Xavier.

-On donne 20€ à un gamin pour qu’il fasse semblant de se noyer dans le port 5 minutes avant le départ du bateau, loin du quai d’embarquement. Les flics seront obligés de voler à son secours. Et le temps de le sauver, on sera partis.

-Ca peut marcher, reconnut Xavier.

-On embarquerait comment ? demanda Eva.

-On profite de la cohue causée par la noyade, dit Quentin.

-C’est pas gagné, mais on a pas mieux, dit Xavier. On le fait. »

Le plus dur fut de trouver un enfant à cette heure matinale dans le port. Finalement ils avisèrent un fils de marin qui semblait débrouillard et qui vit tout de suite son intérêt dans l’affaire.

« On veut faire une blague à des copains, lui raconta Quentin. Je veux que tu fasse semblant de te noyer dans le port. Des amis à nous viendront à ton secours. Ensuite, tu leur inventes une histoire comme quoi tu t’es trop penché et que t’es tombé. Je te donne 20€ pour ça. Mais attention, il faut que tu fasses un raffut du tonnerre. Tout le port doit accourir à ton secours, d’accord ?

-Ok. Mais je veux 30€ m’sieur. L’eau est sale.

-Vendu. »

***

Les deux policiers en faction devant le ferry s’appelaient Frédéric Macherien et Paul Rouge. C’était deux agents de la police municipale qui avaient été envoyés là par leur commissaire principal, en attendant la police nationale qui devait prendre le relais en milieu de journée. Apparemment, le jeune garçon menacé dont tout le monde parlait à la télé aurait émis l’idée que ses agresseurs pourraient chercher refuge en Angleterre. Donc la police devait garder tous les ports d’où partaient des bateaux pour l’Angleterre. Et c’était aux municipalités de s’en occuper en attendant les renforts. Macherien et Rouge n’y croyaient pas. Ils n’imaginaient pas qu’un homme ayant toute une organisation sur pied prendrait bêtement le ferry pour l’Angleterre. Mais il y avait une belle prime pour garder le ferry, donc ils l’avaient fait sans trop de cérémonie.

Il était 6h25 et l’embarquement était presque fini quand ils entendirent des cris venant de l’autre bout du port. Des cris d’enfant. Ils se précipitèrent dans la direction d’où venaient ces bruits. Ils virent un jeune garçon d’une dizaine d’années en train de se noyer dans le port. Les deux hommes se jetèrent à l’eau sans réfléchir pour secourir le garçon. Ils l’attrapèrent mais durent s’y prendre à deux car le garçon se débattait tant il devait avoir peur. Mais il s’épuisait. Finalement, au bout de quelques minutes, ils réussirent à le ramener au bord.

Le garçon tremblait de froid et de peur.

« Merci messieurs les policiers, dit-il. Je me suis trop penché parce que j’avais vu un beau poisson, et je suis tombé. Je suis désolé.

-C’est pas grave, dit Macherien, heureusement qu’on était là.

-Ne nous fais jamais plus de coups comme ça, hein ! dit Rouge.

-Je vous promets.

-Bon, dit Rouge, on retourne à notre poste. Ca va aller petit ?

-Oui. Merci monsieur. »

Les deux policiers repartirent. Le garçon sourit en voyant qu’ils avaient tout gobé.

***

A 6h25 précises, Xavier avait fait signe au garçon de se jeter à l’eau, et celui-ci avait joué la comédie à merveille. Ils avaient vu les policiers partir au secours du garçon. Les quatre jeunes gens avaient profité de la cohue causée par la noyade du garçon pour monter en douce sur le bateau. Une fois à bord, ils descendirent au parking dans la cale du bateau. C’était l’endroit où il y avait le moins de monde, donc où ils auraient le moins de chances d’être reconnus. Ils s’assirent donc adossés à une voiture et attendirent. Le bateau partit tout de suite après. Ils étaient en route pour l’Angleterre. Une fois arrivés là-bas, ils seraient en meilleure posture.

***

Quand Macherien et Rouge arrivèrent au ferry, celui-ci était en train de partir.

« Bon faut espérer que ça se saura pas qu’on a quitté notre poste, dit Rouge. Parce que…

-Eh, l’interrompit Macherien. Et si c’était une diversion ? Et s’ils en avaient profité pour monter sur ce bateau ? C’est quand même bizarre un gamin qui se noie comme ça, et surtout qu’il se baladait tout seul dans le port à cette heure matinale. C’est bizarre.

-Il nous faut des preuves, on n’est sûr de rien, dit Rouge.

-Certes, mais… »

Il fut interrompu par l’arrivée d’un marin, furieux, qui criait et gesticulait.

« Messieurs, je viens porter plainte !

-Pourquoi cela ? demanda Rouge.

-Le port est déjà assez pollué, et il y en a qui jettent encore des vélos pourris dans la rade. C’est honteux ! »

Rouge et Macherien se regardèrent. Ils pensaient à la même chose.

« Combien de vélos ? demanda Macherien.

-Quatre, » répondit le marin.

Macherien se tourna vers Rouge. Son regard étincelait.

« Appelle la police maritime, » dit-il.




Il était une fois en France – Annexes


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