Chapitre 20
La remise de Légion d'Honneur
Sylvie, Eva, Olivier et Quentin prirent le RER B et se dirigèrent vers Paris. Puis ils changèrent de transport et se dirigèrent vers le siège de TF1. Ils descendirent discrètement vers le parking souterrain et attendirent. Valérie leur avait communiqué le numéro d’immatriculation de la camionnette qui devait emmener l’équipe de télévision à l’Elysée. Ils repérèrent la camionnette et se cachèrent non loin. Il était 10h. L’équipe devrait arriver dans l’heure. Il ne leur restait plus qu’à attendre avant de les cueillir.
Valérie Argentcentime quitta son appartement à 10h et prit sa voiture. Elle avait une autorisation spéciale pour se garer dans la cour du palais présidentiel. Xavier était rentré dans le coffre et avait instruction de n’en sortir qu’au moment opportun. Valérie conduisit donc sa Mégane sur la N20 et se dirigea vers Paris. Le premier barrage militaire était porte d’Orléans. Valérie s’y arrêta et montra sa carte du ministère et son invitation à l’Elysée. Le militaire en faction hocha la tête et fit signe à ses hommes de s’écarter. Valérie embraya et la voiture entra dans Paris.
L’équipe de télévision arriva à 10h30 dans le parking. Olivier et Quentin mirent des cagoules et sortirent leurs revolvers. Puis ils se montrèrent et l’équipe de télé fut tétanisée.
« Ne bougez pas, dit Quentin. Donnez nous les clés du véhicule. »
Le plus grand des quatre de l’équipe télé mit la main dans sa poche, en sortit les clés et les lança par terre. Puis Olivier se rapprocha d’eux, sortit une petite bombe de gaz anesthésiant et leur en lança une rasade à chacun. Les quatre s’endormirent donc. Olivier et Quentin les traînèrent jusqu’à une planque dans le parking et les y attachèrent. Puis ils récupérèrent les clés et montèrent dans le véhicule. Eva et Sylvie vinrent avec eux. Une fois qu’ils furent tous à l’intérieur, Olivier les briefa.
« Voici vos cartes de journalistes faites par Valérie, dit-il. Et voici vos laissez-passer pour passer à travers les barrages militaires. On n’aura pas le droit de se garer dans la cour de l’Elysée, mais ce n’est pas grave. Sylvie, tu prends le volant ?
-Pas de problème. »
Elle s’installa au siège conducteur et démarra. Elle sortit du parking de TF1 et se dirigea vers l’intérieur de Paris.
Valérie arriva devant l’Elysée à midi. Tous ces barrages militaires l’avaient retardée. Mais ces contretemps étaient prévus dans le plan de Xavier. Le dernier barrage était celui pour entrer à l’Elysée. Il serait le plus dur à passer. Un militaire fit signe à Valérie de s’arrêter. Elle s’exécuta, ouvrit sa fenêtre et lui montra les papiers habituels.
« Désolé mademoiselle, dit le militaire, mais la sécurité est renforcée autour du palais présidentiel. Je vais devoir fouiller votre voiture.
-Mais je suis la nièce du ministre de l’intérieur, protesta-t-elle. Vous ne croyez tout de même pas que je vais abriter des fugitifs ou les aider ou quoi que ce soir !
-Peu importe ce que je crois mademoiselle, je dois fouiller votre véhicule.
-Si vous faites cela, vous êtes radié de l’armée dans une semaine.
-Mais si je ne le fais pas, je suis radié de l’armée demain. »
Le militaire commença à tourner autour de la voiture et arriva en face du coffre. Il fit mine de l’ouvrir, mais un cri l’interrompit.
« Soldat, que faites vous ? »
Valérie se tourna dans la direction d’où venait le cri. C’était Pi. Celui-ci se rapprocha du militaire d’un pas rapide.
« Cette demoiselle est la fille du ministre, cria Pi, comment osez-vous fouiller sa voiture ?
-Mais monsieur, mes ordres…
-C’est de moi que vous prenez vos ordres, dit Pi. Et là mes ordres sont de laisser passer cette demoiselle sans rien dire. »
Le militaire fit un salut et s’éloigna. Pi se pencha par la fenêtre de la voiture.
« Merci, dit Valérie.
-De rien. Depuis le temps qu’on bosse ensemble, je vous devais bien ça. »
Valérie lui fit un sourire et redémarra. Il lui était difficile de croire que cet homme était un traître. Mais elle avait confiance en Xavier. Elle se gara dans la cour et s’éloigna de la voiture. Elle salua ses collègues et il était 13h quand elle s’assit à la place qui lui était réservée. Les militaires de parade et les officiels commençaient à se préparer.
Sylvie gara la camionnette non loin de l’Elysée. Les quatre jeunes gens en sortirent tout le matériel : caméras, micros, etc… Puis ils se mirent en route. Ils avaient recherché sur Internet la veille comment il fallait se servir de ces accessoires. Ils arrivèrent finalement devant le palais présidentiel à 13h15. Le militaire en faction appela ses hommes qui vérifièrent leur laissez-passer et les fouillèrent. Les jeunes gens n’avaient pas pris d’armes, donc les soldats ne trouvèrent rien. Ils les laissèrent donc entrer et un sergent les accompagne jusqu’à l’endroit où ils étaient autorisés à poster leur caméra. Les jeunes gens se mirent en place et à 13h45, tout était prêt. Il ne restait plus qu’à attendre.
A 13h50, une Laguna franchit le seuil de la cour de l’Elysée. Jean Rousseau et Jeanne Guislain étaient dedans. Ils en descendirent sous des tonnerres d’applaudissements auxquels ils répondirent par des signes de la main et des courbettes. Puis un capitaine en uniforme de parade vint les chercher et les conduisit à leurs places. Ils s’assirent côte à côte et attendirent le Président. Pi se pencha vers Jean Rousseau et lui murmura quelques mots à l’oreille. Celui-ci acquiesça et Pi profita de la cohue générale pour lui glisser un poignard dans la main. Ce geste avait échappé à tout le monde, sauf à Quentin qui avait réussi à filmer ce geste grâce à la caméra du groupe de télé.
Eva regarda autour d’elle. La cour de l’Elysée était tellement belle, le monument était si impressionnant qu’il était presque impossible d’imaginer que de terribles événements s’y tramaient en ce moment même. Des voitures de luxe arrivaient en file presque ininterrompue et déversaient des flots de militaires en habits de parade ou d’officiels en costume noir. La plupart commençaient par se diriger vers Jean Rousseau pour lui présenter leurs félicitations. Celui-ci se levait à chaque fois et répondait avec un large sourire en leur serrant la main. Il jouait vraiment son rôle à merveille. Mais il lui manquait juste l’innocence que l’on pouvait lire dans les yeux de Xavier à chaque instant.
Tout le monde attendait le Président. Tous les regards étaient tournés vers le perron de l’Elysée, attendant que la grande porte de bois s’ouvrît. Finalement, elle s’ouvrit et laissa le passage à un homme d’une haute stature en costume noir. Celui-ci prit la parole.
« Mesdames et messieurs, le Président de la République française. »
Tout le monde se leva et le Président arriva sur le perron sous un tonnerre d’applaudissements. Valérie se tenait debout, raide, prête à intervenir au bon moment. Elle jeta un coup d’œil à Eva qui acquiesça de la tête pour la rassurer. Puis Valérie se retourna vers le Président. Celui-ci commença un long discours de bienvenue, tout en restant sur le perron de l’Elysée.
« Mes chers compatriotes, dit-il, nous sommes réunis aujourd’hui pour couronner le courage d’un homme. D’un homme, dis-je, ou plutôt d’un très jeune homme. D’un patriote. D’un lycéen qui n’a pas hésité à mettre sa vie en péril par deux fois pour rendre service à son pays. Un garçon qui n’a jamais rien demandé en échange, sinon une vie normale. C’est grâce à des hommes comme cela que la France restera à jamais une grande nation. Grâce à des hommes comme Xavier Guislain, des hommes qui n’écoutent que leur courage et leur patriotisme, même dans les heures les plus noires de leurs vies. C’est d’hommes comme cela que la France est fière et dont elle peut se vanter. C’est pourquoi j’appelle aujourd’hui Xavier Guislain à me rejoindre ici pour recevoir sa médaille. »
C’est le moment, pensa Valérie.
Jean Rousseau fendit la foule sous les applaudissements, pour aller rejoindre le Président sur le perron. Mais un coup de feu retentit. Un silence de mort tomba sur la cour du palais présidentiel. Toute la foule se retourna vers l’endroit d’où avait été tiré le coup de feu et vit Xavier, perché sur le toit de la voiture de Valérie, un pistolet fumant à la main, il avait tiré en l’air. Il mit en joue Jean Rousseau.
« Maintenant écoutez-moi, dit-il, je suis Xavier Guislain. Cet homme est Jean Rousseau. Et son projet est de vous tuer, monsieur le Président, et… »
Il fut interrompu par une douleur fulgurante dans l’épaule. Un des hommes de Pi lui avait tiré dessus. Xavier s’effondra sur le toit de la voiture et des militaires l’encerclèrent pour l’embarquer. Mais le Président intervint.
« Stop, dit-il. Je veux entendre ce que cet homme a à dire.
-Mais c’est un criminel, monsieur le Président, dit Pi.
-Non, ce n’en est pas un. »
Valérie Argentcentime s’était avancée vers le perron et avait parlé de la sorte. Le Président la regarda avec curiosité.
« Monsieur le Président, dit-elle, je suis Valérie Argentcentime, la nièce du ministre de l’intérieur. Et je peux vous certifier que l’homme à qui vous vouliez remettre la légion d’honneur est Jean Rousseau.
-Comment le savez-vous ? demanda le Président.
-Je connais Guislain. »
Le Président resta muet. Jean Rousseau jeta un coup d’œil à Pi qui lui fit signe de ne pas bouger. Puis le Président prit la parole.
« Mademoiselle Argentcentime, dit-il, venez avec moi dans mon bureau. Pi, venez aussi. Et monsieur Guislain aussi. Et amenez moi le prisonnier. Mesdames et messieurs, dit-il en s’adressant aux invités, je vous prie de m’excuser une minute. »
Et toutes les personnes qu’il avait convoquées entrèrent dans le palais. Eva, Sylvie, Olivier et Quentin regardaient cela de loin, impuissants. Ils virent Jeanne Guislain se redresser pour voir où ils emmenaient son frère. Puis ils se retournèrent vers la porte où Xavier avait disparu, prêts à agir.
« C’est quoi ce bordel ? explosa le Président, une fois que tout le monde fut dans son bureau. Je veux une explication. »
Pi était embêté. L’assassinat ne pouvait pas se faire dans ce bureau. Il fallait que Guislain soit accusé du meurtre et que l’image de ce héros national soit détruite. Et il fallait justifier la prise de pouvoir par les militaires en mettant en avant le fait qu’il pourrait y avoir d’autres traîtres. Comment diable le vrai Guislain avait-il réussi à rentrer ?
« Monsieur le Président, commença le vrai Xavier qui se trouvait sous la surveillance d’un soldat, je…
-Ne l’écoutez pas, intervint Pi. Ceci est une tactique typique de Rousseau. Il veut vous faire croire qu’il est Guislain et…
-Je ne veux pas vous entendre, dit le Président. Mademoiselle Argentcentime, je voudrais savoir pourquoi quelqu’un de mon administration a délibérément soutenu un criminel. Parce que je suppose qu’il est arrivé dans le coffre de votre voiture.
-Très juste, monsieur le Président. Et c’est justement parce qu’il n’est pas un traître.
-Je peux le prouver. »
Cette intervention était due à Quentin Riaz, qui entra dans le bureau du Président, escorté par un soldat. En voyant que personne ne sortait, Quentin s’était inquiété, et s’était rendu aux militaires comme fugitif recherché, et avait demandé à être conduit au Président.
« Je peux prouver que cet homme n’est pas le vrai Xavier Guislain, » continua Quentin en s’avançant dans la pièce d’un pas rapide.
Le Président se tourna vers le jeune homme, puis vers le militaire qui l’accompagnait. Celui-ci lui expliqua la situation. Puis le Président s’assit à son bureau.
« Je vous écoute, dit-il.
-Fouillez celui que vous croyez être le vrai Xavier, dit Quentin. Vous trouverez un couteau sur lui. Alors que les militaires à l’entrée sont censés lui avoir enlevé toutes ses armes. »
Jean Rousseau réprima sa frayeur. Il fit mine de s’enfuir, mais un militaire lui prit le bras, lui tordit, et Jean Rousseau tomba à terre. Le militaire le fouilla et trouva le couteau. Il le montra au Président. Celui-ci hocha la tête.
« Mais cela ne prouve rien, dit Jean Rousseau. Monsieur le Président, il faut me croire. »
Mais avant que le Président n’ait pu répondre à l’injonction de Jean Rousseau, Quentin reprit la parole.
« Monsieur le Président, dit-il, si vous permettez, j’ai une vidéo de Pi ici présent en train de donner ce couteau à monsieur Rousseau. »
Le Président se tourna vers Pi. Celui-ci perdit alors tous ses moyens. Ils sortit son révolver, tira sur le sergent à côté de lui. Celui-ci tomba comme une masse, mort d’une balle dans la tête. Pendant ce temps, le vrai Xavier se jetait sur le Président et le faisait tomber derrière le bureau pour éviter qu’il ne prenne une balle perdue. Valérie les rejoignit derrière le bureau.
Rapide comme l’éclair, Pi tira sur le deuxième garde qui s’effondra. Jean Rousseau ramassa son arme et tira sur Quentin qui essayait de prendre celle du sergent. Xavier vit avec horreur son ami tomber sans vie. Quentin Riaz était mort. Ce jeune homme si friand de vie était décédé à cause d’un terroriste sans foi ni loi. Xavier sentit une bouffée de haine monter en lui. Mais Jean Rousseau et Pi étaient maintenant debout derrière le bureau, chacun une arme à la main. Ils souriaient.
« Relevez vous, » dit Pi d’une voix calme.
Xavier, Valérie et le Président s’exécutèrent. Valérie poussa un petit cri en voyant le corps sans vie de Quentin. Mais Xavier lui posa une main sur le bras pour l’inciter à ne pas bouger. Qu’allaient faire les criminels maintenant ?
Mais le porte s’ouvrit avec fracas et une escouade de cinq soldats arriva, escortant Eva, Sylvie et Olivier. Jeanne Guislain les suivait. Celle-ci avait reconnu les fugitifs dans l’équipe de télévision et les avait dénoncés aux militaires. Sylvie regardait sa sœur d’un air ahuri, ne comprenait pas pourquoi celle-ci n’avait pas cherché à les disculper. Pi et Jean Rousseau réagirent très vite. Ils tirèrent sur les militaires avant que ceux-ci aient eu le temps de bouger. Eva, Sylvie, Olivier et Jeanne se jetèrent à terre. Les cinq hommes tombèrent d’un coup. Puis une fois la fumée dissipée, les quatre jeunes gens se relevèrent et Pi leur fit signe de rejoindre les autres derrière le bureau.
« Bien, fit Pi, nous avons uns situation assez bizarre. Mais nous pouvons nous en sortir en mettant tout cela sur le dos de Jean Rousseau, qui sera en fait toi, Xavier. »
Sylvie jeta un coup d’œil à sa sœur. Celle-ci ne semblait nullement surprise d’avoir vécu avec un imposteur pendant des mois. Peut-être était-elle retenue ou menacée, ou…
Elle fut interrompue dans ses pensées par l’arrivée d’un militaire, attiré par les coups de feu. Pi et Rousseau ne le virent que trop tard et n’eurent pas le temps de le mettre en joue. Le militaire leur fit signe de déposer leurs armes. Ils s’exécutèrent et reculèrent. Mais un coup de feu retentit et le militaire s’écroula, mort. Xavier tourna la tête et vit Jeanne Guislain, sa sœur, un pistolet fumant à la main. Elle vint se mettre à côté de Pi et Jean Rousseau.
« Maintenant vous savez pour qui vous travaillez, » leur dit-elle.
Il était une fois en France – Annexes